Dumbo : analyse et critique du classique d’animation Disney

Publié par Colombe le 2 octobre 2018 | Maj le 2 octobre 2018

Silencieux et pourtant si parlant dans ses gestes, Dumbo est un des incontournables classiques des studios Disney qu’il ne faut manquer sous aucun prétexte ! Et en attendant que Tim Burton nous dévoile sa version de l’histoire au détour d’un live-action, profitons de cette occasion pour se pencher à nouveau sur le parcours tumultueux de notre petit pachyderme adoré et de sa production !

Dumbo

On vole vers la critique !

Dumbo : l’éléphant volant !

  • Production : Walt Disney Pictures
  • Titre original : Dumbo
  • Titre français : Dumbo, l’éléphant volant
  • Diffusion française : 24 décembre 1947
  • Diffusion américaine : 23 octobre 1941
  • Réalisateur : Ben Sharpsteen
  • Scénario : Joe Grant et Dick Huemer, Otto Englander, Vernon Stallings
  • Musique: Oliver Wallace et Frank Churchill

Synopsis de Dumbo

C’est le début du printemps ! Et la saison s’annonce grâce à ses cigognes, rapides et intrépides, qui accomplissent dans le plus grand des mystères, l’arrivée des enfants à leurs parents. Voici donc les messagères, les célestes pouponnières qui réjouissent toutes les mamans du monde… à l’exception d’une. Mme Jumbo, éléphante tendre et timide au premier abord, attend impatiemment l’arrivée de son petit qui se fait hélas désirer. Alors en plein voyage dans son petit train forain, une valeureuse cigogne arrive enfin jusqu’à elle, avec son tendre bébé blotti dans un drap. Le bienheureux nommé Dumbo Junior devait être le plus beau bébé du monde et respecté… ce qui n’était pas sans compter ses immenses oreilles qui handicapaient ses mouvements. Et c’est ainsi que commence l’histoire de Dumbo.

Même les corbeaux sont attentifs!

Les origines du film d’animation

Les Studios Disney sont gourmands d’histoires. Et ils n’ont pas hésité à racheter une douzaine de droits d’adaptation entre 1938-1939, après la publication de Blanche Neige et les Sept Nains. Et même si certains projets n’ont vu le jour que plus tard ou ont été relégués directement aux archives oubliées, d’autres ont vu le jour de manière plus spontanée comme l’histoire de Dumbo.

Récit éponyme écrit par Helen Aberson, Dumbo est rapidement publié par la société Roll-a-Book en 1939. D’après Dick Huemer lors d’une interview en 1977 :

« l’histoire aurait été présente sur ou dans un paquet de céréales sous la forme d’un comic strip ».

Il ne faut que peu de temps pour qu’un des membres du studio propose ce conte comme base de scénario et que l’idée remonte aux oreilles de Walt Disney !

C’est ainsi que les droits d’adaptation sont achetés. Et si Walt Disney envisage l’histoire sous la forme d’un petit court-métrage, Huemer et Grant voient définitivement plus grand. Le scénario est fourni chapitre par chapitre, et cela convainc Walt Disney de le produire en long-métrage. Le projet se nomme alors « Dumbo in the Circus » (Dumbo dans le Cirque) et met en avant un éléphant qui trouve la rédemption en apprenant à voler. Bill Peet, alors futur papa scénaristique de plusieurs chefs-d’œuvre Disney passant de Pinocchio à Merlin l’Enchanteur, participe à la réalisation du film en fournissant les gags. Et la troupe de cirque Cole Brothers Circus (cirque toujours actif depuis 1884 !), est même convoquée pour la réalisation de croquis d’artistes en plein exercice.

Qui dit film, dit Budget !

Remontons en 1935 : Blanche Neige et les Sept Nains n’est toujours pas achevé et les Studios Disney ont déjà entamé d’autres productions comme Bambi, Pinocchio, ou bien le film musical Fantasia. Mais pour de telles ambitions, le budget de chacun est largement supérieur aux prévisions. On dépasse les deux millions de dollars de budget chacun pour Pinocchio et Fantasia qui sortent tous les deux en 1940. Et malgré le succès qu’ils ont à ce jour, ces deux longs-métrages n’ont pas eu l’effet escompté à leur époque. Les revenus ne dépassent pas le million de dollars et obligent les studios Disney à produire deux films à moindre coût pour compenser les pertes et financer d’autres projets plus ambitieux.

C’est ainsi que Le Dragon Récalcitrant et Dumbo interviennent. Le premier est un documentaire jouant à la fois sur la prise de vue réelle et l’animation. Et le second met en avant une version du Vilain petit canard. Ce dernier deviendra un long-métrage de 64 minutes, soit l’un des films les plus courts des studios Disney.

