Clochette et la Créature légendaire

Publié par Jordan Doriath le 25 janvier 2015 | Maj le 10 mai 2018

Pour la sixième fois depuis 2008, les DisneyToon Studios sortent un nouvel et (semble-t-il) ultime épisode consacré la fée Clochette. Apparue pour la première fois dans Peter Pan en 1953, le 14e Grand Classique d’animation des Studios Disney, Clochette (Tinkerbell) a réussi à occuper une place très importante dans le cœur du public malgré sa toute petite taille. Chaque épisode nous a fait découvrir, en près de sept années, la Vallée des Fées, où vivent Clochette et ses amis : des personnages attachants à qui tout le monde peut s’identifier.

Clochette et la Créature Légendaire : critique

Alors que les premiers épisodes de la saga n’étaient réservés exclusivement qu’au petit écran puis proposés directement en vidéo, le succès de la petite fée l’a projetée sur grand écran en France avec Clochette et le Secret des Fées en 2012, suivi de Clochette et la Fée Pirate (2014), confirmant l’engouement du public européen pour ses aventures. Une vue globale de la franchise nous permet de mieux appréhender son succès florissant depuis 2008, mais qui commence à s’essouffler depuis 2012 : plus de 2 millions de Blu-Ray et de DVD ont été vendus ; plus de 2,5 millions de spectateurs ont découvert les aventures de Clochette en salles (Clochette et le Secret des Fées et Clochette et la Fée Pirate). En France, c’est près d’un million de téléspectateurs qui a suivi les premiers longs-métrages sur NT1 en prime-time pour Noël. Cet engouement typiquement français se ressent également sur la toile, où 412 000 personnes sont « amies » avec notre Fée sur sa page Facebook, sans compter les 17 000 membres que compte déjà le Club Clochette sur Disney.fr.

Clochette et la Créature Légendaire

LEGEND OF THE NEVERBEAST

Il convient de rappeler néanmoins que le marché de la vidéo physique, un temps florissant, a considérablement reculé depuis. C’est évidemment principalement les ventes du support DVD qui ont souffert de cette baisse, tandis que le Blu-Ray, annoncé comme la relève du genre, a finalement peiné à convaincre totalement. A ce phénomène, remettant directement en cause ce pourquoi les DisneyToon Studios existent, s’ajoute l’envol du marché concurrentiel de la vidéo à la demande et le vice du piratage, alors que la frontière entre téléchargement légal et illégal reste assez floue aux yeux d’une majorité d’internautes mal informés. Beaucoup de raisons qui expliquent sans doute que les derniers opus de Clochette n’ont pas su faire preuve de rentabilité, notamment aux Etats-Unis, là où tous les véritables enjeux du studio d’animation annexe se jouent. Il faut également ajouter à cela un désintérêt progressif pour les produits dérivés de la franchise Disney Fairies. Le succès dans les salles européennes n’aura pas suffit à compenser le manque d’attrait outre-Atlantique, si bien que les septièmes et huitièmes épisodes en pré-production fin 2013 ont purement et simplement été annulés, mettant fin à l’ère de la poussière de Fées.

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Clochette, une fée magique

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Dans un autre sens, il est difficile de croire que les DisneyToon Studios signent là le point final d’une saga qui avait le mérite de rafraîchir l’univers de Peter Pan, sans pour autant l’altérer. C’est d’autant plus vrai lorsque les responsables du studio et certains intervenants de The Walt Disney Company France sous-entendent aux médias que la franchise Clochette n’a pas dit son dernier mot. Les créateurs des sept films et de la série de courts-métrages ont su durant ces dernières années apporter constamment des histoires originales pleines de rebondissements à chacune de ces aventures féeriques, tout en préservant une certaine forme de suspense lié au devenir de la protagoniste principale et sa rencontre avec Peter Pan. D’opus en opus, les DisneyToon Studios ont su comment garder les fidèles de Clochette en haleine.

TINKER BELL AND THE LEGEND OF THE NEVERBEAST

Le dernier Clochette confié à Steve Loter

C’est Steve Loter qui s’est collé à la tâche de tirer un trait final à cette saga, et a vu beaucoup de réalisateurs se succéder : Bradley Raymond (La Fée Clochette, Clochette et l’Expédition Féerique, Clochette et le Tournoi des Fées), Klay Hall (Clochette et la Pierre de Lune), Peggy Holmes (Clochette et le Secret des Fées, Clochette et la Fée Pirate), Bobs Gannaway (Clochette et le Secret des Fées). Steve Loter est donc un nouvel arrivant dans cette saga, mais également dans cette branche animée des studios. Fort d’une expérience professionnelle importante chez Disney Television Animation, il est crédité dans de nombreuses œuvres animées du label. Il a entre autres réalisé cinq épisodes de la série animée La Légende de Tarzan (2001) ainsi que le film qui en découle, La Légende de Tarzan et Jane. Il a réalisé, toujours pour le réseau télé, 19 épisodes de la série Les Aventures de Buzz L’Éclair (2000-2001), quatre épisodes de Brandy & M. Whiskers (2006), 13 épisodes de American Dragon : Jake Long (2006-2007) et deux épisodes de Clerks (2000-2001). On lui doit également 35 épisodes de la série Kim Possible (2003 à 2007) et trois films dérivés,  Kim Possible : La Clé du Temps (2003) et Kim Possible : Mission Cupidon (2005) pour la télévision ainsi que Kim Possible : Face à ses Ennemis pour la branche vidéo. Enfin, il a storyboardé un épisode de la série La Maison de Mickey en 2011.

