- Production : Pixar animations Studios
- Titre original : Brave
- Titre français : Rebelle
- Sortie française : 1er août 2012
- Sortie américaine :
- Durée : 1 heure 35 minutes
- Long-métrage d’animation
- Réalisateur : Mark Andrews, Brenda Chapman, Steve Purcell
- Scénario :Mark Andrews, Steve Purcell, Brenda Chapman, Irene Mecchi
La critique de la première Princesse Pixar
En 2012, un nouveau film d’animation Pixar et Disney voyait le jour : l’histoire d’une jeune fille à la coupe de cheveux flamboyante qui souhaitait changer son destin… Eh oui, on parle bien de Rebelle ! Réalisé par Mark Andrews, Brenda Chapman et Steve Purcell, le film d’animation avait donné un coup de fouet à nos vacances d’été (et une envie soudaine de nous teindre les cheveux en rouge et de visiter les Highlands d’Écosse…). D’ailleurs, pourquoi tant d’engouement ? Cet article vous propose de revenir sur l’histoire de ce film d’animation et de comprendre un peu mieux les petites morales qui se sont cachées derrière ces personnages et leurs coupes de cheveux celtes. Notamment une parmi tant d’autre… Que signifie le destin ?
Mérida: « Certains disent que notre destin est lié à cette terre, une terre qui fait partie de nous, qui nous a façonné. D’autres disent que le destin est telle une étoffe tissée, où les histoires de chacun sont des fils entremêlés. Nous sommes tous à la recherche de notre destin. Nous nous battons pour le changer. Certains ne le trouvent jamais. D’autres ont la chance d’être guidé vers lui. »
Aux yeux de Pixar et Disney, le destin est un concept plutôt vaste à exposer. Mais pas impossible ! Selon l’opinion d’un enfant ou d’un adulte, nous sommes capables de poser au moins deux questions pertinentes : est-ce que le destin implique de faire tels choix ou est-ce que le destin est la conséquence de tels choix ? Rien de tel pour mettre en avant ces questions qu’un bon petit apéro des familles autour de feux follets … et d’un ours à la peau dure qui veut tout dévorer !
Et qui est capable de relier ces deux questions en une seule ? Mérida. En pleine crise d’adolescence, la jeune femme est le lien le plus adéquat entre le monde de l’enfance et le monde des adultes dans lequel elle entre petit à petit… non sans faire quelques gaffes ! Mais après tout, c’est bien grâce à nos erreurs que l’on apprend. Ou grâce au destin ? Mais que peut-on qualifier de « destin » exactement ?
Destinée ! On a tous en nous une destinée !
Comment peut-on parler de destin sans parler de l’histoire ? C’est ainsi qu’Elinor, mère de Merida, reine du clan Dumbroch, voit le concept de la destinée : « Les légendes sont des leçons, en elles résident la vérité. » Pour cette mère traditionaliste et méticuleuse, le destin est lié au passé. On pourrait même supposer, qu’au-delà des leçons, ce sont des erreurs qu’elle a apprises à ne pas reproduire.
C’est ainsi qu’Elinor a grandi au cœur de ces légendes : des feu-follets qui « nous guident vers notre destin », à l’histoire des quatre frères qui devaient être « les piliers de cette terre ». Malgré quelques réticences sur les traditions : « J’ai moi-même eu quelques réserves quand mes parents m’ont fiancée », la reine a compris que la paix et la sérénité de son peuple impliquaient de faire des sacrifices. Et en tant qu’héritière de ces légendes, son destin est de montrer l’exemple, suivre cette voie de discipline et transmettre son savoir à sa fille.
A l’instar d’Elinor, Merida a grandi avec ces légendes. Elle sait que c’est important, mais elle voit la chose d’un autre œil : pourquoi regarder en arrière alors qu’il y a tant de choses à voir en avant ? Mérida est plus rebelle que sa mère, plus revêche et envieuse de liberté. Elle souhaite dépasser ses limites, voler toujours plus haut, toujours plus loin, comme lorsqu’elle a réussi à gravir la Montagne Pointue ou à boire la source aux Chutes de Feu ! Elle souhaite découvrir de nouvelles expériences et non se ployer aux exigences du passé.
Mais enfermée dans l’étau de ses obligations de princesse et acculée par les traditions ancestrales de sa famille, Mérida se frustre et se charge comme une cocotte-minute. Plus on la retient, plus elle aspire au renouveau et au changement immédiat de son statut : « Je ne me marierai jamais ! »
Elle est ainsi dans une transition évolutive de mœurs. L’une des premières à vouloir changer son destin, comparée au reste de sa famille qui n’a fait que le suivre aveuglément.