Un film court, pour une production courte

Dumbo est réalisé en un an avec seulement six mois de pré-production (alors qu’il faut généralement deux ans). En raison de restrictions budgétaires, le long-métrage comprend des simplifications ou des économies d’animation comme par exemple les ouvriers, les musiciens et les employés du cirque qui n’ont pas de visage.

Et pas d’animation sans musique !

Oliver Wallace et Frank Churchill se mettent à la composition de la bande sonore. Les deux artistes sont reconnus pour avoir travaillé sur les musiques de Mickey Mouse pour le premier et les Silly Symphonies pour le second.

De fait, Wallace a composé Pink Elephants on Parade (La Marche des éléphants) et When I see an Elephant Fly (Voir voler un éléphant). Churchill a, quant à lui, composé Baby Mine (Mon tout Petit) et deux autres chansons principales.

La parade des éléphants

Dumbo : la récompense

Voilà ce que Walt Disney a dit le 23 octobre 1941, jour de la première de Dumbo au Broadway Theater de New York :

« C’est la chose la plus spontanée que nous ayons jamais faite… Cela a commencé avec une petite idée, et alors que nous continuions à travailler dessus et à l’agrémenter, avant de nous en rendre compte, c’était un long-métrage. »

Et cette spontanéité a très bien fonctionné. Pour un coût de production ne dépassant pas les 812 000 dollars, Dumbo devient le meilleur film d’animation Disney du moment. Grant déclare que :

« le film est l’un des meilleurs Disney de tous les temps, ce que confirme la connaissance du personnage par presque tous les enfants du monde occidental. »

Le film rapporte, lors de sa première exploitation, 653 783 dollars.

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Et malgré l’humilité de sa production, Dumbo reçoit de nombreux prix comme l’Oscar en 1942 de la meilleure partition pour un film musical, l’oscar en 1942 de la meilleure chanson originale pour Mon Tout Petit et le grand Prix du dessin animé au festival de Cannes en 1947.

A travers les décennies, les doublages sont améliorés, des disques relatant l’histoire du film sont édités, les voix des acteurs sont réenregistrées. En 1981, Dumbo devient le premier long-métrage d’animation de Disney à sortir en vidéo. Et à cette occasion, un nouveau doublage français a été réalisé et édité en 1984. D’ailleurs, connaissez-vous les doubleurs qui ont prêté leurs voix à cette seconde édition ?

  • Timothée : Roger Carel (la voix de C-3PO, Jiminy Cricket, le chat de Chester dans Alice au Pays des Merveilles ou Winnie L’Ourson, ou encore Astérix …)
  • La Cigogne : Jacques Ferrière (la voix de Zéphyr dans Babar en 1989 ou Monsieur Patate dans Toy Story)
  • Jim Corbeau : Jacques Balutin (la voix de Kay dans Merlin l’enchanteur, Tournevis dans Astérix et Cléopâtre ou Zig-Zag dans Toy Story)

Critique de Dumbo

Pour Jonh Grant, Dumbo est un film « pas cher mais brillant grâce à sa qualité artistique » mais il n’a pas « la richesse de Blanche Neige, Pinocchio ou Bambi ». Simple et pourtant charmant, Dumbo a su surtout toucher les cordes sensibles pour les émotions qu’il partageait, plus que pour sa technique graphique. Mais comme toute critique, il faut savoir se pencher sur tous les aspects de sa production, en commençant par le scénario.

Une histoire sensible et bien rythmée

L’histoire n’a véritablement rien de magique, comparée à ce que l’on connaît de l’univers de Walt Disney. C’est l’aventure d’un petit éléphanteau né difforme, mais avec une volonté d’être heureux avec sa maman et dans le monde où il évolue. Pourtant, il représente des valeurs que l’on connaît bien : l’acceptation de la différence et ne pas avoir peur de nos propres choix. Petit canard transformé en véritable avion vivant, Dumbo incarne toute l’insouciance de l’univers dans un contexte réellement noir.

Par ailleurs, si vous regardez le long-métrage d’un peu plus près et donc le rythme avec lequel s’enchaînent les événements, vous comprendrez alors que Dumbo a été produit à l’instar d’une rédaction de nouvelles avec des règles strictes : la présentation du personnage, l’élément perturbateur que sont les oreilles, la séparation avec sa mère, l’humiliation de l’éléphant et enfin, la chute : sa capacité à voler. C’est court, net, saccadé même. Mais c’est dans ce rythme que l’histoire n’en est que plus appréciée et nous donnerait envie même de le revoir avec plus de lenteur, pour mieux l’apprécier.

