- Production : 20th Century Fox, Bad Hat Harry Productions et The Donners’ Company
- Titre original : X-Men : Days of Future Past
- Titre français : X-Men : Days of Future Past
- Sortie française : 21 mai 2014
- Sortie américaine : 23 mai 2014
- Durée : 132 minutes
- Réalisateur : Bryan Singer
- Scénario : Simon Kinberg et Matthew Vaughn
- Musique : John Ottman
X-Men, Days of Future Past : la critique
A de nombreux égards, la mutation hollywoodienne opérée depuis les années 2000 s’est largement nourrie de l’alphabet super-héroïque le plus large qui soit. C’est un panel de figures toutes plus emblématiques les unes que les autres sur papier qui se sont ainsi forgées une réputation de très grande échelle dans les salles obscures, et pour certaines à des régimes fort intenses. La saga des mutants n’est pas en reste et, devrions-nous ajouter, constitue le summum de la franchise de super-héros à succès dans ce renouveau engagé du genre, tant par son propos que son expression. En effet, les insuccès critiques palpables de la fin des années 90, à commencer par les troisième et quatrième volet de la franchise Batman initiée par Tim Burton, ont rudement compliqué la tâche pour les studios, ne souhaitant plus prendre le risque de ternir une nouvelle franchise et par la même occasion, leur propre image. A l’aube du troisième millénaire, c’était donc avec un précédent fragile et une volonté incertaine que différents producteurs ont voulu se mettre au défi de relancer le genre super-héroïque, certains ayant laissé par la suite leur peau dans cette épopée commerciale (Daredevil, Elektra, The Punisher, Les Quatre Fantastiques) tombant dans la facilité et la niaiserie les plus totales. Ces mêmes cadors du tout Hollywood, qui ont fait le pari d’offrir aux univers des comic-books de la société Marvel Entertainment toute leurs places sur grand écran, ont très finement édifié leur stratégie, cette dernière s’étant, on le sait, révélée concluante avec la trilogie de Spider-Man et la saga X-Men.
La mode des films des Super-Héros
En effet, et contre toute attente, relancer la mode des films des super-héros, et en particulier ceux des fameuses franchises de la Maison des Idées, s’est avéré devenir un marché imposant et essentiel du monde du cinéma. Dès lors, le combat a sévi de toutes parts pour l’obtention des droits d’adaptation cinématographique de nos personnages hors-du-commun. Une voracité des studios plus vigoureuse que jamais, tant le potentiel et la fructification conséquente de ce type de film sont immenses. Un marché effréné s’engage et c’est la société de production Twentieth Century Fox, impressionnée par le succès de la série d’animation X-Men, qui remporte le gros lot des mutants dès 1994. Le rachat des droits effectué auprès de Marvel Entertainement, la Fox engage plusieurs années d’intenses travaux sur son nouveau bébé, ne sachant pas réellement à l’époque où elle allait se diriger, tant et si bien qu’il faudra attendre cinq années pour que le studio accouche enfin d’un scénario adapté à son investissement financier et à sa vision artistique. Après une multitude de tentatives rejetées, script après script, c’est le scénario de David Hayter, accompagné de Bryan Singer et Tom DeSanto, qui semble bel et bien se démarquer, et qui est finalement validé par les producteurs. Le tournage du film, qui deviendra, dès sa sortie l’été 2000, l’icône de la renaissance du blockbuster dit de super-héros, démarre en 1999.
Succès à la clef pour les films de super-héros
Le super-héros sublimé par la nature mutante ancrée dans l’univers Marvel se voit monter sur des estrades de popularité gigantesques et uniques. En effet, le capital sympathie des X-Men, chiffré au box-office mondial à 296,3 millions de dollars de recettes pour le premier volet (9ème rang au classement des films les plus rentables de l’année 2000), propulse le genre en pole position des franchises hollywoodiennes à la mode. Le phénomène ne cessera de s’accroître tout au long des deux premières décennies 2000. Conférer au mutant son statut de figure suprême du super-héros au cinéma, telle a été la mission de la Fox depuis 2000, à grands renforts de personnages d’envergure, charismatiques et hétéroclites.