Et c’est là que ça coince. Elinor et Mérida interprètent deux avis complètement extrêmes de la destinée, et cette opposition amène à poser cette question : Peut-on changer son destin ? Ou mieux… peut-on le contrôler ?
Je suis une Rebelle
Déjà, on peut être sûr d’une chose : Mérida est têtue ! Et tant qu’elle n’obtient pas ce qu’elle souhaite (donc changer son destin), elle cherchera à y parvenir par n’importe quel moyen. D’abord par des moyens légaux puis… pas du tout légaux.
Pourquoi légaux ? Car il n’est pas idiot de prendre au mot les bonnes vieilles traditions pour prouver qu’elles méritent d’être reconsidérées. Mérida use ainsi de cette stratégie pour empêcher son mariage ! Elle décide de jouer de la persévérance et de la diplomatie… pour prétendre à sa propre main lors du tournoi de tir à l’arc et le remporter.
Mais essayez de pointer du doigt une morale que vous jugez « néfaste » devant une communauté qui juge cette morale « dans l’ordre des choses ». Vous verrez rapidement que la critique a une faible chance d’être acceptée. Et ici, l’acte de la princesse entraîne surtout une déclaration de guerre de clans et une dispute avec sa mère qu’elle n’aurait jamais crue possible.
Mérida : « Vous n’êtes jamais là pour moi ! Ce fameux mariage, c’est ce que vous souhaitez. Vous demandez-vous ce que moi je souhaite ? Non ! Vous passez votre temps à me dire ce que je dois faire ou ne pas faire…Vous tenez absolument à ce que je sois comme vous ! Et bien je vous le dis, je ne serais jamais comme vous ! »
Elinor : « Tu te comportes comme une enfant »
Mérida : « Et vous ! Vous un monstre ! Voilà ce que vous êtes ! »
Elinor : « Mérida ! »
Mérida : « Je ne serai jamais comme vous. Plutôt mourir que de vivre comme vous ! »
Quand on arrive à cours de mot et qu’on se laisse happer par nos émotions les plus fortes,… on laisse parler notre corps à la place de notre tête pour exprimer notre idée !
D’abord, Mérida déchire la toile de sa mère avec son épée : la toile représente les liens de la famille, les traditions et l’unité des clans ; toutes les valeurs qui importent à Elinor. Mais dans cet élan de colère, elle fait croire qu’elle ne veut pas faire partie de ces valeurs et donc briser les liens familiaux. Alors qu’en vérité, Mérida veut juste avoir la liberté de déterminer son avenir.
Puis Elinor brûle l’arc de sa fille dans la cheminée : l’arc représente la liberté de Mérida, son émancipation et sa détermination. En brulant un objet aussi précieux pour sa fille, Elinor prétend qu’elle ne veut pas la laisser libre de ses actes, quitte à la priver de sa liberté. Alors qu’en fait… elle souhaite seulement la protéger.
Les cœurs sont au bord des lèvres. L’issue pousse alors la princesse à s’enfuir, voyant que toute communication est peine perdue. Alors, son destin va l’amener à utiliser un autre moyen qui n’est donc… pas du tout légal : la magie.
L’appel de la magie
Selon notre bon ami le Robert, la définition du destin est une « Puissance qui réglerait le cours des choses à venir « .
Si on part de ce principe, on pourrait admettre que c’est aussi la définition de la magie dans ce film : elle est une puissance qui règle le cours des choses. Mais sans en définir la nature.
La magie ici est donc, à l’instar du destin, une notion presque omniprésente. Elle est partout, tangible en tant que passé, présent et futur. Mais dans le film Rebelle, la magie intervient surtout sous la forme d’une petite sorcière qui n’arrive pas à la hauteur de buste d’un Sully.
Ridée, rieuse, mystérieuse, le visage habillé d’un duvet de moustache et de verrue poilue sur le nez, la bienveillante Sorcière de la forêt apparaît aux yeux de Mérida comme une nouvelle chance d’obtenir gain de cause. Mais cette fois-ci il n’est plus question de mariage ; il est question de destin, et elle souhaite radicalement le changer. C’est là que le rôle de la Sorcière prend tout son sens.
La Sorcière n’est pas là pour résoudre le problème de Mérida, mais pour lui faire prendre conscience que ce que l’on souhaite n’est pas forcément ce que l’on obtient. Elle est ainsi, à l’instar du destin, neutre et puissante.
Neutre puisque toute intervention implique une conséquence : La Sorcière sait pertinemment que la magie, seule, ne doit pas être utilisée pour exaucer les vœux. Il faut savoir aussi y mettre un peu du sien pour changer son destin et en garder plus ou moins le contrôle.
