Atlantide L’Empire Perdu

Publié par Kevin Gauthier le 12 juillet 2017 | Maj le 8 juillet 2018

Critique du film Atlantide, l’Empire Perdu

Après le succès des longs-métrages des années 90 tels que la Belle et la Bête (1991) ou le Roi Lion (1994), les studios Disney parviennent difficilement à regagner leur popularité au début du XXIe siècle. En effet, mis à part Lilo et Stitch en 2002 qui remporte un franc succès aussi bien auprès des critiques que des spectateurs, les autres longs-métrages d’animation produits entre 2000 et 2009 remportent au mieux un succès correct au box-office (La Princesse et la Grenouille (2009), Kuzco, L’empereur Mégalo (2000)) et au pire représentent un échec commercial cuisant (Chicken Little (2005), The Wild (2006)). Concurrencés par l’arrivée des studios Dreamworks et par les longs-métrages d’animation en images de synthèse, les studios Disney tentent alors de développer de nouvelles approches pour leurs longs-métrages. C’est ainsi qu’en 2001 sort Atlantide, l’Empire Perdu, réalisé par Gary Trousdale et Kirk Wise, qui avaient déjà travaillé ensemble sur la Belle et la Bête et sur le Bossu de Notre-Dame (1996).  Atlantide, l’Empire Perdu représente une énorme prise de risque pour les Studios, étant donné que le ton, l’histoire, le style et même les personnages s’éloignent énormément de ce à quoi le public s’attend en allant voir un long-métrage d’animation Disney. Inspiré de l’univers de Jules Verne, et plus particulièrement de Voyage au Centre de la Terre, Atlantide, l’Empire Perdu relate l’expédition du jeune linguiste et chercheur Milo Thatch vers la cité perdue de l’Atlantide. Les machines utilisées par les personnages, comme leur sous-marin, sont directement adaptées des descriptions faites par Jules Verne dans ses ouvrages.

L’absence de numéros musicaux a représenté un défi excitant pour les réalisateurs, habitués à se servir de séquences musicales animées pour traduire les émotions et les ambitions des personnages. Il y a donc beaucoup plus de place pour les moments calmes, où les personnages discutent simplement entre eux, comme la scène où les membres de l’expédition racontent leur passé autour d’un feu de camp. Les scènes d’action sont également très présentes, car il s’agit avant tout d’un film Disney d’aventure.

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Le style visuel très particulier d’Atlantide, l’Empire Perdu est inspiré par le dessinateur de comics Mike Mignola, d’où les traits anguleux et épais. Enfin, de nombreuses célébrités prêtent leur voix aux personnages, entre autres Michael J. Fox (rendu célèbre pour son rôle dans la saga Retour vers le Futur), Leonard Nimoy (alias Spock dans Star Trek) ou encore Jean Reno et Patrick Timsit pour la version française.

Ébauche de Kida par Mike Mignola

Malheureusement, malgré une bonne promotion et la passion des réalisateurs, le film Disney n’a pas convaincu le public et les critiques. Complètement submergé par le succès de Shrek et par l’intérêt grandissant du public pour les longs-métrages d’animation en images de synthèse, accusé d’être trop mature pour le public habituellement ciblé par Disney, Atlantide, L’Empire Perdu ne rapportera « que » 186 053 725 de dollars au box-office mondial. L’idée d’une série animée dérivée du film fut abandonnée et remplacée par une suite, Les Énigmes de L’Atlantide, qui regroupe trois épisodes de la série qui avaient déjà été réalisés. Le projet d’attraction à Disneyland Californie pour remplacer The Submarine Voyage, ou encore celui d’incorporer des éléments du film au Discoveryland de Disneyland Paris, qui s’y prêterait à merveille, furent définitivement mis de côté.

