Le film des Marvel Studios et de la Fox Deadpool

Publié par Kevin Gauthier le 27 décembre 2015 | Maj le 10 mai 2018
    • Production : Marvel Studios
    • Titre original :  Deadpool
    • Titre français : Deadpool
    • Sortie française : 10 février 2016
    • Sortie américaine : 12 février 2016
    • Durée : inconnue
    • Film Live
    • Réalisateur : Tim Miller
    • Scénario : Rhett Reese et Paul Wernick
    • Musique : Tom Holkenborg

Deadpool la critique du film !

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Deadpool, le seul, l’unique débarque sur grand écran le 12 février 2016. Et le moins que l’on puisse dire est qu’il s’agit là d’un véritable tour de force pour la 20th Century Fox, détentrice des droits d’adaptation cinématographiques du Mercenaire déjanté. Le premier blockbuster super-héroïque de l’année 2016 s’offre ainsi le personnage à part dans l’univers des comics Marvel.

Deadpool 12 millions sortie

Deadpool a quelque chose de différent.

C’est un fait. Sans tomber dans l’éclectisme, il est à la Maison des Idées ce que le vilain petit canard est chez Andersen… avec la loufoquerie de bas étage, la tenue rouge sang, la sexualité débridée, la conscience du monde fictif dans lequel il évolue, et surtout énormément de violence toujours plus ou moins gratuite et stylisée dans un univers old-school manifestement figé dans les années 1990. Il fait partie de ces personnages qui dépassent la place originale qui leur avait été forgée, si bien que Wade Wilson transcende depuis bon nombre d’années les frontières de ses médiums et incarne l’une des coqueluches de la culture populaire super-héroïque, sans pour autant créer l’engouement général. C’est bien ce qui caractérise le personnage.

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l’intraitable et redoutable Deadpool

Les pères de cet anti-héros par excellence sont le scénariste Fabian Nicieza et le dessinateur controversé Rob Liefeld. S’offrant une première apparition somme toute modeste dans New Mutants #58 en février 1991, l’intraitable et redoutable Deadpool se fait botter le train par les nouvelles recrues mutantes avant d’être « étiqueté » (Deadpool étant le personnage inclassable dépassant tout entendement par définition) dans la case du personnage paranormal et totalement barré que l’on connaît. Rob Liefeld est un dessinateur typiquement ancré dans un style graphique inconvenant des années 1990, proposant des planches volontairement trashs, des décors parfois bâclés ou encore des silhouettes disproportionnées. Un style qui fait de l’artiste l’un des plus critiqués de son temps. Il n’est d’ailleurs pas surprenant, pour la petite blague potache, de découvrir que les origines du pseudonyme et de la tenue de combat du personnage s’inspirent directement de Deathstroke le Terminator, de son vrai nom Slade Wilson, lui aussi mercenaire assassin, mais appartenant au catalogue de la Distinguée Concurrence, DC Comics.

