Le Livre de la Jungle le film Walt Disney Pictures

Publié par Kevin Gauthier le 7 février 2016 | Maj le 10 mai 2018

Depuis 2010, les studios de prises de vue réelles de la firme aux grandes oreilles ne jurent que par les « adaptations de contes de fées », qu’ils soient déjà la vitrine patrimoniale de l’animation Disney ou non. Le public et les critiques sont d’ailleurs globalement en adhésion avec cette stratégie commerciale visant à redonner un coup de jeune à certains univers ancrés dans l’inconscient collectif, tout en tentant de nouvelles propositions artistiques, des prises de risque modestes amenées à ouvrir potentiellement la voie d’une nouvelle franchise « live-action » centrée sur des histoires emblématiques, et qui souvent offrent un matériel littéraire bien plus riche et donc enclin à se décliner en une saga de film. C’est le cas des romans de jeunesse écrits par Lewis Carroll.

Le Livre de la Jungle : critique

En effet, le remake d’Alice au Pays des Merveilles de Tim Burton, sorti en 2010, reste à ce jour le modèle lucratif par excellence de cette entreprise d’adaptations, si bien qu’un second volet, Alice de l’Autre Côté du Miroir, s’apprête à sortir au printemps 2016.

THE JUNGLE BOOK

  • Production : Walt Disney Studios
  • Titre original :  The Jungle Book
  • Titre français : Le Livre de la Jungle
  • Sortie française : 13 avril 2016
  • Sortie américaine : 15 avril 2016
  • Réalisateur : Jon Favreau
  • Scénario : Justin Marks inspiré du livre de Rudyard Kipling
  • Musique : John Debney

Le synopsis du film

Le Livre de la Jungle raconte les aventures de Mowgli, un petit homme élevé dans la jungle par une famille de loups. Mais Mowgli n’est plus le bienvenu depuis que le redoutable tigre Shere Khan, qui porte les cicatrices des hommes, promet d’éliminer celui qu’il considère comme une menace. Poussé à abandonner le seul foyer qu’il ait jamais connu, Mowgli se lance dans un voyage captivant, à la découverte de soi, guidé par son mentor la panthère Bagheera et l’ours Baloo. Sur le chemin, Mowgli rencontre des créatures comme Kaa, un pyton à la voix séduisante et au regard hypnotique et le Roi Louie, qui tente de contraindre Mowgli à lui révéler le secret de la fleur rouge et insaisissable : le feu..

Le renouveau de Disney en 2016

Dans cette dynamique, l’année 2016 incarne plus que jamais à elle seule l’hégémonie du genre avec la production et la distribution sous ce label de pas moins de quatre longs-métrages, Le Livre de la Jungle, Alice de l’Autre Côté du Miroir, Le BGG – Le Bon Gros Géant et Peter et Elliott le Dragon, sachant que trois d’entre eux dérivent directement de Grands Classiques Disney. Jusqu’en 2015, Disney s’était attaché à cadrer son propos avec finesse et créativité, qu’on soit conquis par le résultat ou révulsé : Alice au Pays des Merveilles, plébiscité à plus d’un titre et décrochant plus d’un milliard de dollars de recettes internationales, suivi des succès du (Le) Monde Fantastique d’Oz, une préquelle revisitant avec brio l’œuvre de Lyman Frank Baum, et du film dérivé du monument animé La Belle au Bois Dormant, Maléfique, dans lequel brille Angelina Jolie. Ces trois films féeriques convainquent et trouvent assurément leur public. Cendrillon a droit non pas à une relecture en 2015 mais, et c’est la première fois que Disney l’envisage de cette manière, à une adaptation stricto senso du film, qui a entamé le renouveau des Studios d’Animation Walt Disney en 1950.

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THE JUNGLE BOOK

Cette dynamique, qui, d’année en année, conforte les plans de Disney, incite ses exécutifs à décupler les projets. Des suites sont envisagées à partir de 2014 pour Le Monde Fantastique d’Oz, Maléfique et Mary Poppins (1964), des films sont déjà bouclés pour les prochains mois (Peter et Elliott le Dragon, La Belle et la Bête), de nouveaux titres sont d’ores et déjà en cours de développement, qu’ils soient annoncés comme pures adaptations de Grands Classiques Disney (Pinocchio, la séquence « Nuit sur le Mont Chauve » de Fantasia, Dumbo, Les Aventures de Winnie l’Ourson, Merlin l’Enchanteur, Robin des Bois, Mulan…), ou qu’il s’agisse de futures productions focalisées sur le destin d’un personnage Disney (la Fée Clochette, le Prince Charmant, Cruella d’Enfer, le Génie de la Lampe d’Aladdin…) ou de retour aux sources littéraires qui ont inspiré des films de Walt Disney (tels que Jack et le Haricot Magique pour le métrage Mickey et le Haricot Magique, Les Chroniques de Prydain pour Taram et le Chaudron Magique…). Par extension, Disney envisage des projets tous plus étonnants les uns que les autres, comme un film reprenant la trame de la série animée Tic et Tac : Rangers du Risque ou un autre film s’intéressant aux origines de l’avènement du capitaine Nemo (Disney ayant adapté l’œuvre de Jules Verne en live-action en 1954).

