Star Wars – Le Réveil de la Force : effets spéciaux

Publié par Florian Mihu le 16 janvier 2016 | Maj le 4 juin 2017

Alors que le film a battu depuis sa sortie, le 16 décembre 2015, tous les records, se plaçant comme 3ème hit le plus rentable de l’histoire avec plus d’un milliard et 750 millions de dollars de recettes internationales en janvier 2016, Star Wars – Le Réveil de la Force est avant tout une nouvelle prouesse d’Industrial Light & Magic, Base FX, Blind, Halon Entertainment et autres firmes ayant participé à l’élaboration de ses effets visuels. Nommé par ailleurs dans la catégorie éponyme pour les Oscars 2016, le film de J.J. Abrams est sans conteste une véritable quintessence esthétique. Les équipes de Lucasfilm Ltd. n’ont certes pas offert un scénario parfait en tout point mais ont très certainement soigné et dosé savamment, plus que jamais dans l’histoire de la saga, les scènes d’action, les cascades, les courses-poursuites, les batailles spatiales… Lucasfilm Ltd. a dévoilé à ce sujet un long montage vidéo comparatif révélant une partie de cet impressionnant chantier des effets spéciaux, qu’ils soient numériques ou simples trucages physiques et mécaniques. Il faut dire que le mot d’ordre « nostalgie » fait plus que jamais figure de proue marketing dans cet aspect technique du film tant l’utilisation de marionnettes, d’Audio-Animatronics, de décors naturels, de vaisseaux et décors en « dur » mais aussi l’utilisation de la pellicule, l’intervention de figures mythiques de la création de la saga (Kasdan, Williams…), un scénario fait par et pour des fans… ont été rabâchés dans l’astucieux plan de communication de Disney durant ces dernières années.

Les effets spéciaux de Star Wars Le Réveil de la Force

La vidéo avant-après ci-dessus nous montre à quel point les effets spéciaux, aussi minimes soient-ils, sont primordiaux pour la renaissance d’un mythe à l’écran. Du simple fond vert à l’animation de droïdes quand ils ne sont pas physiques en passant par la numérisation du masque de Kylo Ren, la capture de mouvements de Lupita Nyong’o (Maz Kanata) et Andy Serkis (Suprême Leader Snoke) ou évidemment l’espace intergalactique infini, tous ces prodiges technologiques sont ainsi résumés dans cette compilation démontrant à quel point Lucasfilm Ltd. domine depuis 40 ans le secteur des effets spéciaux sur la planète Hollywood.

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Des effets spéciaux réalisés par ILM

Le Réveil de la Force était sans nul doute le ticket gagnant pour que la filiale ILM, créée par George Lucas, prospère dans le giron de Disney. En effet, certains se souviendront du rachat dans les années 1990 d’une autre société d’effets visuels, Dreamquest, qui a fini par mettre la clef sous la porte quelques temps plus tard, de quoi inquiéter le personnel d’ILM. Mais la meilleure équipe spécialisée en effets spéciaux au monde a su démontrer son potentiel expansif dans ce septième opus.

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On dénombre en effet pas moins de 2100 plans à effets visuels dans le film (dont 1200 directement gérés par ILM, les autres étant répartis entre différents prestataires dont une unité spéciale montée en interne au sein de la société de production de J.J. Abrams, Bad Robot) sur un total de 2500 plans : sans doute le projet le plus lourd de l’histoire d’ILM. Si la prélogie comportait un nombre comparable d’effets, les équipes d’ILM disposaient de bien plus de temps pour parvenir au résultat escompté. C’est donc un double mérite pour les équipes actuellement en place.

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Pour ce vaste chantier, l’ensemble des satellites de la firme placés aux quatre coins du globe n’a pas été de trop pour donner vie à ce monde intergalactique. Les sites de San Francisco, Londres, Singapour et Vancouver ont mobilisé en tout et pour tout 700 employés. Partenaire de longue date de J.J. Abrams, Roger Guyett s’est vu confier la tâche de coordonner toute cette partie du film. On lui doit notamment les effets visuels des films Casper, Twister, Cœur de Dragon, Mars Attacks!, Il Faut Sauver le Soldat Ryan, Sweet November, Harry Potter à l’Ecole des Sorciers, Prisonniers du Temps, Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban, Amityville, Rent, Mission Impossible III, Star Trek, Cowboy et Envahisseurs, Star Trek : Into Darkness