Bryan Singer s’attelle à fait revivre la notoriété de sa saga naissante dès 2003 avec son X-Men 2, toujours plus riche et approfondi. La sauce prend haut la main et dépasse, tant d’un point de vue critique que commerciale, le succès de son prédécesseur. La sortie d’un film de la saga prend inéluctablement des airs d’événement cinématographique à ne rater sous aucun prétexte, et Bryan Singer, visionnaire des débuts, aux manettes, l’avenir brille sans mal pour la Fox.
Un investissement lucratif pour Marvel Studios
C’est tout naturellement que Marvel entend poursuivre cet investissement lucratif avec un troisième volet dans les salles en mai 2006. X-Men : L’Affrontement Final a pour projet de clore vraisemblablement une trilogie, du moins une première « phase ». Singer trop occupé sur le projet de rebooter Superman pour Warner Bros Pictures, c’est Brett Ratner qui obtient l’honorifique poste de metteur en scène du film qui sera un vrai tournant décisif à l’époque pour les studios. Malheureusement, au grand dam de la vision artistique très caractérisée de Bryan Singer, adulée des fans, Brett Ratner prend certaines libertés scénaristiques et artistiques, et provoque la polémique tant redoutée par les studios. Fort de choix peu cohérents et d’appréciations scénaristiques plus proches du combat de boxe de deux heures que d’une histoire sensée, Ratner rate son coup et déçoit avec brio. Le nuage noir qui plane sur la Fox s’assombrit toujours plus avec le pari osé mais manqué de lancer le premier spin-off de la saga consacré sans grande surprise à Logan alias Wolverine. Prolongeant habilement sa saga, la Fox dévoile, en mai 2009, X-Men Origins : Wolverine, réalisé par Gavin Hood. Hugh Jackman, capable de tenir désormais seul l’affiche, part aux confins de l’existence de son personnage qui lui est maintenant collé à la peau.
On revient aux origines des mutants
Wolverine avant Wolverine, avant sa rencontre avec Charles Xavier, nous narre sa vie durant une partie du XXème siècle. On en apprend dès lors beaucoup sur les origines du mutant, sa psychologie plus poussée et ses épreuves traversées, à commencer par les expérimentations de William Stryker sur son corps. En dépit de cette entreprise épanouissante pour la franchise, le film reçoit l’accueil le plus négatif de la série.
En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, la Fox et Bryan Singer décident de relancer la dynamique mise à mal avec les deux derniers opus. L’année 2011 marque le retour aux fondamentaux et à l’authenticité. Singer épris de la forme « préquel », en vogue depuis plusieurs années, s’attache à revitaliser nos mutants en se plongeant dans les préliminaires de leurs aventures. L’envergure tant attendue prend vie avec X-Men : Le Commencement en juin 2011, écrit par Bryan Singer et réalisé par son ami Matthew Vaughn, pourtant remercié pour le troisième volet par la Fox.
La main mise de Bryan Singer
Cette nouvelle aventure, dotée d’atouts innombrables, plongeait nos héros (ou vilains) dans leur jeunesse des années 60. Et la patte de Singer ne s’en fait que plus sentir. Assuré avec ce film, grâce à sa richesse scénaristique et son développement très ouvert, de poursuivre aisément la série, Singer projette des années en amont son prochain volet qu’il ne manquera pas de réaliser cette fois-ci, X-Men : Days of Future Past. Entre temps, James Mangold nous a livré en 2013 le deuxième spin-off consacré à Wolverine, suivant chronologiquement directement les péripéties tragiques du troisième volet, confrontant un Logan esseulé à la mafia japonaise et à de vieux ennemis. La scène post-générique de Wolverine : Le Combat de l’Immortel, sorti en juillet 2013, introduit consciencieusement les perspectives du prochain volet, X-Men : Days of Future Past.
Arrivée en 2014, la Fox promet le plus gros blockbuster jamais produit sous son égide, la moelle substantielle qui régit l’essence-même de la saga, à savoir son talentueux créateur Bryan Singer, une suite allègrement peaufinée dans les moindres détails promettant beaucoup, une adaptation ambitieuse d’une partie culte de la littérature comic-book des X-Men.