Disney Movie Live-Action

Un contes de fées Disney en chair et en os

Le Livre de la Jungle introduit ce quadriptyque de contes de fées en chair et en os dans l’agenda des studios de 2016. On est là loin du genre de contes de princesses ou de magie qui ont cartonné au box-office mondial jusque-là. Bien plus que tous ces films, cette nouvelle version du Livre de la Jungle s’appuie sur l’héritage romanesque de l’écrivain Rudyard Kipling, paru en 1894. Mais au-delà de l’hommage appuyé à sa source littéraire, il reste bien évidemment un remake du film d’animation emblématique de Wolfgang Reitherman, sorti en 1967, et qui aura marqué l’histoire de la maison de Mickey à plus d’un titre. Il convient en effet de rappeler qu’il demeure à ce jour l’un des plus ambitieux des Studios d’Animation Walt Disney et l’un des plus populaires de décennie en décennie. Dernier film officiellement supervisé par le Maître, le 19ème long-métrage d’animation Disney connaît un traitement de production soigné, du scénario à l’animation en passant évidemment par la composition de sa bande originale, aussi célèbre que les personnages qu’elle illustre. L’accueil chaleureux du public s’en fait sentir dès sa sortie en salles aux Etats-Unis, récoltant près de 73 millions de dollars (le double à ce jour). En France, le succès ne se dément pas : de ressortie en ressortie, Le Livre de la Jungle aura attiré presque 15 millions de spectateurs, restant à ce jour la deuxième production de la branche cinématographique de Disney la plus populaire au box-office français (9ème film le plus vu dans l’Hexagone, juste derrière… Avatar !). Ce triomphe sur la longue durée et cet ancrage dans la culture intergénérationnelle auront évidemment alerté les différents responsables de Disney, si bien que le film aura eu droit à deux déclinaisons en séries d’animation, Super Baloo de 1990 à 1991, et Le Livre de la Jungle : Souvenirs d’Enfance de 1996 à 1998. En 1981, Disney utilise à des fins pédagogiques ses personnages dans le film d’éducation The Jungle Book : A Lesson in Accepting Change. Les DisneyToon Studios s’emparent de cette franchise en sortant en 2003 sa suite sous forme de long-métrage animé, Le Livre de la Jungle 2. Mais Walt Disney Pictures a déjà un passif conséquent avec les contes de Kipling, qui se sont offert sous ce label deux longs-métrages en prises de vue réelles. Sort au cinéma en 1994 Le Livre de la Jungle – Le Film, qui aura nécessité non seulement un tournage aux studios Mehboob à Bombay et dans la jungle indienne, mais aussi sur des plateaux recréant une jungle artificielle dans le Tennessee et sur Fripp Island, le tout avec pas moins de 52 animaux apprivoisés (tigres, léopards, loups, ours, éléphants, chevaux…). Un autre film verra directement le jour sur support vidéo en 1998, Jungle Book : The Mowgli’s Story, reprenant à la fois la trame du film d’animation et par bribes, celle du précédent film. L’idée, et c’est sans doute l’époque qui le veut, est de faire parler là encore de vrais animaux dans un registre très familial.

Le livre de la jungle jusque dans les parcs Disney

La franchise ira même jusqu’à toucher les planches avec une adaptation sous forme de musical du Grand Classique Disney à Chicago et Boston en 2013. Mais Le Livre de la Jungle, c’est aussi et avant tout un empire inaltérable dans les parcs, les produits dérivés et les jeux vidéos. C’est l’un des univers (hors contes de princesses) qui, à première vue, n’est pas représenté à la hauteur de sa notoriété dans les destinations Disney, et qui, pourtant, a toujours été exploité dans leur divertissement. S’il ne fallait citer que quelques exemples, on pourrait relever :

  • Disneyland Resort : Fantasmic!, The Disney Afternoon Live!: Plane Crazy, Disneyland’s Parade of Stars, Mickey’s Soundsational Parade, Mickey and the Magical Map, World of Color – Celebrate! The Wonderful World of Walt Disney
  • Walt Disney World Resort : The Mickey Mouse Revue, Mickey’s Magical TV World, Disney’s Pop Century Resort, Celebrate a Dreams Come True Parade, Disney Stars and Motorcars Parade, Journey into the Jungle Book, Mickey’s Jammin’ Jungle Parade, Mickey’s Jingle Jungle Parade, Celebrate the Magic, Sorcerers of the Magic Kingdom…
  • Tokyo Disney Resort : Mickey Mouse Revue, Fantasmic!, Jubilation!
  • Disneyland Paris : Colonel Hathi’s Pizza Outpost, Le Carnaval du Livre de la Jungle, La Parade des Rêves Disney, Disney Dreams!, La Forêt de l’Enchantement : Une Aventure Musicale Disney
  • Hong Kong Disneyland : “it’s a small world”, Flights of Fantasy Parade, Mickey and the Wondrous Book

un rendu photoréaliste sur les animaux

L’univers du Livre de la Jungle est donc une institution au sein de la maison de Mickey. Il était somme toute assez naturel qu’en juillet 2013, un nouveau projet d’adaptation en live-action chez Disney soit annoncé. Mais après toute cette ribambelle de projets précédents, quel est véritablement le leitmotiv d’un troisième long-métrage en prises de vue réelles narrant l’histoire du petit homme Mowgli ? Des décors et des personnages animés par crayon, artificiels ou naturels ont déjà été utilisés dans l’Histoire de cette franchise : il ne manquait plus que l’image de synthèse de dernier cri pour sublimer au possible sur grand écran l’imaginaire de Kipling, grâce à un rendu photoréaliste sur les animaux, jamais vu auparavant de la sorte, et une technologie d’imagerie générée par ordinateur très puissante. Pour ce faire, est engagé au poste de réalisateur, dès novembre 2013, un cinéaste qui, selon Alan Horn, président des Walt Disney Studios, sait marier une histoire forte à des avancées visuelles de pointe.

