Silly Symphonies : des courts-métrages œuvres d’art à part entière

Publié par Séverine Jacquard le 5 septembre 2020 | Maj le 5 septembre 2020

Si on vous dit que les Silly Symphonies ont été aux années 1930 ce que les Short Circuit sont aux années 2010, cela vous dit-il quelque chose ? En effet, comme vous le savez sans doute, les 14 longs-métrages de la série Short Circuit, disponibles sur la plateforme Disney+, sont une véritable aire de jeu pour les animateurs en herbe des studios Disney. Et c’est peu ou prou le rôle qu’ont joué les 75 Silly Symphonies des studios Disney dans les années 30, même s’il serait réducteur de limiter leur influence à un simple lieu d’expérimentation, tant la qualité de certains d’entre eux en font de véritables œuvres d’art.

Ouverture des Silly Symphonies

Une part importante dans l’histoire du film d’animation

L’un des Silly Symphonies les plus célèbres : les Trois Petits Cochons.

Revenons un peu en arrière dans l’histoire du cinéma d’animation pour comprendre l’importance de ces courts-métrages à l’échelle de l’entreprise Disney et du mondeL’évolution fulgurante du film d’animation, qui est presque exclusivement du fait de Walt Disney, a eu lieu en seulement une quinzaine d’années. C’est le temps qu’il fallut à Walt et ses animateurs pour passer des essais balbutiants des Laugh-O-gram au succès de Blanche Neige et les Sept Nains, qui propulsa le film d’animation au rang d’art à part entière. Entre ces deux dates, il y eut bien sûr les courts-métrages mettant en scène le célèbre Mickey Mouse, mais aussi les fameuses Silly Symphonies qui, comme nous allons le voir, ont permis aux artistes des studios Disney de parfaire leur maîtrise de l’animation et de la narration, pour aboutir aux longs-métrages d’animations que nous chérissons tous aujourd’hui. C’est parti pour un retour en arrière, dans le fabuleux univers des Symphonies folâtres

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Des débuts éclipsés par une certaine souris…

Mickey dans Steamboat-Willie

Mickey dans Steamboat-Willie.

A l’instar du célèbre chef d’orchestre Leopold Stokowski, qui donna vie au film Fantasia, c’est à un autre musicien, certes moins connu mais non moins important dans l’histoire des studios, que l’on doit l’idée des Silly Symphonies. Carl Stalling est alors le compositeur attitré de Walt Disney. Il a en effet composé la musique de plusieurs Laugh-O-gram ainsi que celles des premiers cartoons de Mickey Mouse à savoir Plane Crazy ou encore Gallopin’ gaucho. Après plusieurs discussions avec Walt, les deux hommes décident de mettre au point une série qui allierait la musique et l’animation avec l’envie d’animer, non pas des gags, comme c’est alors le cas dans les Mickey de l’époque, mais bien des impressions ou des idées.

Si le titre de Silly Symphonies est soufflé par Walt Disney en personne, c’est Carl Stalling qui évoque le thème du tout premier épisode de la série, à savoir une danse macabre, dans laquelle des squelettes sortent de leur sommeil pour s’adonner à une petite danse et donner un peu de vie à un cimetière endormi, tout cela sur une musique macabre, composée par Stalling. Ce tout premier Silly Symphonie sera réalisé en seulement six semaines en grande partie par le génial Ub Iwerks, juste après la sortie et le succès de Steamboat Willie dans les salles. Mais si Mickey Mouse et ses amis font alors l’unanimité, en particulier auprès de leur distributeur officiel, Pat Powers, il n’en est pas de même pour ce premier court-métrage que le producteur trouve trop lugubre, et manquant de potentiel du fait de l’absence de la star aux grandes oreilles. Mais Walt, lui, croit fermement au succès de cette série, et il va se battre pour faire diffuser dignement son court-métrage.

C’est ainsi que 4 mois après sa création, en juin 1929, la Danse Macabre est enfin présentée au public, en première partie d’un autre film, au Carthay Circle Theatre de Los Angeles. Le succès est alors au rendez-vous : c’est la naissance d’une série qui se composera de 75 épisodes et qui, même s’ils ne bénéficient pas de la postérité des cartoons de Mickey Mouse, est véritablement le début des longs-métrages d’animation que nous connaissons aujourd’hui.

Les Silly Symphonies : un véritable espace d’expérimentation

Silly Symphonies

Des arbres et des fleurs, une véritable innovation technique.

Malgré la qualité indéniable de ces courts-métrages, il est malheureux de constater que beaucoup d’entre eux sont restés enfouis durant des décennies, avant de ressortir en DVD dans les années 2000. Il s’agit pourtant de véritables terrains d’expérimentation pour les animateurs Disney qui ont, pour beaucoup, contribué au succès des premiers longs métrages de la firme, tels que Blanche Neige et les sept nains, Pinocchio ou encore Dumbo.

En effet, certains d’entre eux sont célèbres pour avoir introduit des techniques nouvelles dans le cinéma d’animation. On peut citer l’exemple du célèbre Des arbres et des fleurs qui introduisit la couleur pour la première fois dans un court-métrage animé, et ce dès 1932. De même, Le vieux moulin, l’un des chefs-d’œuvre de la série, permit d’expérimenter l’utilisation de la caméra multiplane, utilisée à satiété dans les longs-métrages d’animation qui suivirent, afin de donner une impression de profondeur et de relief entre le décor et les personnages.

Mais en plus de permettre des innovations techniques en terme d’animation, les Silly Symphonies furent aussi l’occasion pour Walt et ses animateurs de parfaire leur sens de la narration et d’exprimer à merveille des émotions, ce qui, jusqu’alors, n’était réservé qu’au cinéma « traditionnel ». Dans Mélodie égyptiennes, un court-métrage de 1931, les animateurs firent le choix de faire entrer le spectateur dans une chambre funéraire en utilisant le point de vue d’un personnage bien particulier : une araignée. Cette façon subjective d’aborder un dessin-animé n’était pas sans présager l’esthétique de ce que serait plus tard les jeux-vidéos, comme l’évoque Daniel Kothenschulte dans The Walt Disney Film Archives.

De même, si l’on parle des émotions suscitées par ces courts-métrages, il faut bien sûr évoquer à nouveau le génial Le vieux moulin, qui, bien qu’exempt de personnages à proprement parler, donne à voir un bâtiment fragile, usé, battu par les vents et les intempéries, qui malgré tout offre protection et abri à plusieurs sortes d’animaux. Le vieux moulin n’a donc rien à envier aux personnages les plus courageux et émouvants du répertoire Disney. Cette esthétique soignée et cette mise en avant des émotions ne sont pas sans rappeler la ligne conductrice de tous les longs-métrages de la firme. C’est donc en partie grâce aux Silly Symphonies que les studios ont peu à peu développé leurs techniques artistiques, leur sens du détail mais aussi l’esthétique qui leur est propre depuis les tous premiers longs-métrages.

On ne peut vous donner qu’un conseil, si vous ne connaissez pas encore ces chefs-d’œuvres que sont les Silly Symphonies, courez les visionner, car ces courts-métrages sont porteurs de toute l’histoire des studios Disney et des principes qui sont chers au cœur même de Walt Disney : des dessins animés, oui, mais en tant qu’œuvres d’art à part entière.

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1 commentaires sur "Silly Symphonies : des courts-métrages œuvres d’art à part entière"
  1. Valou

    Bravo ! Très bel article ! Surtout ne jamais oublier les merveilles que sont les  » Silly Symphony », tant au point de vue du dessin que de la mise en scène, de la musique et des trouvailles techniques !

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