Un projet Titanesque a réalisé
Tant d’attentes pour ce projet titanesque, si bien que l’on pouvait douter, au vu de la promotion tangiblement bancale du film, de tenir la barre du début à la fin et d’être à la hauteur de celles-ci… Tant est si bien que lorsque l’on apprend les éléments scénaristiques majeurs de ce septième opus de la saga, basées sur le mélange unique de l’ancien (les mutants des années 2000) et du nouveau casting (les mêmes mutants dans les années 60), le doute commençait à s’installer proportionnellement à l’ambition dégagée du projet risqué… D’autres objectifs sous-jacents se profilaient car, contrairement aux années 2000 où la franchise n’avait pas à prouver son statut de référence du genre, l’instant présent impose un contexte bien différent d’il y a une dizaine d’années. La concurrence est rude sur le marché marvellien (et à plus large échelle, sur le marché des super-héros avec la montée de la Warner et DC Comics) entre studios se partageant les mines d’or de l’écurie des comics. Si Spider-Man continue tant bien que mal à installer son propre univers étendu chez Sony via sa filiale Columbia Pictures, si les Vengeurs et bientôt les Gardiens de la Galaxie entendent régner sur l’ordre super-héroïque cinématographique pour plusieurs années encore, la Fox, en termes d’ampleur et d’ambition pour ses personnages et ses acteurs, a tout à prouver au spectateur, peut-être perdu dans la masse de films labellisés aux couleurs de la Maison des Idées. Comment parvenir à percer dans ce climat de compétition perpétuelle et intense et démolir les concurrents passés (Captain America : le Soldat de l’Hiver et The Amazing Spider-Man : Le Destin d’un Héros) et futurs (Les Gardiens de la Galaxie) ?
Un univers très vaste pour X-Men
Et bien, tout bonnement en alignant une stratégie assez semblable à ses confrères : installer une planification sur plusieurs années de projets. X-Men : Days of Future Past va dans ce sens en proposant d’étendre les frontières scénaristiques grâce au décalage temporel, mais à condition que ce paramètre soit utilisé de façon, si ce n’est brillante, au moins correcte. L’univers élargi s’impose alors naturellement, permettant au scénario de se conclure à la guise de ses auteurs magistralement et avec de nombreuses percées. Cette mission nécessaire des studios pour asseoir leur prestige prépare le terrain de nouveaux récits cinématographiques avec X-Men : Apocalypse, annoncé par la production pour 2016, et qui apportera son lot de nouveautés, à commencer par le fameux mutant primitif Apocalypse, nouvel ennemi commun, ainsi qu’un troisième spin-off sur l’homme aux griffes d’adamantium, confié encore une fois à James Mangold, et prévu pour 2017, prolongeant ainsi en parallèle Wolverine : Le Combat de l’Immortel. Le public n’en a donc pas fini avec les mutants au cinéma, susceptibles, d’après certaines dernières rumeurs, de débarquer également sur petit écran dans une nouvelle série en prises de vues réelles.