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De son côté, John Knoll, superviseur des effets spéciaux de Super 8 pour J.J. Abrams mais aussi et surtout de l’ensemble de la prélogie Star Wars, de la trilogie Star Wars « modernisée », de la saga Pirates des Caraïbes, d’Avatar, Mission to Mars, Willow, L’Empire du Soleil, Hook ou La Revanche du Capitaine Crochet, Mission Impossible, A La Poursuite d’Octobre Rouge, Hugo Cabret ou encore Harry Potter et le Prince de Sang Mêlé, continue sa formidable collaboration chez ILM en décrochant les effets spéciaux de Rogue One – A Star Wars Story prévu en décembre 2016.

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Un double challenge s’est dessiné au fur et à mesure de la pré-production du blockbuster le plus attendu de l’année 2015. Réaliser un environnement au plus proche de la réalité tangible, que ce soit les paysages, les structures abritées, les vaisseaux… Mais tout ceci devait dans le même temps s’inscrire dans une continuité visuelle directe avec la trilogie originale sacralisée par Disney. L’esprit très bricoleur, imparfait et chaleureux des trois premiers opus de la saga lancée en 1977 était donc de rigueur. Or, la tâche n’était pour le moins pas si aisée quand on sait que ce pari stylistique devait s’appuyer sur des techniques aujourd’hui quadragénaires et qui n’ont pas baigné dans l’ère numérique que l’on connaît.

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Ce goût artistique pour le retour aux sources et l’hommage au savoir-faire des premières équipes de George Lucas s’est d’abord traduit par plusieurs choix techniques majeurs. Le bagou des années 1970-80, véritable fer de lance commercial pour séduire plusieurs générations de Fans en 2015, au détriment de l’évolution assumée et visionnaire de l’oeuvre artistique de George Lucas, a d’abord été retranscrit dans la photographie du film. Certes orchestrée par un proche de J.J. Abrams, Daniel Mindel, elle n’en reste pas moins fidèle (à quelques séquences près) à la patte lucasienne. Filmer sur pellicule s’est alors révélé naturel, contrairement aux deux derniers opus sortis dans la saga, Star Wars : La Guerre des Clones et Star Wars : La Revanche des Sith, modèles ultimes du passage d’Hollywood au numérique. J.J. Abrams, féru de 35 mm, s’en est ainsi donné à cœur joie pour un rendu final plus chaleureux, texturé et pur de l’image. Kodak a ainsi fourni une pellicule de type ‘Color Negative 5129’ pour les besoins du film.

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On notera par ailleurs que le cinéaste, qui a déjà fait renaître la franchise Star Trek, est même allé jusqu’à faire créer des objectifs spécifiques à la société Panavision. Là encore, l’idée étant d’utiliser l’artificialité technologique pour répondre aux attentes photographiques « rétro » du film. A ceci près que la technologie des années 2010 dote ces mêmes objectifs « old school » d’une précision focale sans précédent. Les défauts comme la déformation des bords de l’image et autres artefacts optiques ont donc été contrôlés soigneusement. Daniel Mindel a subdivisé son champ d’action dans le film : un premier jeu d’objectifs a été utilisé spécifiquement pour apporter de la suavité et de la chaleur aux séquences se rapportant aux personnages de la Résistance ; un second jeu d’objectifs confère au Premier Ordre une température d’image très basse.

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Au-delà des images tournées au format 35 mm, les séquences spécifiquement prévues pour la configuration IMAX ont été produites sur une bande 70 mm grâce à des lentilles spéciales, qui devaient servir à Christopher Nolan lors de la production de The Dark Knight : Le Chevalier Noir.

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Ce n’est pas tout. Le choix judicieux (et légèrement plus onéreux) et le réel pari d’investissement des Walt Disney Studios étaient de proposer à l’image un ultra-réalisme unique en son genre, un réel foisonnant et imposant qui contre-balancerait avec la tendance actuelle de l’industrie cinématographique américaine. Ainsi, Star Wars – Le Réveil de la Force pourrait s’enorgueillir simplement par son image de sortir du lot. Le résultat est en effet plus que spectaculaire.

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Comme il est de tradition dans la saga, la multiplicité des paysages naturels est de mise dans le septième opus entre le patrimoine précieux de l’île irlandaise Skellig Michael, située au large de la péninsule d’Iveragh, l’hostilité sauvage du volcan Krafa et de son Lac Myvatn en Islande, la verdure authentique de la forêt de Dean en Angleterre, l’architecture singulière de la base militaire de la Royal Air Force à Gama ou encore l’aridité pesante du désert de Rub’al Khali à Abu Dhabi dans les Emirats Arabes Unis.