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Jon Favreau natif du Queens new-yorkais.

Il débute sa carrière, comme tout bon artiste qui se respecte, par des petits rôles. Il s’établit ainsi à Chicago pour étudier la comédie. Il se fait remarquer véritablement en 1993 en tête d’affiche de Rudy, de David Anspaugh. Il multiplie durant plusieurs années les rôles plus ou moins importants.  Il tourne dans la comédie culte de Hart Bochner Pcu, ainsi que dans Mrs. Parker et Le Cercle Vicieux d’Alan Rudolf, Bad Things de Peter Berg, avec Christian Slater et Cameron Diaz, et le film catastrophe de Mimi Leder, Deep Impact. Son premier film, écrit et réalisé, remonte à 2000, Made, dans lequel il donne la réplique à Vince Vaughn. Changeant plusieurs fois de casquettes, Jon Favreau en vient à scénariser, co-produire et interpréter le film indépendant de Doug Liman, Swingers, qui lui vaut le prix du Meilleur Jeune Espoir 1997, décerné par la Chicago Film Critics Association. Sa première intrusion dans le monde des super-héros au cinéma remonte à 2003 dans Daredevil, où il joue aux côtés de Ben Affleck et Jennifer Garner. Il lie son nom à des projets tous plus variés les uns que les autres, de The Big Empty à la série télévisée Friends en passant par la comédie romantique Love & Sex. Charles Winkler lui confie par ailleurs le rôle principal du téléfilm Rocky Marciano. En 2003, Favreau revient à ses amours de réalisation avec Elfe, avec Will Ferrell, une comédie de Noël très modeste mais qui va trouver son public. Il continue dans le même temps d’enchaîner les rôles au cinéma, La Plus Belle Victoire (2004), sa participation aux séries Un Gars du Queen ou encore Monk, La Rupture (2006), dans lequel il retrouve son ami Vince Vaughn, Tout… Sauf en Famille (2008). Il est également connu comme étant le premier cinéaste bâtisseur de l’Univers Cinématographique Marvel en ayant signé de main de maître Iron Man, premier du nom en 2008, dans lequel Tony Stark, joué par Robert Downey Jr., a fait la connaissance du grand public. Jon Favreau incarne dans ce film le chauffeur de Tony Stark, Hogan. Ce film constitue un fait marquant dans l’univers super-héroïque sur grand écran et ouvre la voie aux Marvel Studios et son big boss Kevin Feige pour créer un univers partagé hors du commun amené à s’étendre et se complexifier d’année en année. Iron Man 2 signe en 2010 sa deuxième participation dans cette grande entreprise des Marvel Studios : non seulement ce film s’octroie le luxe d’introduire de nouveaux personnages et de préparer implicitement le terrain de Marvel’s Avengers (2012) mais continue également d’explorer en profondeur le destin des têtes d’affiche. Jon Favreau fait une apparition dans Thérapie de Couples avec Vince Vaughn et Jason Bateman. Outre quelques intrusions dans l’univers télévisé Disney au cours de sa carrière (Hercule, Les Aventures de Buzz l’Éclair), il intègre également à sa carrière l’univers de Star Wars en doublant Pre Vizsla dans la série animée Star Wars : The Clone Wars. Chez Disney, il campe également Thark Bookie dans John Carter en 2012. Ce touche-à-tout passe une nouvelle fois derrière la caméra en 2011 avec Cowboys & Envahisseurs qui lui vaut de diriger Harrison Ford et Daniel Craig au temps du Far West. Il se lance un énième défi en 2014 en mêlant deux de ses passions, les arts cinématographiques et culinaires. Il met en scène et s’offre le premier rôle du film #chef, chaleureusement accueilli par le public. Il suit parallèlement de près les affaires des Marvel Studios, restant producteur exécutif sur certains opus (Iron Man 3, Avengers : L’Ère d’Ultron). Il hérite ainsi du projet en images de synthèse Le Livre de la Jungle pour Disney.