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Une nouvelle jeunesse

Voilà de quoi redonner une seconde jeunesse à la saga, confortant alors le pari implicite des studios de relancer la franchise… En effet, dans ce nouvel épisode d’une heure et seize minutes (toujours trop court quand on apprécie cet univers), Clochette cède le devant de la scène à un autre protagoniste présente depuis La Fée Clochette, Noa, la fée des animaux, qui a d’ailleurs eu le droit à un relooking pour l’occasion : une jupe en plumes, des bottines, un haut asymétrique et une queue de cheval plus épaisse. Jamais un film sur Clochette n’avait autant mis en avant l’une de ses consœurs. L’occasion de découvrir une fée très vive et attachante à laquelle de nombreuses personnes amoureuses des animaux pourront s’identifier. Contrairement à ce que l’on pourrait penser en voyant ce film, Steve Loter n’a pas toujours apprécié les animaux, mais il s’est beaucoup servi de son expérience personnelle pour apporter du cœur à l’ouvrage. Le cinéaste a ainsi pioché dans les traits de caractère de sa propre fille pour apporter plus de relief au personnage de Noa. En effet, sa fille présente de nombreux points communs avec ce personnage : l’attirance impulsive pour la faune et son discernement à voir le bon côté des créatures qu’elle rencontre. La vie de famille du réalisateur fut également une grande source d’inspiration pour les personnages du film, qui présentent différents traits de caractère de ses proches. Si la direction artistique a souhaité apporter une touche de nouveauté dans le look de cette fée, les animateurs en ont également profité pour apporter de nouveaux rigs à son visage et remodéliser ses mains, ceci afin de mieux nourrir le jeu du personnage, au centre de l’intrigue. Le pari de proposer un nouveau virage à la saga est totalement assumé de bout en bout, l’héroïne mythique servant d’appui à la nouvelle protagoniste principale.

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Steve Loter et ses équipes sont allés plus loin dans ce processus de redynamisation. Non seulement le personnage au centre des préoccupations est un personnage secondaire dans la saga, mais le rythme de l’intrigue s’éloigne totalement des précédents opus, confirmant le style très télévisuel du réalisateur. Le scénario légèrement plus étoffé que d’habitude est servi par une action très bien dosée. L’histoire visiblement bien pensée va même jusqu’à surprendre le spectateur dans une séquence finale émouvante. En revanche, cette prise de position isole quelque peu le film dans la saga, tant et si bien qu’on pourrait aisément intercaler ses événements entre n’importe quels opus. La petite fée blonde, qui n’occupe qu’une place mineure dans cet opus, pourra manquer aux jeunes spectateurs.

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Aurait-il fallu assumer complètement ce virage artistique et lancer un spin-off de la saga ? La question se pose car le choix très mercantile d’avoir titré cet opus Clochette et la Créature Légendaire est à l’évidence plus que mensonger. « Noa et la Créature Légendaire » aurait été bien plus adapté. Cependant, la magie des Clochette continue d’opérer, et on est finalement heureux de découvrir les traits de caractère d’une autre fée, ce qui permet de ne pas se lasser de notre blondinette. Seconde déception lorsque nous apprenons que ce n’est pas encore dans cet épisode que nous découvrirons comment Peter Pan a croisé le chemin de Clochette. Alors que Clochette et la Fée Pirate, mettant en scène le Capitaine Crochet, Monsieur Mouche et Croco, nous faisait pressentir une suite où apparaîtrait le héros du dessin animé de 1953, Clochette et la Créature Légendaire nous coupe dans notre élan et maintient encore le suspense (si ce n’est pas définitivement le dernier opus de la saga…). Cependant, on découvre une nouvelle créature à laquelle on s’attache et qui nous fait rapidement oublier cette déception.