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Des  sites géographiques extraordinaires !

A ces sites géographiques, qui n’avaient pour la plupart d’entre eux pas besoin de Star Wars pour s’attirer les objectifs, s’ajoutent les décors artificiels construits en studio à Pinewood. Et la palme revient évidemment à tous les vaisseaux construits à l’échelle 1:1, à commencer par le Faucon Millenium. J.J. Abrams déclare à ce sujet : “Je savais qu’il y avait près de 2000 plans à effets visuels dans ce Star Wars 7, des plans avec des éléments créés par ordinateur, c’est-à-dire sans existence tangible. Pour compenser le poids du numérique, il fallait des images ancrées dans la réalité. Lorsque les effets visuels sont intégrés dans un décor réel, ils doivent élever leur niveau de réalisme à ce qui se trouve dans l’image. C’est moins vrai lorsque tout l’environnement est créé par ordinateur. Ça m’a frappé en revoyant la trilogie originale. Quand vous voyez les deux soleils de Tatooine se coucher devant Luke, vous savez que c’est un effet visuel, mais la magie fonctionne parce que c’est un vrai être humain face à un vrai paysage sous un vrai ciel. Votre esprit reconnaît la réalité de l’image et accepte plus facilement la présence du deuxième soleil. C’est aussi pour ça qu’on accepte si aisément les paysages glacés de Hoth ou la forêt de la lune d’Endor – parce que l’environnement est réel, tangible. C’est ce sentiment de réalité que je voulais retrouver dans Star Wars : Le Réveil de la Force.”

Tel est le credo de la troisième trilogie de la saga intergalactique.

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Le décor en « dur » qui a le monopole de l’Episode VII a impliqué des dispositifs inédits sur le plateau britannique. Ainsi, les plans du cockpit du Faucon Millenium ont requis de l’ingéniosité et de la simplicité. Le décor a été placé en extérieur aux studios de Pinewood. Baigné par la lumière naturelle inégalable dans un studio confiné, même avec les meilleurs ingénieurs lumière, le décor a été monté sur un axe motorisé afin de reproduire sensiblement les manœuvres de l’appareil, que ce soit en voyage spatial ou en rase-mottes. La lumière n’en est que plus réaliste.

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les premiers amours de Lucasfilm Ltd

Dans ce même élan de réalisme absolu, les équipes de production ont souhaité renouer avec les premiers amours de Lucasfilm Ltd., les marionnettes et Audio-Animatroniques qui ont fait la renommée de la société durant des décennies. Comme le public a pu le constater à plusieurs reprises, comme par exemple lors de la vidéo promotionnelle de l’opération « Star Wars: Force For Change » au profit de l’UNICEF, qui permettait à quelques personnes de pouvoir figurer au casting de figurants du film, l’héritage de Steven Spielberg et George Lucas, pionniers du genre, a été honoré.

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Non seulement les extra-terrestres, plus difformes les uns que les autres, ont bénéficié de cette technologie aujourd’hui à la pointe, mais également certains aliens anthropomorphes. Il faut ainsi signaler le formidable travail des maquilleurs, prothésistes et perruquiers du film. Enfin, les emblématiques droïdes de la saga n’ont jamais été aussi perfectionnés. Le petit nouveau de la bande, BB-8, fil rouge de la première partie du film (comme C-3PO et R2-D2 le furent pour Star Wars : Un Nouvel Espoir) aura eu droit à plusieurs exemplaires électro-mécaniques (avec toutes les fonctionnalités de mouvement à 360 degrés, de lumières, de sons et de sensibilités que cela comporte), mécaniques et pour certaines séquences spécifiques à un double numérique.