Un graphisme épuré pour une animation bâclée

Petit éléphant innocent, Dumbo est le seul personnage véritablement choyé dans son dessin et son animation, comparé aux membres du cirque qui l’entourent. Toujours mis en lumière dans un environnement à l’aquarelle très sombre, Dumbo incarne ainsi la bravoure qui évolue au cœur des obstacles. Le manque de visage des personnages secondaires donne l’effet qu’il se bat en permanence contre ses cauchemars, afin d’aspirer à quelque chose de lumineux. Et pour aider à cette image, le jeu de lumière est relativement flagrant : jusqu’à la séparation de sa mère, Dumbo vivait dans un environnement très éclairé et chaleureux. Une fois livré à lui-même, il parcourt le cirque seulement de nuit et se cache derrière les tentes. Ce n’est qu’une fois qu’il déploie ses ailes … heu… oreilles, que le jour revient pour exprimer sa réussite.

Hélas, la mise en avant de Dumbo n’empêche pas forcément de voir des erreurs d’animation significatives, comme par exemple la scène de la pyramide des éléphants. Monsieur Loyal est au début entouré de huit éléphants, mais seulement sept participent à la pyramide une fois achevée.

et ce ne fut pas sans séquelles …

Une musique omniprésente

Ce qui est très étonnant dans un classique comme Dumbo, c’est la présence constante de la musique aussi bien utile pour accompagner une scène … que pour la bruiter. Du temps des premières animations, il était plus facile de bruiter par l’instrument que par d’autres outils. Ainsi, un violon est capable de ponctuer le mouvement d’une larme qui coule, un long regard qui tourne sur le côté où le sursaut d’un personnage. Cela permet ainsi une meilleure immersion du film et un excellent moyen de donner de la légèreté à certaines scènes dépeignant beaucoup de tristesse comme Dumbo.

Ce qu’on en conclut

Dumbo est un excellent exemple de son temps : on y maîtrise suffisamment l’aquarelle pour faire des scènes expressives et le minimalisme d’un mouvement sonne presque comme une poésie grâce à la musique qui l’accompagne. Dumbo n’est pas réellement qu’un film à voir mais aussi à entendre.

Mais ce procédé se vieillit. On tend aujourd’hui à vouloir de vrais bruitages pour plus de réalisme, ou des scènes plus longues pour une meilleure immersion. C’est donc pour cette raison que Dumbo est un classique Disney qui vieillit mal. La nouvelle génération d’enfants nés après les années 2000 préféreront davantage une animation plus colorée et active désormais. Et à moins de faire une autre version de l’histoire, comme le propose Tim Burton, le film sera de moins en moins apprécié.

Bien sûr, il y a toujours des exceptions et beaucoup reviendront le voir par nostalgie car il y a une innocence sincère dans ces vieux dessins animés d’époque qui nous renvoie très facilement à nos premières jeunesses. Et cela est peut-être dû au fait qu’il n’y a pas de double interprétation possible dans l’histoire.

Une naïveté à toutes épreuves

Analyse de Dumbo

Dumbo est un film plein d’émotions qui suscite l’intérêt commun. Court et significatif, le long-métrage est vrai dans sa morale et ses actions. Et par sa sincérité flagrante, Dumbo n’a pas besoin d’être réellement expliqué. Il est facilement interprétable par les personnages présents. Et si on doit aujourd’hui analyser le film, ce serait dans son contexte historique et la manière dont Dumbo évolue avec Timothée.

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Démarrons d’abord par l’évolution de Dumbo. Le premier point qui met mal à l’aise est son comportement par rapport à l’histoire : il subit les événements sans avoir la moindre emprise sur eux. C’est une cigogne qui l’amène en retard à sa mère, sa mère qui le protège de la turbulence des visiteurs du cirque. Rejeté même par sa propre espèce, c’est une souris défiant toute concurrence qui s’approche de lui pour le protéger.

Et l’on peut noter un premier point, Dumbo, suit toujours le mouvement. Dumbo n’avance jamais seul. Il tend toujours sa petite trombe pour saisir la queue de sa mère ou de son ami Timothée quand il va quelque part. Par ailleurs, il n’émet pas une syllabe de toute l’aventure. Pourquoi ? Parce qu’on a toujours parlé pour lui. Cela ne fait donc qu’amplifier la sensation de subir l’action sans ne rien pouvoir faire. Acculé et à la merci du monde, Dumbo n’a aucune connaissance pour riposter contre ce monde. Et tout cela à cause d’une raison que l’on oublie très souvent.