Puissante car… une vieille femme au caractère bien trempé qui semble errer entre le temps et l’espace juste en claquant les doigts… Eh bien, ça prouve que le destin n’est pas un pouvoir à prendre à la légère.
Preuve en est que Mor’du a perdu le contrôle de son vœu, en laissant la Sorcière le transformer pour lui. Après tout, il souhaitait avoir la « force de dix hommes », mais il n’avait pas cherché à savoir comment il allait obtenir cette force. Résultat, il a laissé la magie changer son destin pour lui, et elle l’a transformé en ours. Rongé par des sentiments féroces qui le dépassaient, il n’a jamais pu reprendre le contrôle de lui-même et s’est laissé corrompre par son propre vœu.
Et force est de constater que Mérida tend à suivre le même chemin : elle veut obliger sa mère à changer d’avis. Par acte de pur égoïsme, la princesse s’engage alors dans un chemin de facilité qui a pour but de changer son destin, … mais en forçant les choses. Et encore ! Est-ce que c’était réellement nécessaire… quand on sait qu’Elinor avait changé d’avis ?
La puce à l’oreille
Beaucoup pourront insinuer le contraire mais il est très fortement probable qu’Elinor ait eu une révélation au moment de la dispute et de la disparition de Mérida. Trois éléments le font clairement transparaître dans le film.
Le premier indice vient au moment où Elinor brûle l’arc de Mérida par un excès de vengeance et de colère, la reine éprouve aussi une profonde culpabilité qui transparaît sur son visage et dans sa voix. Après tout, Elinor est une femme qui accorde beaucoup d’importance aux événements passés et aux traditions.
L’arc de Mérida était un cadeau certes dangereux, mais il lui a été offert pendant un moment important de son enfance (et qui, comme par hasard, est l’introduction du film…). Confisquer son arc était une chose. Mais détruire un pan de son passé dans les flammes prouve qu’Elinor n’avait pas conscience de son geste à ce moment-là et qu’inconsciemment, elle avait contrôlé Mérida. Et elle se rend compte du poids des responsabilités qu’elle a voulu lui transmettre.
Indice suivant : voir sa fille fuguer toute une journée pour revenir dans la cuisine de son château, avec ses vêtements débraillés et un poil ébouriffée, ça laisse à réfléchir. L’inquiétude d’Elinor n’est pas feinte, au point même qu’elle a eu peur de la perdre définitivement : « j’ai cru que je ne te reverrais jamais ». Elinor aime sa fille ; et même si elles ne sont pas d’accord, l’amour peut toujours permettre de trouver des compromis.
De fait, un mariage vaut-il vraiment la peine de se mettre en danger ? C’est peut-être pour cette raison qu’elle rappelle aussitôt à sa fille qu’une décision doit être prise concernant le mariage. Car peut-être avait-elle déjà changé d’avis… non ?
Et en troisième et dernier indice : même si Elinor a été changée en ourse, la reine a su comprendre et voir que sa fille était plus débrouillarde et intelligente qu’elle ne le pensait. Trois jours à vivre ensemble ont conforté Elinor dans sa décision d’accepter que chaque personne avait le droit de suivre son propre destin ; ce qu’elle exprime notamment au travers de Mérida via ce monologue :
Mérida: « Ma mère, la Reine, pense du fond du cœur que chacun est libre d’écrire sa propre histoire. De suivre son cœur et de trouver l’amour le moment venu. La Reine et moi remettons la décision entre vos mains. Ne pensez-vous pas qu’aujourd’hui les jeunes devraient pouvoir choisir eux-mêmes leur bien-aimé ? »
Une chose est sûre, Mérida tient d’Elinor. Et même si la reine la comprend, elle n’ose la laisser libre de ses réflexions. Et sa peur est explicable puisque, à une époque, un homme a causé du tort par milliers, pour le simple orgueil d’avoir fait fi des valeurs traditionalistes. C’est pour cette raison qu’Elinor a essayé d’élever Merida dans le respect du passé, tout en la surprotégeant.
Mais peut-être était-ce trop. Peut-être qu’elle aurait pu faire les choses différemment : comme lui expliquer les erreurs du passé, mais en la laissant libre de choisir comment elle en prendrait leçon. Et ce sont toutes ces petites hypothèses qui lui font comprendre que ce qui manquait entre elles, c’était le simple fait de communiquer de cœur à cœur.