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“La beauté de notre époque en matière de cinéma, c’est qu’on a énormément d’outils à notre disposition”, précise à ce propos Abrams. “Mais le fait que ces outils soient nouveaux ne signifie pas obligatoirement qu’ils soient bons ou adéquats. Il y a eu beaucoup de situations sur ce tournage où l’on a compris qu’il fallait qu’on reste « vieille école ». Le film comporte évidemment beaucoup d’animation 3D, mais il était important que les choses qu’on montre aient l’air réelles, qu’il y ait une authenticité auprès du public. Qu’on ait l’impression que toutes ces aventures se déroulent véritablement devant nos yeux. Faire en sorte, par exemple, que l’espace ressemble bien à l’espace, que la lumière extérieure soit bien celle du soleil. Si l’on peut tourner dans un vrai endroit plutôt que de filmer sur fond vert, c’est toujours mieux. Ce que j’adore avec la première trilogie Star Wars, c’est que tout a l’air vrai, et surtout usé. On a l’impression que cet univers existe et qu’il est vraiment utilisé par les personnages qui le peuplent.”

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Ces effets réalistes sont complétés très souvent d’effets visuels.

A l’image des animateurs apparaissant sur les rushs puis effacés grâce aux logiciels graphiques en post-production, le petit robot BB-8, qui accompagne le périple initiatique de Rey, a été mis en mouvement par un marionnettiste grâce à deux tiges, l’une fixée sur sa tête, l’autre sur son tronc sphérique. Les nombreuses interactions du droïde avec les personnages humains du film deviennent alors des scènes d’une beauté et d’une poésie incomparables. Mais la véritable prouesse du film est la création d’un véritable robot en plusieurs exemplaires pour les besoins d’une partie des séquences. Pour ce faire, Disney, via ses laboratoires Disney Research, a découvert le fonctionnement d’un robot déjà réalisé par une entreprise du nom d’Orbotix et a décidé de l’utiliser, avec quelques transformations, pour en faire son nouveau droïde. Quelques semaines après avoir visité Orbotix, Bob Iger, patron de la firme aux grandes oreilles, obtenait sa version du robot, c’est-à-dire BB-8. Le modèle a ainsi été repensé par Disney en partenariat avec la société Sphero, puis créé de toutes pièces par Neal Scanlan Studio, du nom de son fondateur, artiste et spécialiste des Audio-Animatroniques de cinéma. Le robot n’avait plus qu’à être exploité directement sur le plateau avec les acteurs.

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Comme mentionné plus haut, certaines scènes ont néanmoins nécessité l’apport de l’animation numérique, comme lorsque le robot évoluait sur des terrains escarpés, impossibles à franchir par la forme de ce dernier, ou des plans où le droïde devait se déplacer rapidement.

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Dans ce même esprit, la société de production spécialisée Tippett Studio a été mise à contribution pour imaginer l’une des nombreuses séquences d’hommage à l’héritage de la première trilogie, la partie d’échecs spatiaux du Faucon Millenium, l’Holochess. Reproduite par animation en stop-motion, elle témoigne de cette direction artistique assumée de la production. Or, il a fallu recréer à l’identique les différentes créatures holographiques à partir des originales, qui ont subi les détériorations du temps en décennies. Refaçonnées à partir des pièces originales modélisées par ordinateur, elles ont été fabriquées en silicone puis, hommage poussé à son paroxysme, ont été mises en scène en stop-motion, dans la suite de la partie d’Holochess débutée en 1977 dans la scène culte opposant Chewbacca et les droïdes C-3PO et R2-D2.

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Une autre prouesse et non des moindres du film est le rendu final des sabres laser. Objets sacralisé par le public, dans l’inconscient collectif culturel, ils définissent à eux seuls la saga Star Wars et le côté lumineux ou obscur de la Force. J.J. Abrams, adepte dans sa filmographie de l’effet de « lens flare », était attendu au tournant avec cette arme Jedi. La même philosophie de style ultra-réaliste a ainsi prévalu pour la conception des sabres du (Le) Réveil de la Force. Le système basique, pérenne et perfectionné depuis 1977 est l’ajout sur une lame inerte manipulée par les comédiens d’un faisceau lumineux animé en post-production. Il y a néanmoins un défaut visuel majeur qui n’a jamais heurté la sensibilité du public et qui, au contraire, a donné ses lettres de noblesse aux scènes mythiques de combat au sabre laser, le fait que les armes factices n’émettent pas de lumière sur leur environnement immédiat, réduisant conséquemment la propagation crédible du halo lumineux autour de l’arme.