Quatorze ans après le premier volet, la saga renoue de façon indéfectible avec sa verve d’antan, avec aux commandes son grand manitou, Bryan Singer et à l’écriture Simon Kinberg (X-Men : L’Affrontement Final). C’est d’ailleurs en août 2012 que Bryan Singer confirme, par une annonce dans les médias, son intention de monter ce projet, librement inspiré de la section « Days of Future Past » de la série comic-book The Uncanny X-Men #141-142, publiée au début de l’année 1981, sous la plume de Chris Claremont et le crayon de John Byrne. La toute première super-équipe de mutants, imaginée par le scénariste Stan Lee et le dessinateur Jack Kirby, a elle fait son apparition dans le comic-book X-Men #1, édité chez Marvel Comics en septembre 1963, posant ainsi les fondements de l’intrigue générale de cet univers confrontant le Professeur Charles Xavier, mutant paraplégique et télépathe, aspirant à la paix et la co-existence entre tous les humains (avec ou sans mutations), et Magnéto, mutant archétype du mal, souhaitant mettre ses pouvoirs et ceux de ses disciples de la Confrérie des Mauvais Mutants au service de l’extinction de l’Homme et de la suprématie de la frange de la population à laquelle il appartient et qu’il compte bien diriger. Aux origines des comics, les X-Men, au nombre de cinq, sont tous des mutants réunis par Xavier, qui les accueille au sein de son école spécialisée pour « surdoués » alors que le sentiment anti-mutant semble planer parmi par les Hommes. Leur mentor leur apprendra non seulement à maîtriser et se servir de leur(s) don(s) issus de modifications génétiques, mais aussi et surtout à s’accepter tels qu’ils sont. Par la suite, en mettant au point la machine Cerebro, Charles Xavier va détecter de nombreux mutants pour les ramener dans son institut, en amplifiant ses pouvoirs mentaux. De son côté, Magnéto, ancien ami de Xavier, ne va pas tarder à rallier à sa cause souverainiste une équipe de mutants qui ont pour la plupart mal tourné ou n’ont pas eu la chance d’arriver dans le giron de Xavier. Cet affrontement essentiel servira de postulat de départ de l’aventure des X-Men au cinéma, Bryan Singer s’offrant beaucoup de libertés adaptatives.
Le film, comme mentionné précédemment, s’inspire directement de l’arc narratif « Days of Future Past » (« Futur antérieur ») développé par Chris Claremont et John Byrne. Cette histoire s’est très vite popularisée auprès des lecteurs se classant en 2001, pour sa première partie, vingt-cinquième dans la liste des meilleurs comics Marvel de tous les temps. Si Wolverine est au centre de l’intrigue, que ce soit dans les comics ou dans le film, le rôle de Kate Pryde a été de manière harmonieuse dans la saga, fortement diminué. En effet, Bryan Singer ne la fait plus voyager dans le temps, préférant Logan, mais se sert de ses pouvoirs pour préserver la conscience de ce dernier, renvoyée cinquante années en arrière dans son jeune corps pour tenter de changer un événement majeur et déterminant de la chronologie.
Avant de rentrer dans l’analyse stricto senso du film X-Men : Days of Future Past, il convient de rappeler que la tâche était pour le moins ardue d’adapter un tel monument de la littérature comics. Et s’il fallait juger de la qualité inconstante de la campagne de promotion menée, les doutes étaient tous permis. En s’arrêtant sur la médiocre première bande-annonce, tout portait à croire que le flop n’était pas loin. D’autant plus prononcé à la vue de certaines affiches quelques peu bâclées, à l’instar de la promotion de The Amazing Spider-Man – Le Destin d’un Héros, de Marc Webb, sans parler de la polémique autour des affaires de mœurs dont est accusé Bryan Singer en pleine promotion du film, ceci entachant cela. Et le risque pouvait s’avérer tout autant élevé quand il s’agit de manipulation d’espace-temps au cinéma… Si le voyage dans le temps est admis de tout un chacun dans les comics, au cinéma, ce paramètre devient imprévisible et souvent la cause de films ratés s’il est utilisé de façon trop grossière ou compliquée. Alors, quand cela sous-entend de rassembler foule de personnages, pour certains dans leur version jeune et âgée, le doute préalablement installé ne s’envisage plus, il est certain. Mais après deux heures et vingt minutes, en version originale sous-titrée et 3D Relief, toutes ces questions s’effacent d’elles-mêmes. Pourquoi ? Car il n’y a rien à craindre de ce nouveau volet. Mieux, il s’agit vraisemblablement du meilleur opus de toute la saga et Bryan Singer signe là une production ambitieuse, savoureuse et grandiose, bien au-dessus d’un X-Men 2 ou X-Men : Le Commencement.