Au fond, Elinor était prête à trouver une solution pour sa fille. Mérida avait compris qu’il ne fallait pas avoir peur du passé, mais s’en inspirer pour changer l’avenir. Mais avec un tel manque de communication entre elles, il a bien fallu que le destin s’en mêle…
Et notamment sous la forme de feux follets !
Les esprits de la forêt
Par définition, ces petites créatures farceuses perdent les aventuriers en les suivant en forêt. Dans les premières minutes du film, ils apparaissent rapidement pour se présenter en tant que guide du destin et non en tant qu’êtres facétieux. Ils sont là pour raconter une histoire, qui a été vécue ou qui pourrait être vécue si on décide de les suivre… ou pas.
Et si on analyse la situation, on pourrait penser qu’ils connaissaient déjà le destin de Mérida, au moment où ils sont apparus lorsqu’elle était petite. Sans qu’elle n’ait pu le comprendre à son âge, les feux follets lui donnaient un avertissement sur son avenir. Ils se découvrent à elle ; ils la baladent un instant, puis ils la ramènent inéluctablement… là où elle se trouvait à la base : près de sa famille.
Ce détail, on le retrouve trois fois dans le film :
- La première fois : quand Mérida est perdue au cœur de la forêt, elle est complètement dévastée par la dispute avec sa mère. Les feux follets arrivent alors pour la guider là où elle pourrait sûrement changer son destin : la maison de la Sorcière.
- La seconde fois : quand Mérida découvre le secret de Mor’du.
- La troisième fois : alors que Mérida essaye de recoudre la toile d’Elinor, les feux follets apparaissent devant la jeune fille pour l’aider à retrouver sa mère.
Ils avaient anticipé ses actions, comme s’ils avaient déjà été confrontés à ce genre de phénomène. Et c’est là qu’une valeur plus spécifique fait son apparition : la valeur du destin par rapport au temps.
La force du destin
Tout au long du film Rebelle, une notion plus abstraite est mise en avant… la redondance du destin. Le fait que le destin de chacun puisse être scellé pourrait démontrer qu’une fois qu’on décide de le changer, celui-ci est irrémédiable. Cette notion de temps est assez bien expliquée en faisant l’amalgame entre le destin de Mor’du et celui de Mérida : les deux ont voulu changer leur destin par orgueil. Ce qui amène à cette phrase murmurée par la Sorcière : « Destin pour changer, renoue les liens, répare le mal causé par l’orgueil. »
Que signifie cette phrase ? Eh bien, elle explique que le destin n’est pas forcément irrémédiable, si on comprend pourquoi on veut le changer. En tout cas, pourquoi cela a impliqué de le changer : l’orgueil est dû à une mauvaise compréhension de sa famille par exemple ? Le fait de ne pas se sentir compris ou même accepté ?
Peut-être que Mor’du et Mérida se ressemblent beaucoup au final. Ils se sont rebellés par orgueil, pour des raisons certes différentes mais avec le même ressentiment. Est-ce que le destin de Mor’du a scellé le destin de Mérida pour autant ? Non. Car en sachant l’histoire de Mor’du, en comprenant pourquoi et comment il s’est transformé en ours, Mérida a trouvé le moyen de sauver sa mère… mais aussi de renouer les liens avec elle. Donc son destin n’est pas scellé et elle l’a changé.
Ainsi, le passé est important, mais il faut savoir faire la part des choses : le prendre en compte, pour mieux anticiper son avenir. Au travers de toutes les symboliques cachées du film, un lien se tisse doucement pour former une idée fixe : être rebelle n’implique pas forcément d’être à l’encontre des principes du passé.
Être rebelle implique juste de vouloir affirmer un libre arbitre sur son propre destin. Mais parfois, le vil destin tente de nous ramener vers l’endroit d’où nous étions partis, ou de nous montrer un destin similaire (traduit en une simple histoire pour enfant), pour nous aider à comprendre pourquoi on veut le changer. A partir de là, le destin devient une leçon primordiale : saurons-nous changer le nôtre différemment en prenant exemple des valeurs du passé ? Ou allons-nous les répéter ?
Ou tout simplement, est-ce qu’une troisième solution est envisageable ? Et comme le dit si bien Mérida :
« Certains disent que le destin est une chose qui ne se commande pas. Que nous n’avons pas d’emprise sur lui. Mais moi j’ai une certitude : notre destin fait partie de nous. Il suffit d’être assez courageux et rebelle pour s’en rendre compte. »
Alors un jour, quand vous aurez envie de changer votre destin, cherchez à savoir pourquoi vous le faites, et si vous êtes sûr de vos choix, n’hésitez pas à le changer avec toute votre conviction.
Bref ! Soyez rebelle.
Article de Colombe Bretin