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La reprise du conte de Rudyard Kipling

Cette énième reprise des contes de Rudyard Kipling s’avère globalement être très fidèle dans certains aspects scénaristiques à l’œuvre originelle. Elle n’en omet pas moins l’hommage appuyé à l’héritage de l’histoire retravaillée par Walt Disney dans les années 1960. En ce sens, cette écriture à double voie se ressent tout le long du film. Les occurrences au film d’animation emblématique ne suivent finalement qu’un schéma de ponctuations plus ou moins soignées et permettent à Jon Favreau et son scénariste Justin Marks (Top Gun 2, Rewind) d’insuffler une nouvelle vision à l’histoire de Disney, pourtant si bien ancrée dans l’inconscient collectif. Si le film d’animation faisait avant tout la part belle aux personnages, les faisant évoluer dans une intrigue quasi-minimaliste, l’enjeu véritable du Livre de la Jungle version 2016 est de replacer au centre des attentions narratives la quête initiatique et philosophique du jeune Mowgli. En ce sens, la mission confiée à Jon Favreau est on ne peut plus réussie. Sans maestria derrière la caméra, le réalisateur mène sa barque avec un soin tout particulier à une mise en scène très académique mais qui se veut finalement assez délicate, dans le traitement des personnages et la destinée du héros. Par rapport au long-métrage animé, ce Livre de la Jungle s’entend d’abord à apporter l’essence même de la vision de Kipling dans le film, la structure sociale dans la faune de la jungle. Et c’est heureux. Ce film reprend alors les bonnes vieilles recettes de Jean de la Fontaine ou George Orwell en créant toutes les conditions pour faire passer la morale au-dessus de tout. Le Livre de la Jungle va ainsi beaucoup plus loin que le film d’animation dans les messages qu’il délivre, avec subtilité et sincérité, le tout très joliment présenté sous forme de livre ouvert.

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Il doit ce brillant tour de force à véhiculer une émotion non distillée, brute de décoffrage mais toujours bien équilibrée des premiers plans au générique de fin. Chaque séquence du film touche à coup sûr le spectateur sans pour autant parler de génie car, il est vrai, la mise en scène est aboutie du début à la fin mais manque certainement d’inspiration, bien trop lisse, et qui en devient finalement trop prévisible par moments. Mais Jon Favreau ne démérite pas : il s’attache à faire renaître le mythe, en garantissant un minimum de nostalgie bienvenue mais en se permettant certaines libertés aussi. Comme ce fut le cas pour Cendrillon, Disney revisite certains moments bien connus du Grand Classique et quelques menus détails viennent embellir une histoire peut-être trop simpliste. Ainsi, la relation qui lie le petit d’homme à son clan de loups est davantage mise en lumière et reste à nulle autre pareille l’un des vecteurs fondamentaux qui pousse à Mowgli à se dépasser. D’ailleurs, Jon Favreau ne fait pas l’écueil d’une « origin story » somme toute banale en plongeant Mowgli et son tuteur Bagheera dans le présent dès le début du film. Le passé du petit d’homme est ainsi narré de manière elliptique avec originalité et de différentes manières selon l’intervenant qui rencontre Mowgli. Mais ce qui sonne juste du début à la fin reste avant tout les messages nobles et sans prétention de l’histoire. L’attachement familial, le triomphe de l’émancipation individuelle dans le collectif, la solidarité mise à l’épreuve, le questionnement de l’identité personnelle et de sa place dans un ou des mondes et évidemment le positionnement des actions humaines dans les écosystèmes sont autant de problématiques qui se résolvent d’elles-mêmes ou pas dans le film, laissant le soin au petit comme au grand spectateur d’ouvrir à nouveau des débats philosophiques et sociaux sains.

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La Loi de la Jungle

La fameuse Loi de la Jungle est quant à elle davantage appuyée, reposant sur des principes fondamentaux de la Vie, mais qui par moment, à force d’être trop rabâchés, notamment vers la fin du film, en deviennent avec négligence presque anthropomorphiques, nuançant le projet de réalisme absolu voulu par la production. En revanche, l’écriture des symboliques rhétoriques du film est un très bon point, qui s’adressera à tous les publics, l’Eau et le Feu, l’individualisme et la collectivité, la raison et la passion, la sauvagerie et la sagesse, l’Environnement et l’Homme sont autant de dualités remises en question par l’histoire, qui prend par moment des airs de parabole très touchante, et dont les messages, sans démagogie aucune, parviennent à semer l’interrogation dans l’esprit du spectateur. Parmi les quelques modifications notables du film par rapport à sa version animée, le traitement du serpent Kaa et le sauvetage de Mowgli, des interactions inédites entre le héros et le troupeau d’Éléphants de la jungle indienne, une chronologie différente des événements vécus par le héros, le bouleversement du dénouement du récit, notamment du point de vue de Shere Khan… En dépit de ces changements, la tonalité, certes un peu plus sombre, se veut assez fidèle à l’esprit du film d’animation, un hommage d’abord et avant tout célébré dans les passages musicaux « jazzy », et plus généralement dans l’accompagnement instrumental. Malgré tout, le film renforce des traits de caractère déjà fortement marqués du personnage de Mowgli, offrant de la sorte à son périple initiatique quelques revirements de situation appréciables, conférant au mythe un petit vent de fraîcheur.