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Parmi les nouveaux personnages de cet opus, le spectateur craquera assurément pour Grognon. Créature gigantesque aux yeux verts et luisants, il est difficile de la juger au premier abord et définir si celle-ci est inoffensive ou non. Conçue comme un mélange de diverses espèces animales, ce qui suscite l’intérêt de Noa, Grognon, de son surnom qu’elle lui affuble (du fait de son caractère solitaire et froid), peut à la fois avoir l’air menaçant avec ses dents semblables à celles d’un requin et ses ailes proches de celles d’une chauve-souris, mais aussi attendrir avec ses yeux aussi expressifs que ceux d’un chien et sa langue de grenouille qui fera sourire plus d’un enfant. On peut remarquer l’important travail réalisé sur cette créature, notamment au niveau de sa démarche et de son pelage très détaillé, un véritable défi pour les animateurs. Ses poils ondulent avec le vent et luisent avec la poussière de fée. Tous les ingrédients sont réunis pour rendre cette bête fascinante et sympathique. Attention, après avoir vu le film, il n’est pas impossible que vous ou vos enfants ayez envie d’adopter Grognon !

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Cette nouvelle production met aussi un autre type de fée en avant : les fées éclaireuses. Guidées par Nyx (doublée en France par la chanteuse Alizée), elles ont pour objectif de protéger la Vallée des Fées. Une relation conflictuelle s’installe progressivement entre l’impulsive Noa, qui ne peut s’empêcher de prendre des risques et d’apporter son aide aux animaux en danger, et Nyx, n’acceptant pas qu’elle amène des bêtes potentiellement dangereuses pour les fées. Il est intéressant de constater comment ce film nous balance entre raison (incarnée par Nyx) et sentiment (du côté de Noa) surtout lorsque Grognon, cette mystérieuse créature, fait son apparition. Le caractère protecteur et ferme de Nyx la rendra parfois détestable et le public pourra la ranger dans la catégorie des « méchants » jusqu’à ce qu’il prenne réellement conscience des vraies motivations qui la poussent à agir de cette façon. C’est un très beau parallèle avec les situations que mères et filles peuvent être amenées à vivre dans la vie de tous les jours. Comme quoi, Disney nous offre une fois de plus un film destiné à un public familial.

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Ce film livre par ailleurs une belle leçon de vie pour son jeune public. Partagés entre les fées, nous avons aussi du mal à comprendre qui est vraiment Grognon et quelle est l’étrange passion qui l’anime aux quatre coins de la Vallée des Fées. Comme Noa et Nyx, nous avons beaucoup à tirer de cette histoire qui nous fait comprendre qu’il faut apprendre à connaître les gens avant de les juger sur leur apparence, même si les deux fées pensent chacune faire ce qu’il y a de mieux : protéger les animaux innocents, et protéger les fées des prédateurs.

Clochette et la Créature Légendaire nyx

Une fois de plus, vous serez enchanté par les compositions entraînantes de Joel McNeely qui, pour cet opus, a repris une tonalité plus celtique en base de travail. Mais ce n’est pas sans compter la simple présence de Grognon qui a impliqué le développement d’un habillage sonore bien spécifique. C’est ainsi que les motifs celtiques ont été approfondis avec ceux du monde mystérieux de Grognon. Ces deux paysages sonores sont le résultat du travail conjoint du compositeur et de l’auteur-compositeur-interprète Bleu. Dans la musique de Clochette et la Créature Légendaire, on découvre des instruments aux sons très ethniques tels que la kalimba, un piano à pouces africain, ainsi que différents tambours et instruments improvisés. Aux accents tribaux illustrant la monstruosité de la créature, le talentueux Joel McNeely a également imaginé un thème particulier et mélodieux pour la relation qui lie Noa et Grognon. Enfin, trois chansons originales viennent compléter ces partitions musicales : le morceau « Je vole » (« Float » en version originale), composé par Bleu, illustre l’insouciance, l’impulsivité et la curiosité de Noa en début de film, tandis que la seconde chanson, « Quelle joie » (« Strange Sight ») accompagne la scène dans laquelle Noa découvre Grognon dans les bois non loin de la Vallée des Fées. Enfin, le générique de fin s’offre une troisième chanson, « 1 000 Years », interprétée par KT Tunstall en duo avec Bleu.

Les DisneyToon Studios continuent de nous surprendre à chaque nouvel épisode de Clochette, dévoilant à chaque fois une réalisation visuelle plus détaillée et des histoires toujours plus haletantes. Clochette et la Créature Légendaire, bien qu’accusant certains défauts en terme de continuité dans la saga, demeure l’un de ses meilleurs épisodes. Bien que ce film, qui n’offre pas la conclusion que l’on attendait pour la saga, puisse décevoir les Fans de Peter Pan, il arrive tout de même à fidéliser le public en revitalisant la franchise avec un rythme plus soutenu, une émotion plus palpable et une mythologie toujours plus élaborée, Grognon étant une véritable merveille de création animée ! Petits et grands vivront un nouveau voyage riche en émotions dans cet ultime épisode de la Vallée des Fées… Si ce virage artistique opère dans les salles, il se pourrait bien que l’existence de Clochette au cinéma puisse finalement durer quelques années supplémentaires, mais avec une toute autre méthode de création…

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