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Les travaux en post-production n’ont jamais réellement convaincu les fans les plus experts. C’est désormais chose révolue avec Star Wars – Le Réveil de la Force. Les lames utilisées émettaient en effet de la lumière. “Elles étaient tellement brillantes qu’elles éclairaient le costume et le visage des acteurs,” se félicitait Abrams. “Et surtout, on a remarqué qu’elles se reflétaient dans les yeux des personnages ! Ça, on ne l’avait jamais vu jusqu’alors. C’était une amélioration merveilleuse du concept original.” Lors de la phase de post-production du film, les équipes d’Industrial Light & Magic ont retravaillé le rendu des sabres laser en les recouvrant d’un effet tri-dimensionnel exceptionnel, tout en restant dans une continuité traditionnelle.

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Mais ancrer un faux réalisme dans une saga légendaire sortie de l’imaginaire de scénaristes ne se limite pas à la photographie, les lieux de tournage, la décoration, la robotique, l’esthétique et les accessoires. L’espace infini et tous les objets volants et les planètes qui y apparaissent restent la mission principale d’Industrial Light & Magic pour obtenir une réalité tangible. Des choix d’opération et de montage bien précis ont été retenus par Abrams, qui a exigé que les plans virtuels réalisés par ILM ne devaient jamais être ce qu’une équipe de tournage réelle ne pouvait produire en réalité. Ce découpage réaliste imposait ainsi une ligne conductrice très stricte pour la filiale d’effets spéciaux.

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C’est un travail de longue haleine auquel ont été confronté les équipes du film, comme le mentionnait dans un entretien J.J. Abrams : « Si le vaisseau avait été réel, où aurions-nous mis la caméra et comment l’aurions-nous déplacée ? ». Les yeux les plus observateurs constateront que les plans emphatiques à 360 degrés ou à vitesse surréaliste par rapport au contenu présenté à l’écran n’ont pas été utilisés. Ces plans « à l’esbroufe » n’ont pas leur place dans Le Réveil de la Force : « Dans ces plans, même s’il ne sait pas pourquoi, le spectateur sent que ce qu’il voit n’est pas possible. On part donc avec un handicap, et on ajoute là-dessus une action, des engins ou des personnages complètement fantastiques… Comment voulez-vous être crédible dans de telles conditions ? »

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Un travail de précision significatif sur la géométrie des volumes et les perspectives est également appréciable. Jamais les modèles produits par ILM n’ont fourni autant de détails. Les modélistes n’ont pas boudé leur plaisir, qu’il s’agisse de faire renaître le Faucon Millenium, les X-Wings, les TIE-Fighters ou le nouveau vaisseau Star Destroyer du Premier Ordre, le Finalizer, gigantesque cité spatiale de guerre. Dave Fogler, superviseur de modèles digitaux, qui a longtemps travaillé sur les maquettes, notamment pour la prélogie, a remis le couvert avec ce septième volet, en s’assurant néanmoins que les modèles créés par le département « modeling » d’ILM reproduisent à la perfection les maquettes miniatures de la première trilogie, imaginée notamment par le visionnaire Robert Blalack. Là encore, c’est un investissement artistique exceptionnel pour ILM, qui permet à J.J. Abrams de servir la cause de Disney, créer une passerelle visuelle et scénaristique à la symbolique nostalgique de la première trilogie.

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Toujours dans le domaine des vaisseaux, la capture des environnements réels s’est révélée être un défi délicat. En effet, il est admis que toutes les scènes du film reposent sur un travail axé soit sur un paysage naturel existant, soit sur un décor réel en studio. Mais dès l’intervention d’un vaisseau en mouvement, la tâche se complexifie tout se suite. Comment rendre aussi réaliste que possible un paysage ou un décor que traverse un vaisseau à plusieurs centaines de kilomètres par heure ? La reconstitution en images de synthèse s’impose alors face à la prise de vue réelle. On peut relever par exemple la célèbre course-poursuite du Faucon Millenium et des deux chasseurs TIE dans les plaines désertiques de Jakku. Dans ce cas, compte-tenu de la vitesse des engins mise en jeu, du rythme de la scène et de la distance parcourue, tout devait être créé par numérisation. Ainsi, cette scène apparaît comme une séquence intégralement animée par ordinateur, du grain de sable aux épaves de l’Empire en passant par le ciel ou la lumière. Le rendu final dépasse tout entendement dans ce domaine.