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Si l’on met de côté son aspect visuel, fondement même du projet, la musique est le second enjeu majeur du Livre de la Jungle. Il est alors légitime de douter par moment de sa réelle utilité et on aime à croire que sans ces morceaux cultes qui font la renommée du Classique Disney, l’aura de cette version 2016 aurait été malmenée. C’est d’ailleurs un aveu de faiblesse des studios Disney qui, comme pour Cendrillon ou Maléfique, ne portent pas à bout de bras l’audace qu’ils affichent dans la promotion d’un tel film. Original, ce pari de recréer une faune et une flore intégralement par ordinateur et de remodeler une histoire emblématique aurait trouvé un aboutissement artistique réel si l’influence des producteurs (Jon Favreau inclus) n’était pas passée par là. Car l’intégration de quelques chansons (sans doute les plus marquantes) du film d’animation laisse un goût d’artificialité très amer, dénotant soit une paresse créative, soit une stratégie commerciale visant à absolument servir au public ce qu’il réclame, sans proposer d’alternative inédite et de renouveau. C’est peu dire quand on fait le constat de l’échec de l’illustration musicale du film, bien trop envahissante, où les cuivres et les basses sont utilisés à outrance, où les interprétations de « The Bare Necessities » par Bill Murray (Baloo) et « I Wanna Be Like You » par Christopher Walken (le Roi Louie) sonnent faux, non pas par l’investissement de leurs interprètes mais par leur inclusion dans le rythme du film en total décalage. On pourra d’ailleurs se dire qu’à ce jour Phil Harris et Louis Prima restent, de loin, les plus grandes voix de Baloo et du Roi Louie, et toujours pas égalées en 2016. L’effet de respiration ne prend pas et en vient à désacraliser même totalement le charisme du Roi Louie, pourtant traité avec singularité dans ses répliques et ses scènes d’action. D’autant que les thèmes musicaux inédits du film, si minimes soient-ils, ne restent assurément pas en tête, quand la facilité de combler les manques par ceux des chansons de 1967 prend le dessus. C’est fort dommageable quand on connaît le potentiel de John Debney, qui a maintes fois brillé par ses compositions magistrales, notamment aux côtés de Jon Favreau.

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Un film dès plus réalistes

En revanche, et ce qui valide le contrat passé entre Jon Favreau et Disney, la magnificence du traitement de l’image n’a rien à envier à Avatar et consœurs, tant Le Livre de la Jungle incarne à lui seul une révolution visuelle à Hollywood. De ce côté-là, l’hommage au dépassement graphique sur celluloïd du film d’animation est servi avec brio. Le film est assurément le documentaire Disneynature absent à l’agenda 2016 des studios Disney, tant son photoréalisme bluffant, sa lumière classe et sa beauté à chaque plan de caméra émerveillent les yeux. L’intégration de jeune Mowgli, incarné par Neel Sethi, dans une nature reproduite intégralement dans un environnement numérique en trois dimensions, est plus que crédible et indécelable. Chaque image est un enchantement pour le spectateur. Des infimes parcelles végétales aux micro-gouttes d’eau en passant par la reproduction de minéraux, des volumes, des reliefs… rien n’est laissé au hasard et tout donne l’impression de s’immerger dans un milieu naturel qui existe vraiment. Les équipes d’artistes primés donnant vie à la jungle et aux animaux de l’Inde ont été dirigées par le superviseur des effets visuels oscarisé Rob Legato (Avatar, Hugo Cabret, Titanic, Apollo 13), par Adam Valdez, superviseur des effets visuels pour Moving Picture Company (Maléfique, World War Z, Le Monde De Narnia – Chapitre 3 : L’Odyssée Du Passeur D’Aurore) et par Dan Lemmon, superviseur des effets visuels pour WETA (Le Seigneur Des Anneaux : La Communauté De L’Anneau, Le Seigneur Des Anneaux : Le Retour Du Roi).

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Par ailleurs, c’est le traitement des animaux du film qui lui assure sa place au rang des chefs-d’œuvre visuels de ces 10 dernières années, et surtout de précurseur technologique pour les 10 prochaines… L’animation des animaux menée par Andrew R. Jones (World War Z, I, Robot, oscarisé pour les effets d’Avatar) est impeccable et totalement en adéquation avec l’intention de chacun de ses interprètes. De ce point de vue, tout est plus envoûtant, magnifié et spectaculaire, et l’on peut aisément parler de perfection visuelle, la confusion avec des animaux réels étant mise à rude épreuve. Son élégance visuelle atteint sans doute son apogée dans le traitement de personnages tels que Raksha et Shere Khan.

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A ce sublime traitement de l’image et des protagonistes s’ajoute une bonne dose d’humour finement disséminée et qui conforte la patte de Jon Favreau, adepte du mélange des genres dans ses films. Des moments fugaces terriblement drôles viennent se greffer au périple de Mowgli, qui se transforme en voyage émotionnel.

Le scénario du Livre de la Jungle

Si le scénario du Livre de la Jungle laisse finalement peu de place à l’audace créative tandis que sa représentation visuelle est littéralement époustouflante, cet effort exceptionnel est rendu possible par l’intervention successive d’une galerie de personnages à la puissance dramatique rare. Comme il est heureux de retrouver la famille animale de Kipling autour du petit d’homme, tout en savourant les nuances psychologiques apportées par Favreau. Ainsi, le réalisateur ne tombe pas dans une facilité déconcertante et prend le temps de poser chaque profil devant la caméra, en soignant chaque portrait animal, des plus proches défenseurs de Mowgli en passant par ses détracteurs ou des personnages très périphériques. Aucun n’est traité avec parcimonie, tous ou presque apportent une valeur ajoutée au récit. Jon Favreau s’entend alors à soigner chaque interaction et chaque rite initiatique du jeune Mowgli avec un œil avisé et un pendant moral à double lecture chez les enfants comme chez les adultes. Le caractère sombre conféré de manière surprenante à certains personnages iconiques permet au film de ne pas tomber dans un scénario plat et lassant, bien qu’au final très linéaire dans son approche (mais c’est bien l’histoire de base qui veut ça, assumée du début à la fin, voire trop peut-être, comme un livre ouvert).