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Deadpool DC Comics

Le plagiat ne s’arrête d’ailleurs pas seulement au nom et à l’allure de ce dernier mais va jusqu’à émuler sa passion principale, les armes blanches. Les créateurs de Deadpool pousseront de la sorte le vice à leur corps défendant en parlant simplement d’hommage. Après tout, DC et Marvel ne se sont-ils pas mutuellement copiés de tout temps ? Quoi qu’il en soit, Wade Wilson s’offrira quelques apparitions furtives dans de nombreuses séries telles que Hulk ou Heroes of Fire dans lesquelles il prêtera main forte à d’autres super-héros urbains, Luke Cage et Iron Fist, et ira même jusqu’à devenir l’acteur principal de deux mini-séries. La première verra le retour du scénariste Nicieza et sera illustrée par Joe Madureira, tandis que la seconde sera signée cette fois-ci de Mark Waid et mise en images par Ian Churchill. L’année 1997 marquera un réel tournant dans la carrière du Clown sanguinolent : l’auteur Joe Kelly et le dessinateur Ed McGuinness associent leurs talents autour d’une nouvelle série baptisée très naturellement Deadpool. Les artistes fortifient voire explosent la personnalité déjà bien décalée du personnage et lui confèrent ainsi toutes ses lettres de noblesse. Ne sachant pas si leur série plaira au grand public, ils se permettent alors de dépasser toutes les conventions de la Maison des Idées avec ce personnage, alors même que la série n’a pas encore reçu d’avis critique de la presse. Deadpool symbolise alors à merveille la finesse parodique la plus absolue chez Marvel durant les années 1990 ; le tueur sans répit bénéficie d’intrigues toutes plus rocambolesques et absurdes les unes que les autres. De nombreux personnages font alors leur apparition dans le cercle de proches du personnage : Weasel, son meilleur ami, Blind Al, une personne âgée non voyante, que Deadpool retient chez lui et avec qui il entretient une relation filiale saugrenue. La série Deadpool permet également au personnage de délirer comme jamais, d’exposer au grand jour sa schizophrénie et de narrer les origines de ses troubles mentaux et physiques l’ayant doté de facultés hors normes.

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Deadpool 1996

Deadpool n’est pas un super-héros.

Comme la plupart de ces hommes ou femmes spéciaux au départ dirons-nous… ? En effet, Wade Wilson incarne à merveille le parfait gugusse plutôt normal, à la vie finalement banale, la partageant avec sa petite amie… Du jour au lendemain, Wade Wilson apprend qu’il contracte un cancer amené à se généraliser. C’est donc sa maladie qui le conduira à franchir le pas, et quel pas, puisqu’il acceptera de devenir l’un des cobayes du projet expérimental bio-médical du gouvernement, Arme X, celui-là même qui a doté au mutant Wolverine son squelette en adamantium. Ce procédé lui est vendu comme une occasion de guérir de son cancer grâce à l’apport d’un facteur auto-guérisseur novateur. Wade accepte. Et comme « tout ce qui est susceptible de mal tourner, tourne nécessairement mal » disait Edward Murphy Jr., l’opération s’avère plus compliquée que prévue. Certes, l’agent s’intègre parfaitement aux brins d’ADN de Wade, mais suppose que son cancer est « normal », et en accélère donc le développement dans l’ensemble de son anatomie humaine. Finalement, le facteur guérit à la fois les cellules saines et tumorales de Wade Wilson, si bien que le personnage s’enlaidit considérablement mais surtout devient fou littéralement à mesure que ses cellules cérébrales se régénèrent à une vitesse surnaturelle. Mais la chose la plus importante est sa nouvelle capacité à être immunisé contre toute forme de maladie, de poison et à guérir de ses blessures très rapidement.

Wade Wilson devient par ailleurs virtuellement immortel.

Le cribler de balles, lui couper une main, lui crever les yeux, lui trancher la tête, le réduire en cendres même… n’y font rien. Le personnage est comme invincible. Dans le cross-over X-Force/Cable: Messiah War One-Shot sorti en 2009, on retrouve le mercenaire toujours en vie après 800 ans d’existence !

Deadpool Comics

Deadpool pourrait très bien, à l’instar d’un Wolverine, se servir de ses dons, qu’il n’a pas réellement demandés, pour le bien commun.

Un tortionnaire bizarre !