Un film qui a nécessité beaucoup de recherches

Si le héros d’Atlantide, l’Empire Perdu est un chercheur passionné par l’Atlantide, les réalisateurs, eux, ont également dû se pencher sur ce sujet afin de mener à bien leur projet. Comme mentionné plus haut, Trousdale et Wise se sont imprégnés des œuvres de Jules Verne pour donner un ton très rétro-futuriste au film, mais également des récits de Platon ou encore de l’univers de la série Star Trek, dont nous retrouvons plusieurs références dans le film Disney. Justement, Marc Okrand, le linguiste qui a inventé le Klingon, s’est vu confier la création de la langue des Atlantes en travaillant alors sur un nouvel alphabet, une grammaire et même une prononciation sur laquelle les doubleurs ont dû s’appuyer pour les dialogues en Atlante.  Marc Okrand, en tant que linguiste du groupe, a d’ailleurs servi de modèle pour l’apparence de Milo. Les « lectures » du mystique Edgar Cayce ont inspiré à l’équipe l’idée du cristal qui maintiendrait les Atlantes en vie. Wise et Trousdale ont volontairement choisi de ne pas se baser sur la description classique de l’Atlantide, à savoir une ancienne cité grecque en ruine, préférant s’intéresser en priorité aux coutumes des habitants. L’aspect général de l’île s’appuie alors sur l’architecture de l’Asie du Sud-Est, tandis que sa forme circulaire est directement inspirée de la description qu’en fait Platon dans le Timée et le Critias. Le Manuscrit du Berger, quant à lui, est une pure invention du scénariste Tab Murphy, qui voulait donner une carte aux personnages pour les guider à travers leur aventure. Au début, un prologue avec des Vikings à la recherche de l’Atlantide avait été envisagé, mais il a finalement été supprimé. Il est cependant accessible dans les bonus du DVD.

Alphabet Atlante créé par Marc Okrand

Des personnages très diversifiés

Mis à part peut-être les Nouveaux Héros, Atlantide, l’Empire Perdu est le seul long-métrage d’animation Disney à offrir une telle variété de personnages.

Milo Thatch, pour commencer, est un jeune linguiste américain qui travaille en tant que réparateur de chaudières au Smithsonian Museum, et qui ne rêve que d’une chose : découvrir l’Atlantide, comme le souhaitait également son grand-père décédé. Passionné, cultivé, pas vraiment doué pour sociabiliser, courageux mais pas athlétique, Milo a tout de ce qu’on appelle un « geek » et s’oppose réellement aux héros Disney classiques, tous conventionnellement beaux et forts. On peut également noter qu’une grande partie de l’humour vient de lui et de sa maladresse, ce qui en fait à la fois le héros et le « comic relief », un double rôle qui, encore une fois, n’est pas franchement habituel pour les protagonistes Disney, surtout dans un film qui n’est pas réellement une comédie. Agaçant pour certains (sa maladresse est responsable de bon nombre de situations dangereuses), attachant pour d’autres (qui pourrait ne pas aimer un personnage qui appelle son chat « peluche » ?), Milo est un héros non-conventionnel qui a au moins le mérite de sortir du lot.

Kidagakash (dit Kida) quant à elle est très certainement la princesse Disney oubliée qui mériterait le plus de faire partie de la licence Disney Princess. En plus d’être une princesse de couleur, c’est un bon personnage féminin, qui se bat avant tout pour défendre son peuple, intéressée par les autres cultures sans pour autant souhaiter déserter ses responsabilités de princesse (à l’instar de Vaiana). Elle est également la première princesse à devenir reine en cours de film, et à assumer les responsabilités qui vont avec ce titre. Intelligente, curieuse, forte et courageuse, elle complète parfaitement Milo, et tous les deux forment un couple équilibré qui ne paraît pas trop forcé.

Milo est entouré de compagnons d’aventure tous plus atypiques les uns que les autres : Audrey Ramirez, une adolescente d’origine latino-américaine au fort caractère qui a été engagée en tant que mécanicienne ; Helga Sinclair, une jeune femme allemande aux airs de femme fatale, aussi combative que rusée, et lieutenant en chef de la mission ; Gaëtan Molière (dit la Taupe), un géologue français passionné par l’idée de creuser ; Vincenzo (Vinny) Santorini, un italien expert en démolition à l’humour très pince-sans-rire qui aime particulièrement les explosifs ; le docteur Amadou Gentil, un afro-américain qui porte bien son nom ; Mme Placard, chargée de la communication, une vieille dame très cynique au pessimisme hilarant ; ou encore Cookie, le cuisinier au talent discutable. Le seul personnage qui manque peut-être un peu de saveur est le méchant, le commandant Rourke, le stéréotype du colon blanc cupide prêt à éradiquer tout un peuple pour s’enrichir et qu’on a déjà vu dans Pocahontas avec Ratcliffe ou dans Tarzan avec Clayton.