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Ainsi, le spectateur suit le parcours didactique de Mowgli, incarné par un nouveau venu à Hollywood, Neel Sethi. Il constitue la seule présence humaine en chair et en os dans le film et fait donc reposer une bonne partie de sa force dramatique sur ses épaules. C’est un véritable exploit pour cette petit figure montante qui réussit le tour de force avec sincérité d’interagir avec de l’imagerie de synthèse durant 1h45, en mobilisant tout son imaginaire. Sorti d’un casting de plus de 2000 enfants, Neel possède indubitablement à l’écran les qualités émotionnelles et physiques nécessaires pour endosser un rôle aussi complexe. Car Mowgli est tout sauf l’archétype du jeune héros qui subit les événements. Bien au contraire, à l’opposé d’une jeune ingénue telle Alice qui s’émancipe grâce à l’environnement extérieur, Mowgli est le premier véritable maître de la jungle, décidant du cours des événements et saisissant véritablement son destin. La détermination qui est la sienne et son caractère bien trempé font toujours des étincelles en se confrontant aux autres animaux tout au long de son aventure. Mais Mowgli prouve à maintes reprises qu’il est aussi digne que n’importe quelle espèce animale dans cette jungle, régie manifestement par bien plus de codes sociaux stricts qu’un microcosme humain. Le traitement de Mowgli dans ce film trouve une certaine forme d’aboutissement par rapport à sa version animée en 1967. En 2016, Mowgli est davantage moins tranché sur certaines questions, peut-être aussi plus clément et consciencieux à l’égard des menaces qui pèsent sur son entourage et fait preuve de beaucoup moins de naïveté et d’innocence. Mowgli est plus que jamais un petit d’homme appartenant à la jungle. Il n’empêche : ses traits humains rentrent parfois en jeu dans l’intrigue mais c’est surtout son sens de l’humour, son audace et sa maturité déconcertante à l’écran qui emportent le cœur du public ! Tout le film, il est vrai, repose sur l’interprétation brillante de cet acteur en devenir. Enfin, il faut saluer l’hommage rendu dans sa tenue, en tout point semblable à celle de son avatar animé. L’idée d’un pagne rouge très sobre, imaginé par la chef costumière Laura Jean Shannon, replonge immédiatement le spectateur dans son enfance, au-delà du physique de l’acteur. Neel Sethi alias Mowgli donne la réplique à tous les personnages emblématiques de ce mythe universel…

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Le personnage de Bagheera

Bagheera, la panthère noire, ne voit pas son rôle de tuteur trop modifié dans ce film. Il intervient comme dans le film d’animation en tant que narrateur avec toute la sagesse qu’on lui connait. Mise en mouvement avec élégance, sa silhouette racée est un enchantement visuel. Ce personnage incarne à la fois la voix de la sagesse du conte mais sans aucun doute le plus proche parent de Mowgli, lui qui a été recueilli et élevé dans la jungle par celle-ci alors qu’il n’était qu’un nourrisson. Ce personnage, comme tant d’autres, fait de son rôle de mentor une priorité. Bagheera est très attaché au petit d’homme et risquerait sa vie pour lui. C’est cette tendresse intangible, quels que soit les aléas de l’histoire, qui renforce le discours moral de l’animal. Mais c’est aussi le talent à l’état pur de Ben Kingsley, qui apporte toute son adresse et son raffinement vocaux au personnage, en nuançant ce ton avec une fermeté quasi-militaire et un comportement de figure paternaliste sacrée, qui font que la création de ce personnage est une pure merveille !

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Raksha est une louve affectueuse et, elle aussi, farouchement protectrice. C’est elle qui adopte Mowgli dès son plus jeune âge et veille sur lui comme n’importe quel louveteau de sa famille. Ce personnage est sans doute celui qui bénéficie le plus d’enrichissement littéraire par rapport au Grand Classique Disney. Parmi toutes ses modifications, la tribu des loups est sans doute l’élément le plus évocateur du film, tant son rôle est bien plus conséquent. La fidélité aux écrits d’origine de Kipling est ainsi sauve. Lupita Nyong’o livre d’ailleurs une interprétation magistrale dans le doublage de cette mère louve. Rakska, signifiant « protection » en indien, force le respect du modèle maternel et démontre à quel point les enjeux sociaux et solidaires, au sein d’un clan animal aussi « civilisé » que celui des Loups par exemple, peuvent déterminer leur destin. C’est un message symbolique fort, qui place la valeur familiale au-dessus de tout et surtout motive Mowgli dans sa quête. Raksha est sans aucun doute l’un des personnages les plus attendrissants du film mais dégage lui aussi un raffinement exceptionnel.