Mais son caractère immortel le condamne plutôt à être tortionnaire de sa propre malédiction. Deadpool s’est accommodé de sa nouvelle condition mais s’en sert plus pour semer, gratuitement ou à des fins d’intérêt particulier, le chaos autour de lui. Il lui manque pas mal de cases, ce qui le conduit à imaginer des plans à la fois fulgurants, complexes et stylisés mais également réellement barrés et contre-nature certaines fois. D’autant plus que Wade Wilson fait de sa schizophrénie inhérente l’un de ses attraits les plus remarqués auprès de ses lecteurs. Il en vient à parler intrinsèquement à plusieurs voix, chacune d’entre elles possédant leur propre tempérament. C’est une folie inaltérable qui confère au personnage toute sa singularité et son isolement au sein de l’écurie Marvel : même le super-vilain le plus analyste dans tous les styles de combat de ses adversaires, le Maître de Corvée, n’est jamais parvenu à cerner le comportement de Deadpool ! Il ne manque plus qu’à l’anti-héros des activités dignes de ce nom : mercenaire surentraîné, il est un tacticien hors-pair, manie comme personne plusieurs types d’armes blanches, d’armes à feu, plusieurs techniques de combat, parle plusieurs langues dont celle des signes, et enfin possède une force, une agilité et une endurance supérieures à la normale. Ces facultés sont dépendantes de sa folie extrême au point que ce dernier est l’un des rares personnages à pouvoir s’enorgueillir de franchir le quatrième mur, et parler de ses auteurs, ses lecteurs et de tourner ses partenaires de comics en dérision.

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Car oui, Deadpool, tout comme parfois Miss Hulk (cousine du Dr. Bruce Banner), est conscient de son état de personnage fictif dans un univers fictif, entouré de personnages créés de toutes pièces et soumis au bon vouloir d’auteurs et dessinateurs. Le mercenaire clownesque se fout éperdument de toutes les règles de bienséance et c’est justement ce qui le démarque le plus de tous ses congénères. Capable de vaincre un adversaire en arguant qu’il a déjà lu les numéros précédents, pouvant virer à la jalousie quand il se persuade qu’un autre protagoniste souhaite s’accaparer sa série, allant même jusqu’à traverser les pages d’un volume en les découpant au katana, Deadpool est Deadpool sans conteste. Véritable anomalie du genre comics et désormais du cinéma de super-héros, il est, en dehors du Punisher, Blade ou l’Homme-Chose, l’unique personnage classé R-Rated (interdits de lecture et de visionnage aux adolescents de 17 ans et moins non accompagnés d’un adulte). Il se distingue également par sa morale versatile, tantôt mercenaire à la solde du meilleur employeur, qu’il soit de qualité gouvernementale ou privée, tantôt héros bien malgré lui au service de la cause générale, sans aller jusqu’à défendre bec et ongles des valeurs d’héroïsme. Son imprévisibilité confère à ses aventures toute leur aura, des histoires fondées le plus souvent sur un grand n’importe quoi. Son état d’esprit n’est jamais fonction du déroulé de son parcours. Tout est un éternel recommencement, d’autant plus qu’on ignore le plus souvent quelle(s) voix il écoutera (si tenté qu’il en écoute une). Deadpool est ainsi le garant de son propre univers dont il est le premier manipulateur, qu’il ne cesse de faire évoluer tout comme il se paie le luxe de surprendre le lecteur depuis le début des années 1990, sans pour autant que les situations de départ en valent la peine ou que les risques encourus soient conséquents.

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Alors, bien au-delà d’un Wolverine, Spidey ou Star-Lord, Deadpool surpasse par son anti-héroïsme inné tous ses confrères et consœurs sur papier glacé, qui finalement restent à la longue assez constants dans leur personnalité. Force est de constater que Deadpool accumule sans aucun doute les traits de caractère et défauts très marqués de ses pairs et offre un cocktail toujours plus explosif, ni blanc, ni noir, sacrément hyper-violent et assumé totalement, de la petite blague à l’affront moral le plus caractérisé. Unique en son genre dans un monde bariolé mais assez conformiste, régi par des lois manichéennes, Deadpool est l’impondérabilité même, la bouffée d’air frais de beaucoup de fans depuis pas mal d’années, tout comme la plaie d’une autre partie. Il ne fait jamais l’unanimité, ce qui le rend d’autant plus attrayant. Certes, les Daredevil, Punisher et autres sont des héros aux motivations parfois troubles, teintées quelquefois d’intentions malsaines, mais ces changements caractériels découlent d’un long processus scénaristique, là où notre mercenaire a ça dans la peau, si l’on peut dire. Ni super-héros, ni super-vilain, ni tout à fait humain, Deadpool est sans aucun doute l’un des personnages les plus difficiles à maitriser sur papier. Et comme ses prédécesseurs (les 4 Fantastiques, Hulk ou même Spider-Man) qui n’ont pas toujours connu des zones blanches et des directions claires, Deadpool est un nouvel anti-héros incarnant au mieux le doute à toute épreuve, l’inconstance absolue.