Il est évident que les réalisateurs et le scénariste se sont beaucoup amusés à créer ces personnages : ils possèdent tous un passé brièvement mentionné dans l’histoire, mais néanmoins développé en dehors du film par Wise et Trousdale (Mme Placard qui a eu plusieurs maris, l’enfance de Helga, etc.). Tous ces personnages fonctionnent parfaitement ensemble, ce qui donne lieu à plusieurs dialogues très drôles, surtout dans la version française qui s’est permis d’ajouter quelques blagues. Malgré les gags visuels qui feront rire les plus petits, la majorité de l’humour réside dans les dialogues, ce qui convient davantage à un public plus mature.

Un public difficile à cibler pour le film disney

Le plus gros défaut d’Atlantide, l’Empire Perdu réside dans sa difficulté à trouver son public, du moins à sa sortie : l’animation en 2D est alors jugée trop « enfantine » pour les adolescents et les adultes qui auraient pu aimer le film, tandis que le ton et l’humour sont trop matures pour les enfants habituellement ciblés par Disney.  Les problèmes soulevés dans le film, comme le colonialisme et l’appropriation culturelle, ne sont pas des thèmes qui attirent les enfants, et sans personnage mascotte comique ou numéro musical pour équilibrer les côtés plus adultes (comme dans Pocahontas, par exemple), les enfants ne parviennent pas à adhérer à l’univers d’Atlantide, l’Empire Perdu. Ajoutons à cela un humour plus subtil difficile à comprendre pour les petits, une palette de couleurs plutôt sombre et un groupe de personnages pour ainsi dire tous adultes auxquels les enfants ne peuvent pas vraiment s’identifier, et nous obtenons les raisons possibles de l’échec commercial du film Disney. Car Atlantide, l’Empire Perdu, malgré les critiques et le faible succès au box-office, n’est en rien un mauvais film. Il n’y a pas de trou scénaristique aberrant ;  les personnages, quoique parfois insuffisamment développés par manque de temps, enrichissent tout le film ; l’histoire n’est ni trop simple, ni trop complexe ; et les scènes d’action sont bien exécutées. Simplement, dû à sa différence vis-à-vis d’autres Disney plus classiques, ce film ne parvient pas à obtenir l’unanimité. Certains trouveront l’humour décapant tandis que d’autres trouveront que les blagues tombent à plat. Certains adoreront le style de dessin, d’autres le trouveront trop agressif. Certains diront que Milo est l’un des meilleurs héros Disney pour sa différence si marquée, d’autres diront de lui qu’il est agaçant et superficiel. Le mieux est encore de se faire sa propre opinion, d’autant plus que ces temps-ci le film commence à regagner une certaine popularité, surtout auprès des enfants des années 90-2000 qui l’apprécient mieux aujourd’hui avec un regard d’adulte…

Atlantide, l’Empire Perdu est un film riche, qui s’imprègne aussi bien de l’Histoire que des légendes et de la littérature. Il est évident que les réalisateurs ont effectué beaucoup de recherches pour créer cet univers rétro-futuriste, et les fans de Jules Verne ou de Steampunk ne pourront qu’apprécier. Les personnages sont si variés et attachants que l’on regrette qu’ils ne soient pas plus développés dans le film, et l’humour est très bien dosé. Beaucoup de petits « easter eggs » méritent aussi d’être mentionnés, comme le bref caméo des deux réalisateurs et autres clins d’œil à la pop-culture. Un film qui ravira surtout les grands enfants, et dont il serait dommage de se priver !

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