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Raksha est dirigée par un guide de tribu charismatique, Akela, doublé en version originale par Giancarlo Esposito. Ce mâle dominant conduit sa meute avec détermination et, à l’image d’une assemblée démocratique, nuance les propos de Raksha, voyant en Mowgli une potentielle menace pour la survie de son clan, et plus généralement de l’écosystème qui l’entoure, lui qui ne jure que par ordre, respect entre espèces et paix. En revanche, Raksha ne rejette pas Mowgli, bien au contraire, mais ne peut s’empêcher de penser que le petit d’homme pourrait être amené à se faire pervertir un jour par l’homme et devenir aussi cruel que l’un d’entre eux qu’il a croisé par le passé, risquant par la même occasion de mettre en péril la sécurité des siens ; le talentueux Giancarlo Esposito donne tout le leadership et le discernement nécessaire pour construire ce personnage, force du clan ?

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Il en faut peu pour être heureux

Mais l’animal qui transcende le plus tant par son interprétation que sa transformation en images de synthèse reste avant tout Shere Khan. Ce Tigre du Bengale, un des méchants les plus terribles que Disney et ses équipes aient imaginés sur papier dans les années 1960, s’offre une relecture en 2016 parfaite. Physiquement d’abord, sa carrure à la fois colossale, pesante et dandyesque, ses mimétismes avec l’espèce naturelle, le détail de sa fourrure et les cicatrices de ses blessures sur son visage infligées par les hommes permettent au film de placer la barre encore plus haut. Sa voix, portée par un Idris Elba au sommet de son art, ajoute à la nuance apparente du personnage, dissimulant à moitié ses intentions hostiles à l’égard du petit d’homme, qui concrétiserait tous ses rêves de vengeance face à la cruauté humaine et la Fleur Rouge (le feu). Ces éléments représentent à ses yeux les pires menaces contre la nature. Disney offre à ce personnage des arguments bien plus solides que les pauvres motivations animales du Shere Khan de 1967. Mieux, cette nouvelle version reste sans doute le personnage le plus éloquent du film, bien que ses motivations sous-tendues soient alimentées par la soif de haine et de carnage. Grâce à un timbre grave et puissant, Idris Elba fait régner la peur tout au long du film avec brio.

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Toujours dans le registre de la dangerosité de la jungle, le Python manipulateur Kaa fait également partie de l’histoire. Et contrairement à Shere Khan qui s’offre plus de temps à l’écran, son rôle est très secondaire, servant de rite de passage à un moment clef de l’histoire. Kaa n’est pas un mâle ici mais une femelle. On peut rappeler que ce n’est pas la première fois qu’un personnage du  Livre de la Jungle change de genre sexuel dans une adaptation de Disney, Bagheera ayant subi le même sort dans The Jungle Book: Mowgli’s Story. Evidemment, grâce à sa voix suave sublimée par Scarlett Johansson et son talent d’hypnotiseuse, Kaa jette son dévolu sur Mowgli pour servir ses intérêts personnels. La question de la féminisation du personnage devient problématique quand on ignore encore quelle pourrait bien être la valeur ajoutée d’un tel changement, d’autant que Jon Favreau respecte à côté de cela à la lettre certains écrits de Kipling… Mais ce n’est pas ce qui pêche le plus. Kaa sert simplement la mécanique narrative du film, son rôle de prédateur devenant plus qu’anecdotique, bien que la présence vocale puissante de l’actrice n’en démord pas. Elle efface littéralement toute la loufoquerie du Kaa de 1967 pour en tirer l’essence hostile qui réside en lui. Kaa incarne de la sorte à merveille le désir de transformer certains personnages pour mieux les greffer à leur environnement naturel, tout en leur préservant une part suffisante de caractère à mi-chemin entre l’intellect humain et l’instinct primaire animal. Mais ce défi qui réinvente ce personnage ne change en rien le cours de l’histoire : Kaa est un faire-valoir pour faire avancer considérablement le récit personnel de Mowgli, et en dépit de sa magnificence et sa coquetterie surprenantes, fait sans doute défaut parmi tout le panel de personnages du film. Comme un manque de quelque chose…

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Ce sentiment mitigé ne se retrouve, à l’inverse, pas du tout dans l’Ours brun Baloo. Le plus célèbre de tous les personnages du Livre de la Jungle est attendu au tournant, tant sa figure célèbre côtoyant des générations entières depuis des décennies incarne à elle seule un monstre sacré de la culture populaire.  Là encore, Jon Favreau reste assez fidèle à l’esprit d’origine de Kipling et Disney, mais apporte un peu plus de profondeur au personnage. Épicurien de son état, Baloo est un libre penseur, bohème et nonchalant, qui cueille la vie au jour le jour. Sa posture philosophique ne déteint pas sur Mowgli aussi rapidement que dans le film d’animation, car Baloo met davantage en avant son égoïsme que son affection pour le petit d’homme. Au premier abord en tout cas. Ce penseur subversif permet à Mowgli d’ouvrir les yeux sur un autre aspect de la vie et l’invite sans mal à suivre ses propres règles, et non celles dictées par quelconque communauté. Ce caractère extrême dépeint un Baloo moins sage que sa version animée, plus ‘jeune’ peut-être et certainement moins rebelle. Ce faux savant subversif et solitaire montre à Mowgli la voie d’une vie totalement différente de ce à quoi il a pu se confronter jusqu’à maintenant. Et l’apport du génialissime Bill Murray, qui double « l’Ours très bien léché », confère au personnage plus de capital sympathie, plus de tendresse, plus d’humour caustique aussi.