Alors qu’en est-il sur grand écran ?

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Il aura fallu 15 années pour qu’un label hollywoodien accouche enfin d’une adaptation des aventures de Wade Wilson. S’il demeure un défouloir super-héroïque privilégié dans les comics, son traitement sur d’autres supports est très timide.

Wade Wilson

Sa vraie première apparition sur le petit écran remonte à 2009 dans le film d’animation Hulk Vs. dans lequel ce dernier est opposé à Wolverine et Thor, dans le cadre de la collection dans la série Marvel Animated Features. C’est cette même année que le personnage prend enfin vie sur grand écran. Un irréparable affront pour certains adorateurs, une apparition sans intérêt pour d’autres : déjà sous les traits de Ryan Reynolds, Deadpool fait en effet partie de la distribution du premier long-métrage spin-off lié à l’univers des mutants de Charles Xavier mis en place par la Fox, X-Men Origins : Wolverine, de Gavin Hood. Exploité au second plan de l’intrigue, Wade Wilson ne devient qu’un simple fruit d’expérience foireuse, muet et manipulable. Bénéficiant par ailleurs de plusieurs web-séries de fans, le personnage revient à titre exceptionnel voir l’Homme-Araignée dans sa série animée Disney XD dans l’épisode spécial « Ultimate Spider-Man: Web Warriors » (2013). L’anti-héros a jusque-là fait une seule fois le fruit d’un jeu vidéo : Deadpool, développé par High Moon Studios et édité par Activision sur X-Box 360 en 2013 puis réédité en 2015 sur X-Box One et PlayStation 4. Auparavant, il aura prêté main forte à de nombreux super-héros dans X-Men Legends II: Rise of Apocalypse, Marvel : Ultimate Alliance I & II sur PlayStation 2… Mais il est également mis à l’honneur dans des titres plus récents comme Marvel Super Hero Squad Online, Marvel Heroes ou Lego Marvel Super Heroes, le plus souvent doublé en VO par Nolan North.

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Sept années après sa première apparition dans l’Univers X-Men de la Fox, difficilement qualifiable de canonique, le mercenaire devient enfin la vedette de son propre film et n’oublie pas dans ce dernier (mais aussi dans campagne promotionnelle virale) de rappeler très cyniquement quelle ne fut pas sa mauvaise expérience dans X-Men Origins : Wolverine… Car il s’en sera passé du temps pour que Ryan Reynolds voit enfin le rêve de sa carrière se concrétiser.

Une Deadpool

Déjà en 2000, Marvel Entertainment, qui commence tout juste à installer ses diverses licences au cinéma, songe à produire en son sein un film sur le mercernaire. Le projet est finalement développé quatre ans plus tard avec l’appui de la major New Line Cinema, avec David Goyer sur les rangs pour mettre en scène Ryan Reynolds. En 2005, les droits d’adaptation du personnage au cinéma entrent dans le giron de la Fox. Tout juste après la sortie du premier spin-off sur Wolverine, la Fox commande un scénario pour un film solo consacré au mercenaire. L’idée qui se projette n’est plus de reprendre le personnage massacré dans le film de 2009 mais de se rapprocher au mieux de l’essence même des comics dans lesquels il apparaît. Ryan Reynolds alors pressenti pour le rôle, ayant convaincu les producteurs et le public, fait un virage à 180 degrés en se consacrant à un autre film de super-héros pour le compte de la Warner, censée ouvrir les portes d’un univers élargi autour des personnages de la DC Comics. Mais voilà, Green Lantern devient l’un des pires fiascos critiques et commerciaux qu’ait connu Hollywood et sape la réputation de l’acteur.