Le film rentre dans le vif du sujet, tout comme l’arc narratif du comic-book (après ça, Bryan Singer prendra comme à l’accoutumée toute son indépendance de création par rapport au document référentiel, s’octroyant nombre de libertés toujours cohérentes). Plongé en plein futur alternatif à New York, le spectateur découvre par l’image et son narrateur, le régime planétaire en place réduisant mutants, partisans et éventuels futurs géniteurs de mutants, si ce n’est à l’esclavage et l’emprisonnement, à l’extermination massive la plus abjecte qui soit. Le réalisateur reprend là une thématique profondément ancrée non seulement dans l’histoire des X-Men dans les comics, mais aussi dans la saga cinématographique, la confrontation de l’homme à l’inconnu, à sa propre évolution et par conséquent au désir ou non de changement des mœurs. Appliquant habilement une boucle scénaristique avec la première scène du film X-Men où le jeune Erik Lehnsherr, futur Magnéto, assiste à l’exécution de sa famille au Ghetto de Varsovie, dans le contexte d’extermination massive du peuple juif par l’Allemagne nazie, Bryan Singer reprend la thématique très singulière de l’univers des mutants avec ces nouveaux camps de la mort du futur destinés cette fois-ci aux mutants. Et là où la cruauté prévaut de façon décuplée, c’est dans le dessein du jeune mutant fouillant des ruines lors de cette première scène, alors que le jeune Magnéto, lui, avait pu faire usage de ses pouvoirs pour se sauver.
Un scénario subtile !
En effet, le scénario utilise de manière subtile l’Histoire des Hommes sans pour autant la dénigrer. En se connectant aux tragédies humaines du XXème siècle, le cinéaste confronte une fois de plus dans la saga le destin des mutants aux agissements de l’Homme dans ses plus mauvais penchants moraux, dans un monde bien réel, saisissant de frayeur pour le spectateur. C’est tout l’enjeu du récit du film, relater des faits aussi vrais que nature en préservant le genre super-héroïque.
Dans le futur ainsi décrit, monde de désolation et de ruines, conséquence d’une troisième guerre mondiale entre système totalitariste et épurateur, basé sur la robotisation et la pensée unique, et monde libre (mutants et hommes), les quelques survivants sont parqués dans des camps de concentration. Le pouvoir ainsi en place utilise des machines tueuses ultra-perfectionnées, appelées Sentinelles. Leur potentiel illimité se constate grâce à leur sens adaptatif aux gènes mutants qu’ils détectent d’une part, et absorbent d’autre part, les décimant ainsi aussi facilement. Leur déchaînement est impressionnant dans la première scène de combat après le générique très sobre et traditionnel. Face à eux, les quelques X-Men acculés, mais semble-t-il irréductibles, luttent sans merci contre ces machines de guerre meurtrières.
Dans ce futur chaotique, Bryan Singer et Simon Kinberg en profitent pour nous introduire quelques nouvelles recrues aux côtés de la génération « 2000 » qui a pris quelques années, futur oblige. Dans la fameuse scène d’anthologie du prologue, on découvre ainsi de nouveaux acolytes luttant avec les expérimentés Boby Drake alias Iceberg (Shawn Ashmore), Piotr Nikolaievitch Rasputin alias Colossus (Daniel Cudmore) et Kitty Pride alias Shadowcat (Ellen Page) : Lucas Bishop ayant la capacité d’absorber et décharger à volonté de l’énergie sous différentes formes (Omar Sy), Roberto Da Costa, alias Solar, capable de métaboliser l’énergie solaire et la décharger sous plusieurs formes (Adan Canto), Clarisse Ferguson alias Blink, douée pour les sas de téléportation (Fan Bingbing) et James Proudstar, alias Warpath, aux sens, à la force et l’endurance surdéveloppés (Boo Boo Stewart). Si cette scène met à l’évidence un point d’orgue à l’anéantissement proche dans le temps des mutants, elle constitue pour le spectateur un divertissement haletant, Singer n’ayant pas lésiné en super-pouvoirs. Et avec un talent indéniable tant visuel que narratif, accroche le spectateur à son siège.