Malgré ses grandes oreilles, Dumbo est un petit enfant

Il n’a aucune expérience, aucun instinct de survie puisqu’il était choyé dès la naissance par Mme Jumbo. Imaginez-vous alors à son âge loin de vos parents et de toute aide parentale pour vous aider à avancer. Vous vous sentiriez perdu, abandonné. Et la première personne qui vous offre son aide sera celle qui vous rendra heureux.

Dumbo qui suit la cadence

Et c’est là que Timothée intervient ! La souris apparaît tel le héros que Dumbo attendait. Et pourtant c’est un rongeur ! Après tout, on lui a dit que les souris étaient effrayantes pour les éléphants n’est-ce pas ? Timothée le convainc alors de ne pas se laisser porter par l’opinion publique pour se faire sa propre opinion. Et, voyant la détresse de Dumbo, il décide de le prendre sous son aile pour l’aider à retrouver sa joie de vivre.

Mais quand on accepte une telle responsabilité, on prend vite la grosse tête

Rapidement, Timothée voit en Dumbo plus une idole à rentabiliser qu’un enfant à élever. Même si c’est innocemment exprimé dans le long-métrage, les actes de Timothée n’en sont pas moins que des actes d’agents de célébrités ou imprésarios. Il faut veiller sur le petit Dumbo pour qu’il puisse devenir une star et qu’importe ce qu’il fasse pour y arriver.

Timothée comprend la détresse de Dumbo, pour être à son tour mal considéré en tant que souris. S’il se projette dans l’image star de Dumbo, c’est aussi pour avoir plus d’estime pour lui-même et évoluer. Finalement, il fallait prendre l’éducation à contre-sens. Au lieu de forcer Dumbo à cacher ses oreilles comme un défaut, il devait les mettre en avant et les utiliser comme une qualité. Et quand Timothée comprend cette méthode, il aidera alors Dumbo à déployer ses … oreilles pour un très grand spectacle.

Une rencontre incongrue

D’ailleurs quand on parle du spectacle …

Cette partie sera la conclusion partielle de cette analyse, corrélée à la critique. Si le film se vieillit aussi mal, c’est aussi parce qu’il engage des faits sociaux et politiques qui ne sont plus de notre actualité aujourd’hui et qui pourraient désormais effrayer nos chères têtes blondes. A ce fait, trois exemples sont distincts. Tout d’abord avec la “Chanson des Manœuvres” où l’on voit clairement des ouvriers sans visage chanter l’attente de leur salaire tout en dressant le chapiteau. Combinez cela à la froideur obscure des images et vous comprendrez nettement la manière dont, à l’époque de Dumbo, la société considérait majoritairement la société noire : comme des esclaves, malgré l’abolition de l’esclavage près d’un siècle auparavant.

Il n’est pas sans ajouter la manière dont l’on traitait les animaux au cirque : sans respect, ni soucis de préserver les âmes sensibles qui, à l’instar des garnements, sont présents pour persécuter le pauvre éléphanteau et voir sa mère maltraitée par les membres du cirque avant de l’enfermer.

Et enfin, parlons un peu des images de Dumbo volant dans les airs, dessiné auprès d’avions de chasses américains. N’est-ce pas de la propagande militaire pour alerter le monde du danger imminent qui engage le pays ? Après tout, nous sommes en 1941. Nous sommes au cœur de la seconde guerre mondiale et même les studios d’animation doivent participer à l’effort de guerre.

Conclusion

Si le film Dumbo est sincère dans sa morale, il l’est hélas aussi dans la réalité où il se passe. Si les dessins animés de nos jours ne montraient ne serait-ce qu’un tiers de ce que montre le film, ils seraient soit interdits à la diffusion, soit censurés ! Et pourtant, le long-métrage reste avant tout un classique qui ne peut être jugé pour cela, pour la bonne et simple raison qu’il représente une fenêtre historique sur le monde tel qu’il était à son époque.

Et finalement, c’est également pour cette raison qu’il est aussi fort en nostalgie, pour les plus émotifs d’entre nous. Au-delà de tout, il y avait une telle innocence et émotivité dans l’imaginaire de l’époque que tout dessin animé produit à ce moment-là était un grain de magie dans un monde parfois bien noir. C’était une autre époque, un autre temps, une autre manière de voir le monde mais qui résume bien l’aventure de Dumbo : l’impossible devient possible, à la manière des rêves de Walt Disney qu’il réalisait en dessins animés, pour animer le cœur des gens à n’importe quel moment.

Une histoire … qui finit bien!

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