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En 2012, la Fox ne démord pas et confie au méconnu Tim Miller la tâche de réaliser, grâce aux apports de sa société de production d’effets spéciaux, Blur Studio, une séquence test impliquant le personnage. On y voit Deadpool massacrer des passagers dans une voiture en marche et bavasser auprès des spectateurs. La voix de Ryan Reynolds est d’ailleurs utilisée. Une vidéo assez dingue, bourrée de violence et de vulgarité, qui ne séduit guère les cadors de la Fox, qui laissent une fois encore le projet au placard. Le scénario de Rhett Reese et Paul Wernick pour un long-métrage continue à être peaufiné en 2011 tandis que Simon Kinberg et ses collaborateurs espèrent remettre de l’ordre dans l’univers partagé des mutants au cinéma. La Fox, soucieuse de son avenir avec les précieux personnages qu’elle détient, organise minutieusement son line-up et retarde ainsi l’arrivée de Deadpool. En effet, l’idée n’est pas d’exploiter le personnage indépendamment du reste de la mythologie mise en place. La Fox espère obtenir ainsi un scénario plus PG-13 (grand public). Le projet stagne encore, même si Tim Miller est confirmé dans ses fonctions et Ryan Reynolds tente de faire accélérer le processus. Mais c’est sans compter sur la ferveur générale de la toile qui acclame la fameuse séquence test de 2010 ayant fuité par mégarde après le Comic Con de San Diego en 2014. C’est en tout cas la version officielle de l’acteur. La vidéo fait le buzz et en septembre 2014, l’engouement général et le travail de maturation du scénario poussent le studio des X-Men à donner son feu vert à la production du film. Le film aura ainsi laissé sa place à X-Men : Le Commencement en 2011, Wolverine : Le Combat de l’Immortel en 2013, X-Men : Days of Future Past en 2014 et Les Fant4stiques en 2015.

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Deadpool classé R-Rated

Le scénario privilégié est classé R-Rated. Après des années de persévérance, le film tant attendu par les Fans va enfin voir le jour en février 2016. Son tournage se tient à Vancouver durant seulement deux mois, de mars à mai 2015.

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Deadpool est d’abord et avant tout l’occasion pour la Fox d’introduire un nouveau personnage dans son immense univers partagé inauguré en 2000. Comme la plupart des franchises super-héroïques, le film bénéficie donc d’un gros segment scénaristique consacré à l’avènement du personnage. Certes, l’« origin story » de Wade Wilson est traitée par Tim Miller avec un peu plus d’originalité que ne l’ont fait ses prédécesseurs, Sam Raimi pour Spider-Man ou Jon Favreau pour Iron Man, s’il ne fallait citer qu’eux. Toutes les ficelles entreprises sonnent comme un air de « déjà vu » incessant… Pourtant, l’effort de singularité est à saluer, pas tant parce qu’il fallait nuancer une trame classique mais parce qu’on parle là d’un héros exceptionnel. Ainsi, l’intrigue est sauvée par le tempérament de feu du personnage principal, de ses frasques les plus violentes à ses sorties irrévérencieuses.

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Le ton est donné dès le début du film, où Tim Miller, Rhett Reese et Paul Wernick plongent le spectateur directement dans le récit présent, bourré d’action, d’impertinence et de cynisme. C’est tout autant la tonalité générale que l’aparté du héros à son public qui s’en suit qui confèrent à l’ensemble une véritable marque de créativité et de fidélité à l’essence même des récits de ses comics. Sans parler d’essai transformé, la conjugaison du genre propre à l’identité du mercenaire, de son désir permanent de briser les codes du septième art et d’ellipses très coutumières démontrent une envie certaine des créateurs d’avoir voulu proposer de l’originalité.