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Le niveau d’exigence a été placé un cran au-dessus pour ce type de défi, la peur du rendu 3D trop artificiel planant tout le long de la création de la scène en question. Il fallait coûte que coûte que ces plans virtuels affichent une continuité naturelle avec les plans réels des Emirats Arabes Unis. Pour ce faire, les équipes mobiles d’ILM se sont attachées à photographier, filmer en HD ainsi qu’en stéréoscopie, scanner sous tous les angles et analyser précisément tous les recoins de chaque site de tournage. A partir de cette mine d’informations, les techniciens modélistes ont reconstruit le réel dans le domaine du virtuel sur une base informative des plus solides.

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Pour recréer cette course-poursuite toujours plus haletante à chaque visionnage du film, l’ensemble du parcours des vaisseaux a été filmé d’un point de vue aérien en hélicoptère à l’aide d’une caméra HD. Dans le même temps, chaque parcelle du terrain était photographiée mètre par mètre en HDRi. On comptabilise pour cette unique scène des dizaines de térabytes de données ainsi que près de 20 heures de vidéos. Un puzzle supra-complexe a réorganisé chaque photo prise en conditions réelles afin de reconstruire cette zone désertique en représentation tridimensionnelle. L’exigence a été poussée au point de comparer chaque rendu final 3D à son image réelle, que ce soit les formes évidemment mais aussi les ombres, le reflet de la lumière sur les dunes, le mouvement du sable au gré du vent, etc. Ce processus a servi de méthodologie générale pour l’ensemble des décors naturels qui, au besoin du scénario, ont du être recréés par modélisation numérique. Leur intégration bluffante dans le reste des plans du film frôle la perfection visuelle tant le discernement entre réel et virtuel est impossible à faire, même pour les observateurs les plus aguerris.

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Les ingénieurs de la filiale londonienne ILM’s R&D ont également développé pour l’occasion un tout nouveau moteur informatique de simulation dynamique. Ce nouvel outil de rendu 3D ultra-réaliste a permis de recréer artificiellement de nombreux effets physiques tels que les explosions, les éboulements de terrain, les destructions d’édifices, le dégagement de fumée, le voile atmosphérique, les ondes de choc, les impacts sur tout type de terrain, etc. Là encore, le principe restait le même. L’équipe d’ILM’s R&D est restée au plus près de la réalité en reproduisant virtuellement par exemple les vraies explosions pyrotechniques déclenchées sur le tournage, toujours dans le but précis de proposer au spectateur une cohérence visuelle exceptionnelle tout au long du film.

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Ce logiciel a été d’une grande utilité par ailleurs pour concevoir l’implosion spectaculaire de la base Starkiller, nouvelle arme de destruction massive intergalactique du film. Enfin, ce moteur a servi également aux deux scènes majeures d’action faisant intervenir le Faucon Millenium, l’une dans le sable, l’autre dans la neige et la forêt.

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S’il est un domaine où George Lucas a toujours excellé, c’est bien l’animation de personnages en images de synthèse. La prélogie, quoi qu’on en pense, est pour son époque l’oeuvre ultime et incontestée de l’aboutissement d’Industrial Light & Magic dans ce secteur. Les personnages animés en 3D à l’écran tels que Jar Jar Binks en 1999 (Star Wars : La Menace Fantôme), les Kaminoans en 2002 (Star Wars : La Guerre des Clones) ou Yoda sur l’ensemble de la prélogie, pour ne citer qu’eux, sont des petites révolutions des effets spéciaux jamais vues auparavant. Star Wars : Le Réveil de la Force comporte un lot réduit (pour le plaisir d’une large partie des Fans) de personnages totalement animés par ordinateur. Le premier personnage virtuel est la pirate de l’espace Maz Kanata, interprétée par motion capture et doublée par Lupita Nyong’o, sorte de nouvelle incarnation de Yoda, sans la Force qui va avec. Le second, à un degré moindre puisqu’il n’apparaît dans l’Episode VII que sous forme holographique, est le chef suprême Snoke, enfilant la veste du remplaçant de l’Empereur Palpatine et se plaçant par ailleurs comme mentor de Kylo Ren. Ce dernier est également incarné via la technique de motion capture par Andy Serkis, un génie en la matière : Gollum dans les trilogies Le Seigneur des Anneaux et Le Hobbit, King Kong dans le film éponyme, le capitaine Haddock dans Les Aventures de Tintin : Le Secret de La Licorne, César dans la franchise rebootée La Planète des Singes, Baloo dans son film Jungle Book: Origins.

