Quand on prend un raccourci dans le temps, il faut savoir tenir compte de tous les paramètres pour éviter paradoxes et failles temporelles qui nuiraient à la réalité. Notamment quand on souhaite adapter un livre au cinéma ! Écrit en 1962 par l’étonnante auteure Madeleine L’Engle, « Un Raccourci dans le Temps » divise encore les foules que ce soit pour le récit, la manière dont il est écrit ou le message qui s’en dégage. Par ailleurs, est-ce que le film Disney reste fidèle au livre ? Découvrez notre retour sur le livre et l’impact sur son adaptation au cinéma qui n’a pas fait le succès de ce début d’année !
Avant le livre, son origine
Madeleine L’Engle est née à New-York en 1918. Son enfance a été plutôt tranquille jusqu’à l’obtention de son diplôme de littérature. Passionnée de théâtre, elle interprète des petits rôles à Broadway et rencontre l’homme de sa vie, avec qui elle se marie en 1946. Ce n’est que dix ans plus tard qu’elle a l’idée du livre « Un Raccourci dans le Temps », notamment après s’être enrichie des travaux de grands physiciens de son époque. Malgré le soutien de sa famille et de ses amis, beaucoup de maisons d’édition lui ferment la porte : le livre sous les termes de Hal Vursel :
« Défie les classifications au point qu’il pourrait s’agir de science-fiction, d’une fable ou d’une parabole ».
Mais avec de la persévérance, le livre devient rapidement populaire. Critiqué sous tous les angles, on lui reproche d’être hérétique ou d’être une représentation trop extrémiste de la religion chrétienne. On lui accuse même le manque total de vocation de ses personnages. De fait, le livre a toujours été contesté et parfois banni des bibliothèques. Pourtant, « Un Raccourci dans le Temps » arrive à toucher profondément les lecteurs pour son « ouverture à l’imagination individuelle et aux thèmes larges qu’il initie ».
Et aujourd’hui, à l’instar du livre, son adaptation au cinéma fait parler d’elle pour les mêmes raisons.
Au fait ! Le saviez-vous ? Le livre a déjà été adapté en téléfilm en 2003 sous le nom français « Les Aventuriers des mondes fantastiques » ! C’est un téléfilm réalisé par John Kent Harrison et qui a reçu le Saturne Award en 2005 de la meilleure édition DVD d’un programme télévisé.
Entre le livre et le film Un Raccourci dans le Temps
Vraisemblablement, le film reste fidèle au livre sur deux points essentiels. On retrouve la même description des personnages qui ont un caractère souvent impulsif et naïf. Il en est de même pour le déroulement de l’histoire… à quelques exceptions près !
Les trois sorcières
Parlons un peu de la présentation des trois dames aidant Meg, Calvin et Charles-Wallace dans leurs aventures. Outre le fait que Mrs. Qui est égale à elle-même dans le livre et le film, la présentation de ses deux consœurs est totalement différente dans le livre ! Mrs. Quidam par exemple ne se matérialise jamais. Elle est d’une certaine manière bloquée entre la deuxième et la troisième dimension et donne l’impression d’un reflet tremblant avec une voix en écho perpétuel.
Mais le changement le plus flagrant se découvre avec Mrs. Quiproquo. Reprenons au moment où elle emmène les trois enfants découvrir la Chose Noire dans le ciel d’Uriel. Nul ne saura pourquoi, mais la transformation de Mrs. Quiproquo a été complètement modifiée ! Dans le livre, la sorcière se transforme sous les traits d’un centaure au dos ailé. Elle possède d’ailleurs une histoire plus profonde que celle mentionnée dans le film : Mrs. Quiproquo a déjà combattu la Chose Noire, au prix même d’avoir sacrifié sa « vie » d’étoile pour cela. De fait, son introduction au film est assez maladroite : d’une guerrière martyre, on passe sur une jeune effrontée qui a été choisie seulement pour ses talents de transformation et ce, sans avoir la moindre histoire à raconter pour aider les enfants dans leur quête.
Par ailleurs dans le livre, le choix d’aller sur Camazotz n’est pas celui des enfants mais des trois sorcières ! Ils sont même un peu apeurés d’être laissés pour compte sur cette obscure planète…
Les Ixchels et le chapitre tronqué
Oui, un chapitre du livre n’est pas mentionné dans le film ! C’est peut-être le seul chapitre où l’on mentionne totalement une nouvelle planète mais qui finalement, n’était pas forcément nécessaire au besoin du film. Pour résumer la situation, reprenons la scène dans laquelle le père de Meg emmène sa fille et Calvin en dehors de Camazotz pour les sauver du « CA ». Dans le livre, Meg ne résiste pas à la compraction de son père et se rend avec lui sur une nouvelle planète nommée Ixchel, où les habitants leur viennent en aide. Les trois sorcières interviennent alors pour guider Meg à un choix inévitable : elle est la seule à pouvoir sauver Charles-Wallace et part volontairement sur Camazotz pour le retrouver. Dans le film, Meg n’a pas eu besoin de cette aide ; elle « comprend » rapidement la situation par elle-même et décide de ne pas suivre son père pour se plonger dans le « CA » et chercher son frère.
Finalement, ce choix est un gain de temps compréhensible : le chapitre aurait ralenti considérablement l’action du film et aurait brisé le mouvement crescendo des actions qui se succèdent.
Et Meg dans tout ça ?
Le troisième point positif de cette comparaison ! Dans l’ensemble, son rôle est très similaire au livre : Meg est « passive » parce qu’elle se considère comme telle. Et elle est fixée sur un simple objectif : retrouver son père pour se décharger de toutes les responsabilités de la vie qui ne sont pas de son âge. Après tout, elle en a le droit, c’est une enfant. Pourtant, elle comprend rapidement que certaines choses doivent être faites par soi-même si on veut qu’elles avancent. Et même son père ne peut rien changer par rapport à cela, ce qui lui fait ressentir de nombreux sentiments : la trahison, la déception, la colère, le désespoir et enfin l’acceptation. Meg ne veut pas prendre ses responsabilités parce qu’elle a peur d’elle-même en réalité. Mais passée sa peur de s’assumer, Meg accepte ses défauts comme ses qualités et comprend que son amour et le risque qu’elle prend pour sauver Charles-Wallace permettra de vaincre le « CA ».
Ce qu’on en conclut !
Globalement, le livre est à prendre comme il est : un voyage initiatique plein d’aventures. C’est une histoire qui évolue en fonction de la manière dont on grandit et c’est ce qui en fait toute son originalité. C’est peut-être pour cela qu’il n’a pas autant plu au cinéma français, contrairement au cinéma américain. Même si le livre reste contesté et critiqué, il reste important aux yeux de la culture américaine à tel point que le roman est étudié dans leurs écoles. Après tout, il n’est pas facile de produire un film de science-fiction à la manière d’une fable fantastique ! Et pourtant, la prouesse a été relevée avec finesse. Le film Disney est respectueux du livre à plusieurs détails près et reste aussi innocent et naïf que l’écriture farfelue de Madeleine L’Engle.
D’un avis certain, le livre restera encore un mystère pour les lecteurs : une « anomalie » qui défie toutes les catégories de genre. Et c’est aussi pour cela qu’il sera toujours aussi lu et aimé. Les personnages sont héroïques à cause de leurs défauts et non malgré leurs défauts. C’est une manière subtile d’aider les enfants à répondre à certaines questions et leur prouver qu’ils sont aussi capables d’accomplir quelque chose !