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Le succès de Ryan Reynolds

En dépit de cela, Ryan Reynolds, à la filmographie plate et sans intérêt, retrouve avec ce film le succès qu’il n’a jamais vraiment eu. Sauvé par la qualité du scénario et de la mise en scène, l’acteur canadien s’efface dans cette cour de récréation, et malgré de bonnes intentions, ne montre aucun réel trait de génie si ce n’est celui d’un Deadpool préconçu. Ryan Reynolds fait le job mais n’offre au film aucun moment jouissif. Même l’arme de l’improvisation ne le sert pas tout le temps, tant certaines vannes de bon goût deadpoolien deviennent, à force, très éculées. On est alors en droit de se demander comment un acteur de cette trempe reste encore bankable à Hollywood car une belle gueule ne suffit plus.

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Heureusement, les diatribes jubilatoires du héros, allègrement distribuées, de la petite remarque sarcastique à la grossière blague salace, sont nuancées par une autre forme de répartie comique, celle du meilleur pote du héros, Weasel, incarné par le brillant T.J. Miller (Les Nouveaux Héros) qui, au service d’une comédie « geeko-side-kick », devient le parfait apport au récit. On retrouvera également le visage sympathique de Morena Baccarin, qui campe à merveille l’amante parfaite du héros, Vanessa Carlysle, et participe à apporter de la couleur au propos cru du film.

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Colossus et Negasonic Teenage Warhead

Au contraire de ces fulgurantes participations, le duo de mutants Colossus et Negasonic Teenage Warhead est le grand perdant de l’affaire. Le premier, Piotr Nikolaievitch Rasputin de son vrai nom, est réalisé par capture-motion. Pour l’occasion, Daniel Cudmore, qui a plusieurs fois incarné le personnage, laisse la place à Andre Tricoteux pour la capture de mouvements et Stefan Kapicic pour la voix originale. La psychologie du personnage devient dans ce film le porte-parole du bien-fondé de l’héroïsme défendu par son équipe et son mentor Charles Xavier. Desservi par un étiquetage moralisateur et un accent caricatural, le personnage en devient ridicule au plus haut point. Sa complice mutante, également appelée Ellie Phimister, fait sa première apparition sur grand écran. Sous les traits de l’actrice Brianna Hildebrand, la mutante, trop sage par rapport à sa version comics, fait un contrepoint très drôle avec son acolyte Colossus mais également Deadpool. Bien que son influence sur l’histoire tout comme ses pouvoirs réels soient totalement sous-exploités, elle montre une fraîcheur bienvenue, de quoi laisser présager pour l’avenir de l’univers Marvel chez la Fox des projets alléchants (comme un film sur les Nouveaux Mutants).

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Mais les deux personnages aussi vite aperçus qu’oubliés restent les faire-valoir du récit : les super-vilains. L’acteur Ed Skrein use de ses quelques charmes britanniques pour tenter, tant bien que mal, de donner du cœur à l’ouvrage de son interprétation d’Ajax. Le résultat est si peu impressionnant qu’on finit réellement par détester ce personnage. Et que peut-on dire sur le personnage d’Angel Dust qui n’apporte littéralement aucun appui à l’histoire et sert simplement de castagneuse hystérique.

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L’idée de retenue permanente du produit fini se ressent également dans les rares scènes d’action, et plus généralement dans chacun de ses passages. L’équipe créatrice aura fait des pieds et des mains pour décrocher le feu vert de la Fox. C’est pourquoi la production se voit léguer un budget on ne peut plus serré. Bien en deçà de la norme actuelle d’Hollywood, il devient alors l’un des sujets d’autodérision de l’œuvre. Pirouette prévisible ô combien, elle n’en laisse pas moins un goût amer à l’ensemble : l’action, certes esthétiquement aboutie et donc concentrée au maximum, n’est pas ce qui rend le film impressionnant. La plupart des plus belles chorégraphies de combat ou séances de dézingues du héros ont en effet servi avidement la campagne promotionnelle du film. Tim Miller reste malgré tout un spécialiste en effets visuels et cela se sent. Toute la maestria du superviseur du générique de Millenium se retrouve ainsi dans le générique d’ouverture ou la scène de l’autoroute, visuellement efficaces. Bien que brillamment menées d’un bout à l’autre, ces séquences de bastonnade bien calibrées, et enrichies de vannes salvatrices une fois sur deux, n’impressionnent guère, si bien qu’aucune d’entre elles ne marque l’esprit du spectateur.