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Là encore, Industrial Light & Magic a souhaité placer la barre encore plus haut qu’auparavant dans cette technique de capture optique de mouvement. Et la capture faciale a connu quelques innovations de taille pour ce film. Une unité de recherche internationale de Disney Research a pour l’occasion collaboré avec les équipes d’ILM pour proposer un tout nouveau logiciel d’analyse faciale. C’est là tout l’enjeu du comité directeur de The Walt Disney Company de jouer la carte de la synergie interne et de tirer les meilleurs potentiels de chacun de ses secteurs. ILM profite ainsi des percées technologiques des laboratoires de Disney Research. Mais ce n’est pas tout : la filiale de Lucasfilm Ltd. s’est également associée à la société de production d’Andy Serkis et Jonathan Cavendish The Imaginarium Studios, spécialisée dans la performance capture, ses procédés techniques et artistiques et la formation d’acteurs spécifiques dans ce domaine pour le petit comme le grand écran. Disney n’en est pas à sa première collaboration avec Andy Serkis, qui a signé avec sa société toute la partie de performance capture d’Avengers : L’Ère d’Ultron. La reproduction animée des deux grands personnages que sont Maz et Snoke a été préparée en amont au sein de ce studio londonien, puis tournée par les équipes de Ben Morris pour ILM et enfin retravaillée par celles de Mike Mulholland.

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Mais, et c’est tout l’enjeu de ces défis, ces personnages ne présentent pas des traits humains. Le travail a consisté alors à transposer minutieusement les expressions et mouvements faciaux de Lupita Nyong’o sur la morphologie de la protagoniste qu’elle incarne. Après plusieurs essais non concluants, le département ILM’s R&D a pu parvenir à restituer au plus près les mimiques et les mouvements, aussi infimes soient-ils, du visage de l’actrice. En s’aidant d’un nouveau logiciel permettant de transposer le réel en animation 3D, l’équipe en charge du projet a beaucoup plus de souplesse à manipuler les fameux points-clefs recouvrant le visage de l’actrice. Une fois le « targeting » effectué, le résultat a été retouché en « key-frame » à partir de l’image originale, ceci afin de peaufiner les moindres détails de l’animation. Le résultat est plus qu’impressionnant. Le personnage de Maz Kanata apparaît, certes, très peu à l’écran, tant par la précision de son animation que par les couleurs, les lumières et les textures qui la composent. A cela s’ajoute le formidable investissement de Lupita Nyong’o qui par une performance à la fois sobre et complexe, a su nuancer admirablement la psychologie du personnage.

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Andy Serkis alias Snoke

Quant à Andy Serkis, son cas s’est avéré légèrement différent en attendant l’Episode VIII. En effet, le personnage de l’interprète de Gollum n’a pas à se déplacer mais la performance faciale requise devait elle aussi être de haute volée. Plusieurs phases de tournage ont eu lieu entre les studios de l’acteur et ceux d’ILM. La difficulté du rendu final était amoindrie dans son cas car Snoke n’est qu’un hologramme dans le septième opus. Et pourtant, elle devait préfigurer ce à quoi ressemblerait le personnage en chair et en os pour l’Episode VIII. Il a donc fallu redoubler de vigilance sur l’esthétique imposée pour le personnage afin de ne pas contraster le rendu holographique de l’Episode VII avec celui que l’on présume comme de chair et d’os pour l’Episode VIII et/ou IX.

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Enfin, désormais indissociable de n’importe quel type de blockbuster à Hollywood, le relief 3D rencontre pour la première fois en même temps que sa sortie en salles un film de la saga Star Wars (La Menace Fantôme a été proposé sous ce format en 2012). Star Wars reste, on l’a vu, la franchise à la pointe du perfectionnement technologique par excellence. On aurait pu s’attendre à des améliorations notoires du côté de la projection tridimensionnelle en salles. Après son avènement en 2009 grâce, entre autres, à James Cameron et son Avatar bluffant d’immersion, la 3D n’a jamais cessé d’évoluer au gré des envies commerciales de chaque maison de production et des directions artistiques de chaque film. Pertinente pour quelques rares films, elle n’a jamais réellement fait loi au sein de la filmographie disneyenne. Si quelques œuvres comme Là-Haut, Tron : L’Héritage, Le Monde Fantastique d’Oz et, à moindre mesure, certains films signés des Marvel Studios comme Ant-Man, se sont distinguées par une excellente 3D native ou pas, l’expérience 3D se doit de rester quelque chose d’exclusif et non gadget comme la plupart des studios ont tendance à faire aujourd’hui. Il est tellement plus simple d’ajouter ce format en post-production sur du matériel 2D, non seulement pour des raisons pécuniaires non négligeables, un tournage complet en 3D étant très onéreux et le bénéfice financier à en tirer n’étant pas si mirobolant au final, mais également parce que le genre « 3D » est devenu une marque de fabrique incontournable pour tout blockbuster qui se respecte, qu’il en est besoin ou pas d’ailleurs. Les quelques millions de dollars de plus à en tirer auront raison de la vision artistique.