Des amis mais ennemis Professeur X et Magnéto
En outre, on retrouve dans ce futur avec plaisir les deux cadors de la saga, amis et ennemis de toujours, Professeur X et Magnéto, incarnés respectivement par Patrick Stewart et Sir Ian McKellen. Leur destin funeste a priori scellé, les deux compagnons de longue date s’unissent pour leur propre cause, leur propre survie et celle de l’humanité. Les querelles idéologiques auxquelles nous avaient habitués les deux compères sont mises de côté dans ce contexte sombre. Dans cette équipe de survivants, on compte également Ororo Munroe alias Tornade, interprétée à nouveau par Halle Berry, ainsi que Logan Howlet alias Wolverine, joué par la vedette de la saga, Hugh Jackman. Les X-Men vont compter sur les capacités de Kitty Pride pour renvoyer dans le temps, cinquante ans en arrière, l’un des leurs, à savoir Logan, pour changer le cours des choses et empêcher l’avènement de la Trask Industrie, à l’origine du projet « Sentinelles » afin d’effacer le présent tragique qu’ils subissent, eux et le reste de l’humanité.
Les protagonistes s’en remettent donc au sort de l’un de leur héros. Sa conscience est ainsi transférée dans son corps âgé de cinquante années de moins, dans une Amérique de 1973 dirigée par le président Nixon, et quasi-ignorante de l’existence des mutants. C’est donc quelques années après l’intrigue du film X-Men : Le Commencement que se situe ce voyage temporel, qui va offrir à notre héros des péripéties assez inattendues. Sans révéler le contenu de l’histoire, Wolverine croisera le chemin de certains de ses congénères du futur, mais avec cinquante années de moins. On assiste donc au retour des acteurs James McAvoy, Michael Fassbender, Jennifer Lawrence et Nicholas Hoult sous les traits respectifs des jeunes mutants Charles Xavier, Magnéto, Raven Darkholme alias Mystique et Hank McCoy alias le Fauve. Là où le scénario est extraordinairement bien ficelé, c’est dans le talent de conteur de Bryan Singer, qui amène cette multitude de personnages et ces dérèglements chronologiques avec une limpidité sans pareille. Sans aucun accroc, l’intrigue se déroule en parfaite adéquation avec l’univers de la saga, en cohésion et en cohérence complètes avec le postulat de départ en toute complexité et subtilité. L’aplomb scénaristique et le panache engagé du début à la fin font véritablement de ce volet une consécration pour la saga en préservant en plus toute la saveur authentique des premiers films, magnifiée avec la fraîcheur du « jeune » casting. La réflexion amenée brillamment et sans prétextes futiles sous-tend le récit et jalonne le destin singulier de chaque personnage.
la force ultime du film : Ces personnages
Tous ont droit à leur moment dans cette copie sans fautes, entre passages de bravoure, moments d’humour ou d’émotions. Chaque personnage est habilement utilisé et c’est sans doute la force ultime du film, en reliant la première trilogie et le reste de la série. Tout en valorisant la figure fil rouge de l’intrigue, Wolverine, interprété de façon toujours aussi magistrale par Hugh Jackman, le duo jeune Xavier-Lensherr prend davantage de relief que dans le précèdent film, creusant un peu plus leur relation houleuse et parsemée d’embûches sentimentales et politiques. Régis par leurs convictions personnelles, la bataille entre les deux reprend de plus belle, confortée par des acteurs au sommet de leur art. Ce casting chargé mais définitivement sublimé dans toute sa splendeur ne fait pas l’impasse sur les personnages secondaires tout autant charismatiques et essentiels dans la complexité inhérente de la traversée dans le temps du scénario. Le personnage campé par le très convaincant Peter Dinklage, le Professeur Bolivar Trask, aux prémices des études sur les gènes mutants nécessaires à la concrétisation de son projet « scientifico-militaro-industriel » espère prévenir toute menace éventuelle de la frange ethnique mutante en sensibilisant le gouvernement américain de la nécessité de former ce plan d’extermination à grande échelle. D’autres personnages secondaires marquent encore l’ancrage réaliste de l’Histoire mêlée au récit, sans parler des personnages principaux (assassinat du président Kennedy…). Mais dans les petits intervenants, il faut souligner la remarquable prestation du jeune Evan Peters, suggérant une interprétation très stylisée de son personnage Peter Maximoff alias Vif-Argent. Au caractère bien trempé du jeune adolescent rebelle et aux allures de vif contestataire des réformes et des guerres (notamment celle du Viêt-Nam) menées par les Etats-Unis à cette époque, notre Quicksilver s’octroie le succès d’une partie du film, non sans humour, désinvolture et action. Sans doute l’un des moments les plus intenses du film. Sa filiation avec son ascendant Magnéto, admise dans les comics, n’est simplement que survolée par un petit clin d’œil dans l’une de ses répliques, tandis que sa sœur Wanda Maximoff, plus connue sous le nom de la Sorcière Rouge, se voit supprimée de l’histoire.