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L’outsider du catalogue Marvel

Budgétairement parlant, le parent pauvre de Marvel-Fox contourne son problème principal par le talent de Tim Miller à vouloir retranscrire dans le rythme éclaté du film l’intrinsèque foutoir de Wade Wilson. L’outsider du catalogue Marvel est forcé de baigner dans un film « cheap » mais assumé de ce point de vue. Mais c’est une bien maigre consolation, d’autant plus que ce même tempo finit par lâcher prise dans la seconde partie du film. Deadpool perd alors de son énergie primitive et de sa folie explosive pour se transformer en simple allié du bien commun, confronté à une menace très classique pour un film de super-héros. Il est à noter malgré tout que même le dénouement final du film est toujours une bonne occasion de se moquer (avec des gants tout de même) de tout, même de l’intraconcurrence Disney-Marvel, en témoignent deux éléments faisant référence à l’Univers Cinématographique Marvel de Disney, un certain Bob qui, dans les comics, appartient à l’agence secrète d’H.Y.D.R.A., et la présence d’un héliporteur du S.H.I.E.L.D. Joli pied de nez !

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Réserve semble être le mot qui synthétiserait l’ambiance générale du film et cela se ressent également dans son illustration musicale. Tom ‘Junkie XL’ Holkenborg (Mad Max : Fury Road) signe des compositions aux accents électroniques tellement insipides qu’on en vient à se demander si un thème principal a bel et bien existé dans Deadpool. A l’inverse de cela, le film est porté par plusieurs hits truculents qui ont fait la renommée de sa promotion par ailleurs : « X Gon’ Give It To Ya » de DMX et « Shoop » de Salt-N-Pepa.

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Deadpool est un événement. C’est un fait. Après une année 2015 super-héroïque en demi-teinte, 2016 démarre sur les chapeaux de roue avec une création et un personnage inédits. Deadpool se démarquera avant tout par sa mission première : rester au plus près de sa folie originelle. Il brille ainsi par sa forme et souffre néanmoins d’une intrigue basique et ennuyeuse, de l’ « origin story » de l’anti-héros aux faits présents. Il reste malgré tout un film perfectible car bien trop timide dans la folie même du mercenaire, qui se contente plus de mettre des mots sur son attitude déjantée que de l’illustrer sur grand écran. Le rythme en pâtit de la sorte. Sa classification mature de par sa violence et sa sexualité débridées sonnent presque juste car le récit reste finalement un peu convenu dans l’ensemble. Voilà un film à prendre seulement au premier degré (et c’est dommage). A force de trop vouloir aligner des poncifs et s’en moquer, le film finit par tourner en rond et laisse entrevoir son manque cruel de profondeur.

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Il n’empêche : le personnage est une mythologie en soi et rattrape le tout. Quasiment incomparable à toute forme de super-héroïsme réalisée au cinéma ou à la télévision jusqu’à présent, Deadpool est véritablement une franchise novatrice. La Fox n’a manifestement pas voulu casser tous les codes, histoire de tâter un terrain mercantile incertain. Le phénomène de « coolitude » super-héroïque devenant au cinéma de moins en moins inédit (Watchmen, Kick-Ass, Les Gardiens de la Galaxie) continue manifestement de séduire les nouvelles générations de fans. Car ce film, plutôt bien calibré, bourré d’acerbité et d’irrévérence, sert avant tout un public de fans avertis, réduisant ainsi par son impertinence conformiste sa pertinence artistique.

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