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Le Roi Louie raté

En revanche, le personnage le plus raté de cette adaptation reste le Roi Louie. Personnage d’exception depuis toujours dans l’univers Disney, il perd totalement de son aura et est déchu au rang de simple menace futile pour Mowgli et ses amis. Orang-outan en 1967, il est décrit comme gigantopithèque dans le film (sorte de yéti de la jungle), la première espèce n’étant pas native des forêts tropicales indiennes. Jon Favreau replace donc le personnage dans un environnement naturel plus logique. Chef incontesté des Bandar-Logs, le Roi Louie, doublé par Christopher Walken, en impose au premier regard par sa stature colossale et sa force prodigieuse. Il faut souligner le formidable travail visuel réalisé sur le visage du personnage, qui reprend certains traits de faciès de son interprète. En ce sens, la loi du plus fort est respectée dans cette colonie de primates tous plus roublards et malins les uns que les autres, même si ce Roi Louie relève plus du fantasque démesuré que de la réalité. A peu de choses près en revanche, la psychologie et les motivations de Louie restent les mêmes qu’en 1967 : sa quête effrénée de la Fleur Rouge, autrement dit le feu des hommes, censé le placer au-dessus de la chaîne alimentaire.

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Le Roi Louie s’attarde donc à séduire et menacer Mowgli, persuadé qu’il détient ce secret. Beau parleur qu’il est, il nous sert comme un cheveu sur la soupe son hymne « I Wanna Be Like You », une chanson revisitée dans ses paroles par Richard M. Sherman (qui a composé avec son frère Robert la chanson d’origine pour le film animé). Mais l’intrusion de cette chanson sonne faux, que ce soit l’orchestration, les paroles, l’intention semi-improvisée de Christopher Walken et le groove trop artificiel là encore. Décidément, la musique n’est pas le fort du film mais dans ce cas parvient à rendre Louie agaçant pour de mauvaises raisons. Pire, la chanson est un poids lourd pour le rythme du tableau chez les singes et fait perdre toute la majesté du discours du maître des lieux. Heureusement, une belle scène d’action parvient à faire oublier ce désagrément. Et la question de l’utilité de l’illustration musicale juste pour servir la nostalgie se pose alors quand on peut imaginer aisément le film sans ces longueurs. Les musiques du film d’animation restent à tout jamais ses entités, non pas qu’elles ne soient pas assez puissantes pour traverser les œuvres mais bel et bien parce que ce Livre de la Jungle version 2016 ne s’y prête pas dans sa structure scénaristique.

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Autour de ce casting principal gravitent des personnages très réussis. Frère-Gris est l’un des petits frères louveteaux de Mowgli, et rappelle combien le lien qui unit le petit d’homme à sa famille est important. Des hommages sont à nouveau rendus au film d’animation en ce sens avec l’apparition succincte de figures secondaires mais emblématiques comme les fameux Vautours ou la troupe d’Éléphants, décrites à juste titre comme les plus éminentes et respectables espèces exotiques dans le cycle de la vie, garants de la prospérité des forêts. On regrettera néanmoins cette hiérarchie très injuste dans le traitement de la faune, certains animaux sensiblement éloignés de l’intrigue n’étant pas dotés de parole.

Image Une Le Livre de la Jungle

Notre conclusion du film !

Il en faut peu pour être heureux avec cette formidable apologie du « vivre ensemble » à travers la vie trépidante du petit d’homme Mowgli, confronté dans la jungle à des épreuves existentielles hors du commun mais qui résonnent juste dans le cerveau et le cœur du spectateur. Car cette relecture efficace du Livre de la Jungle fait preuve d’un pragmatisme assez significatif à l’égard des sociétés humaines. Sans tomber dans le génie, Jon Favreau fait le job assurément, grâce notamment à des perspectives techniques spectaculaires et qui, à elles seules, permettent au film de se hisser au rang des plus belles réinventions que Disney ait pu produire durant ces dernières années. Si les arts visuels sont plus que jamais au sommet dans cette relecture de l’œuvre de Kipling, les hommages rendus au film d’animation ne sont hélas pas tous aboutis, à commencer par l’ambiance musicale qui manque cruellement de sincérité. En revanche, cette histoire prouve une fois encore que l’attrait éternel pour ces personnages ô combien attachants et cette histoire émouvante et spirituelle ne seront jamais effacés. La liberté de ton, tantôt sombre, tantôt très jovial, prise par la direction artistique est du début à la fin soignée et l’on aime surtout à croire que Favreau incite plus que jamais les jeunes générations à se replonger dans ce conte philosophique intemporel. Le Livre de la Jungle version 2016 est globalement une franche réussite et rend hommage au dernier Grand Classique supervisé par le Maître de l’Animation. C’est un très bon point de départ quand deux autres live-action de ce type suivent dans l’agenda 2016…

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