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Star Wars – Le Réveil de la Force ne déroge pas à la règle du gadget 3D. Certes, le film est totalement immersif mais la 3D n’offre aucune plus-value. Le film de J.J. Abrams a été tourné, on le sait, sur pellicule et/ou sur support numérique à partir de caméras 2D, puis converti en post-production en 3D. Par ailleurs, son réalisateur n’a jamais caché son aversion pour cet effet. Il nuancera son propos au cours de la production du film au vu de certaines séquences particulièrement spectaculaires et d’une perspective savoureuse. Mais l’expérience, aussi merveilleuse soit-elle en salles, ne se limite qu’à quelques rares séquences. Cela n’a pas rebuté pour autant le public pour ce format, en témoignent les chiffres records du film.

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Par ailleurs, le film s’est dévoilé sous trois formats IMAX différents. La première version est l’IMAX-3D numérique, la deuxième, l’IMAX HD 70 mm, et la troisième en IMAX digital, dit de projection laser, bien plus performant et rare, et pouvant diffuser une largeur maximale de 70 mm et une définition 4K. L’utilisation des caméras IMAX a été très modeste sur le film, se limitant à une séquence partielle. Il n’y a donc aucun réel intérêt à apprécier le film sous ce format. Dans la logique de stratégie commerciale voulue par Disney, c’est d’ailleurs une sage décision d’avoir limité le tournage en IMAX ou en 3D. Les Fans n’attendaient tout d’abord pas ça en priorité. Contrairement à Avatar, dont les enjeux se basaient en partie dessus, Le Réveil de la Force se veut populaire par son contenu et son thème, peu importe le format de sa projection. Le but était d’attirer le maximum de public dans les salles en leur permettant de le découvrir le plus près de chez lui, à un coût raisonnable. L’IMAX et la 3D restent au final onéreux et peu démocratisés pour le premier. Il est à noter que les Marvel Studios passent la vitesse supérieure avec ce format, à l’inverse de Lucasfilm Ltd. Une nouvelle caméra IMAX 2D digitale baptisée Arri 65 (65 mm) a été spécialement conçue en 2014 par ARRI Rental Group pour filmer 15 minutes de Captain America : Civil War, après quelques essais fructueux sur Mission Impossible : Rogue Nation. Cette technologie sera également utilisée pour quelques séquences de Rogue One – A Star Wars Story et Divergente 3 : Au-Delà du Mur, prévus en 2016. Enfin, les Marvel Studios ont également annoncé que cette technologie couvrira l’ensemble du tournage du dytique Avengers : Infinity War, premier film de l’histoire intégralement tourné avec des caméras Imax/Arri 2D digitales.

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Star Wars n’est plus un succès ni un mythe culturel. Il est passé au rang de raz-de-marée commercial comme aucune autre franchise ne l’a fait dans l’Histoire du cinéma. L’une des clefs de ce succès, véritable cas d’école de la maison de Mickey, qui se frotte les gants seulement après la sortie du premier des 5 films officialisés, c’est ce retour aux sources dans l’innovation. Le défi narratif a été de taille quand il a fallu en un film réunir à la fois les premiers fans, toutes les générations passées, séduire de nouvelles strates du public, entamer la construction d’une nouvelle trilogie en intégrant un nouvel arc scénaristique, tout en préservant des acquis pour mieux faire épanouir la suite des événements et la transmission d’un mythe. L’ambiance de la première trilogie prévaut, le savant mélange de rythme soutenu cher à la prélogie de Lucas et d’apaisement de la première trilogie ont imposé des choix artistiques très intelligents. Le savoir-faire des années 80 se mêle ici habilement avec l’innovation toujours plus grandissante d’ILM. Le tout offre une immersion palpable, spectaculaire et dépaysante comme jamais. On peut dès lors se demander légitimement si les prochains films de la saga seront du même acabit visuel, tant la barre a été placée haut.

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