Une méga Production à la Sony
L’équilibre émotionnel est parfaitement mené grâce à tous ces profils. Citons également Lucas Till incarnant le frère de Scott Summers, Alex dénommé Havok (capable d’absorber l’énergie cosmique du soleil et de la renvoyer sous forme de plasma ou de décharges énergétiques), qui a droit à son court passage mais qui n’amène pas plus de surprise que de blasement. L’arrivée d’autres semblables appuient toujours le principe fondamental régissant le film : les mutants vivent parmi les hommes, souvent dissimulés contre ou de leur plein gré. La guerre du Viêt-Nam assure ce thème avec non seulement Havok mais aussi Mortimer Toynbee alias le Crapaud jeune (Evan Jonigkeit) et Eric Gitter alias Ink (Gregg Lowe). N’oublions pas enfin un personnage emblématique de la saga, un autre symbole de l’aversion contre les mutants, qui apparait pour la troisième fois dans un film, William Stryker, présent ici sous sa forme physique jeune de l’acteur Gregg Lowe. Cet officier militaire sera à l’origine des méfaits subits sur le corps de Logan, lui conférant son squelette d’adamantium. Grâce à une charpente solide et une réflexion assez poussée, les acteurs nous offrent un spectacle sans précédent dans la saga, amenant tout autant d’approfondissement psychologique personnel que de bouleversements narratifs. Et le quatuor de tête, à savoir Jennifer Lawrence, Hugh Jackman, James McAvoy et Michael Fassbender manœuvrent sans mal la barque, apportant chacun leur tour à des plans différents toute la consistance tragique et spectaculaire à la dramaturgie générale. Car s’il y a bien une chose que l’on ressent après avoir vu le film, c’est le plaisir non dissimulé que Bryan Singer a employé pour diriger sa fine troupe de mutants, jouant allègrement avec toutes les possibilités offertes par leurs super-pouvoirs, respectant magistralement les comics pour le coup. L’écriture scénaristique, par sa teneur historique marquée, fait de cet opus le thriller psycho-politique inavoué de Singer, amenant plusieurs axes idéologiques et tout autant de questions au spectateur qui se retrouve très vite inclus dans le débat.
L’atmosphère très « seventies » qui transparaît n’est pas vendue en surenchère, loin de là, mais correctement installée. Le scénario de Kinberg, que l’on attend impatiemment dans ses prochaines participations (le reboot de (Les) Quatre Fantastiques), prend du début à la fin, amplifiant les thèmes phares mis en avant dans les volets précédents, notamment X-Men : Le Commencement, comme l’exclusion de la différence, le discernement de l’Homme face à sa propre évolution néo-darwiniste et donc sélective, les motivations poussant au crime de belligérance, la place de l’Homme rationnel dans l’uniformisation sociale ou l’expansion technologique, mais aussi grâce au paramètre temporel, la question du destin, sa forme, son fond et notre pouvoir décisionnaire sur celui-ci. Toutes ces questions et plus (si l’on omet les passions amoureuses triangulaires consensuelles par exemple) sont posées et très partiellement élucidées d’un point de vue philosophique vers la fin du film, les protagonistes pris dans des étaux existentiels, symbolisant chacun l’une des réponses.
Un film débordant d’idée ingénieuse
Rien n’est laissé au hasard dans ce grand divertissement bien dosé comme on n’en fait peu à Hollywood. Débordant d’idées ingénieuses, la méga-production de la Fox joue, proportionnellement à la densité de l’intrigue, la crédibilité d’un point de vue visuel. Gage d’un pari réussi à tous plans, le spectacle constant et imposant est à la hauteur du propos passionnant, nous faisant sans atours oublier les barbaries cinématographiques du passé (X-Men : L’Affrontement Final et X-Men Origins : Wolverine). Des icônes mutants aux Sentinelles, en passant par les décors foisonnants, le divertissement n’en est que plus intense. Le cas de ces robots-tueurs ultra-technologiques atteint des summums en matière de qualité d’effets spéciaux, créés par Ironhead Studios. Excellemment bien pensées et manipulées, les Sentinelles de Trask Industrie suffisent à elles seules à conférer au film toute sa majesté pour l’œil du spectateur. La vision 3D peut alors se justifier et proposer un spectacle à couper le souffle. Les scènes de combat et les super-pouvoirs qui les rythment, sont orchestrés de main de maître. Les différentes ambiances dues aux décalages temporels sont extrêmement poussées et assumées à l’image d’un Retour Vers le Futur 2. Certains personnages, comme Mystique, très présente, sont visuellement très réussis tant dans l’animation, la texture que les couleurs. Rien n’est plus excitant de savourer les scènes des X-Men à l’œuvre de concert dans des plans maniant avec brio les profondeurs de champs et l’espace scénique. Le grand final n’est pas en reste de par sa mégalomanie apparente et son réalisme bluffant mettant en scène le thème principal du film, l’espace-temps. Même les scènes de ralentis ne sont pas usurpées. Un ensemble d’une homogénéité et d’un graphisme parfaits sous la houlette du directeur de la photographie Newton Thomas Sigel et du monteur John Ottman, attribuant là encore au film son statut de chef d’œuvre incontesté de cette saga.
Un film si brillant qu’il alterne différents tons sans jamais dénaturer son fond, la musique illustrant bien ce rythme soutenu. Composée là-aussi par le très fidèle et créatif John Ottman, elle signe la renaissance d’une bande-sonore aussi fameuse que celle d’X-Men 2, véhiculant toute l’intensité mélodramatique nécessaire au scénario, en associant au thème principal si culte de la saga un relief sonore aussi complexe que la réflexion engagée du film. Les envolées lyriques ou les passages plus cadencés ou comme les choix portés sur les codes des années 1970 sont autant de points positifs à souligner dans le score.
Notre conclusion du film X-Men Days Of Future Past
C’est une œuvre à nulle autre semblable, une œuvre ultime, l’alpha ou l’omega d’un univers cinématographique en passe de sévèrement concurrencer le Marvel Cinematic Universe si précieux des Marvel Studios et Disney, X-Men : Days of Future Past tient de l’aboutissement artistique le plus total qui soit depuis X-Men (2000). Réunissant de par sa densité, son audace et sa rigidité avec brio et surprises, anciens et jeunes membres de la saga, Bryan Singer et la Fox édifient les briques d’un univers mutant cinématographique impressionnant et plus que convaincant en manipulant la notion « temps » et le facteur historique avec excellence, que peu d’autres productions marvelliennes ont su égaler.
Un film rempli de panache, certes très sombre et grave mais tout autant efficace, confirmant l’expérience et l’omnipotence des X-Men depuis quatorze ans sur grand écran. Le film sort assez aisément du lot des dernières productions du genre grâce à son propos intéressant, profond, dense, son ou plutôt ses aspects dramatiques habilement mêlés et sa pertinente authenticité finalement assez proche de l’esprit comic-books. Mieux, X-Men : Days of Future Past repositionne clairement le genre super-héroïque en proposant de nouvelles alternatives à la réflexion scénaristique bien codifiée de ce type de film. Jouissif au plus haut point, poignant, intelligent et intense, ce dernier-né de la saga, cinquième du nom, septième de la série, constitue assurément le modèle du film de super-héros aussi singulier que moderne. Somme toute, le renouveau des mutants atteint au cinéma, leur avenir ne pourra en être que plus radieux… La scène post-générique du film peut témoigner de ce beau destin nous promettant encore et toujours plus… Un avenir pas si apocalyptique que ça en a l’air pour Charles Xavier et ses amis, qui n’ont pas fini de muter vigoureusement notre vision du super-héros au cinéma.