A la (re)découverte des Alice Comedies

Publié par Séverine Jacquard le 7 octobre 2020 | Maj le 7 octobre 2020

Bien avant que Belle ne découvre le château enchanté de la Bête, bien avant qu’Ariel ne parte découvrir le monde des humains, et même avant que Blanche Neige ne trouve refuge chez les sept nains, une petite fille méconnue du grand public avait elle-aussi découvert un univers enchanté derrière la caméra de Walt Disney. Cette jeune fille est en réalité la première héroïne féminine du génie de l’animation, qui permit de fonder ce qui est aujourd’hui la Walt Disney Company. Répondant au nom d’Alice, elle va vivre des aventures rocambolesques dans un univers décalé et toonesque. Mais contrairement à son homologue blonde issue du même studio, qui vit elle-aussi de drôles d’aventures dans un pays imaginaire appelé Le Pays des Merveilles, la Alice que nous allons vous présenter maintenant n’est pas un personnage animé, mais bien un être de chair et de sang. Alors comment une petite fille, et qui plus est une petite fille bien réelle, a t-elle pu donner le coup d’envoi de la carrière du maître de l’animation en personne ? On vous en dit plus sur les Alice Comedies.

Visuel d’un film de la série Alice Comedies

Des débuts plutôt chaotiques pour la jeune héroïne

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Affiche des Alices Comedies

Eh oui, le monde a tendance à l’oublier, mais le succès n’a pas toujours été au rendez-vous dans la carrière de Walt Disney, et on peut même dire que se premières incursions dans le milieu du cinéma ont été pour le moins laborieuses. Il a d’abord tenté de monter une société de films publicitaires avec son acolyte, Ub Iwerks, mais celle-ci n’obtint jamais le succès escompté.

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Malgré tout, Disney et Iwerks se sont remis en selle et ont créé en 1923 la compagnie Laugh-O-Grams FilmsForte de la persévérance des deux hommes, et surtout grâce à l’ingéniosité et au talent d’Ub Iwerks, la société parvient à proposer des courts-métrages animés d’une qualité certaine pour l’époque. Ils parviennent ainsi à monter une série de six films, réunis sous le nom Laugh-O-Grams. Il s’agit essentiellement de réadaptations modernes de contes de fées, un thème que Walt utilisera ensuite à satiété lorsqu’il fondera finalement son célèbre studio d’animation. Mais suite au paiement non honoré d’un distributeur, la société fait de nouveau faillite.

Walt ne se laisse cependant pas abattre, il poursuit ses ambitions en investissant jusqu’à ses derniers deniers pour réaliser un film intitulé Alice’s Wonderland. Bien que l’idée lui soit venue des frères Fleisher, qui avaient eu l’idée d’introduire des personnages animés dans des décors bien réels, Walt et Ub Iwerks vont innover en introduisant quant à eux un acteur de chair et de sang dans un décor animé. C’est ainsi qu’ils embauchèrent une petite fille, Virginia Davis, pour jouer le rôle d’Alice. Convaincu de tenir quelque chose, Walt fait le tour des investisseurs avec ce qui se veut le pilote d’une future série ayant la petite Alice comme héroïne. Mais rien n’y fait, personne ne semble intéressé par le court-métrage.

La ruée vers l’Ouest

Walt Disney va alors prendre une décision très importante pour sa vie et sa carrière : il va quitter Kansas City pour s’installer à Los Angeles, boudant par la même occasion la ville de New York, qui est alors le centre névralgique du monde de l’animation. Une fois arrivé à Hollywood, Disney va chercher à se faire embaucher dans plusieurs studios de cinéma, sans succès. Il décide alors de reprendre son tour des investisseurs, dans le but de vendre le pilote de sa série. Et finalement, son enthousiasme va  porter ses fruits, puisque le court-métrage d’Alice va être repéré par une célèbre distributrice de New-York, Margaret Winkler. Pour signer ce contrat, Walt s’engage à tourner la série avec la jeune actrice Virginia Davis, qui vit encore à Kansas City avec sa famille. Il les convainc donc de venir s’installer en Californie, exploit qu’il renouvellera d’ailleurs en réussissant à convaincre son ami, Iwerks, de le rejoindre sur place pour poursuivre cette aventure ensemble. Petit à petit, la série trouva son public et fut renouvelée à plusieurs reprises, avec cependant plusieurs changements de comédienne, pour finalement arrivé à un total de 52 épisodes.

Analyse de la série Alice Comedies

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La jeune Alice, interprétée par Margie Gay, au pays des dessins animés

On peut considérer que la série Alice Comedies s’est découpée au fil du temps en plusieurs types d’épisodes, variant selon la période mais aussi selon la personne derrière les séquences animées de la série. En effet, les épisodes de 1924 commencent tous de la même façon, avec une longue séquence en prises de vue réelles où la jeune Virginia Davis introduit ainsi les passages animés dans lesquels elle vivra des aventures rocambolesques et invraisemblables. Elle finira par revenir à la réalité, soit en se réveillant soit en étant rappelée à l’ordre par le public. Cette approche sera finalement abandonnée avec l’évolution de la série, se focalisant davantage sur les aventures de la jeune Alice au pays des dessins-animés. Il est d’ailleurs assez amusant de constater que cette héroïne ne ressemble en rien aux princesses qui peupleront par la suite les productions de Walt Disney. Même si certaines sont devenues fortes et indépendantes, elles demeurent souvent douces et gracieuses, contrairement à la jeune Alice qui n’hésite pas à se salir, à déchirer ses vêtements, voir même à fumer le cigare. D’ailleurs, malgré sa petite taille et son jeune âge, cette demoiselle ne recule pas lorsqu’il s’agit de se battre ou même de se servir de pistolets. Les séquences animées restent quant à elles assez proches des gags que l’on peut voir à l’époque, notamment dans la célèbre série de Félix le Chat. Bien que très bien menées, ces séquences restent souvent calquées sur des modèles d’autres studios et n’ont rien de très original.

Cela va changer avec le retour de Ub Iwerks à la tête de ces gags animés. Il est, pour Walt, le meilleur des animateurs et son influence dans cette série va apporter une nette évolution : l’animation va gagner en fluidité et en dynamisme, l’humour sera souvent beaucoup plus présent et savoureux, sans oublier la « patte » de ce maître de l’animation, qui se délecte à rendre vivant n’importe quel objet, comme il le fera de l’échelle de pompier dans le superbe Alice chef des pompiers. Avec lui aux commandes, la série va remporter un franc succès, qui sera renouvelée avec deux autres de ses créations animés, qui ne seront nuls autres que Oswald et bien entendu notre cher Mickey Mouse.

Redécouvrir les Alice Comedies, c’est véritablement se replonger dans l’histoire du studio d’animation le plus célèbre au monde. Cela permet également de se rappeler que le vrai talent de Walt Disney ne résidait pas dans ses talents d’animateur, mais bien dans sa capacité à s’entourer des meilleurs, et à raconter des histoires. Avec Disney pour imaginer les scénarios et Iwerk pour donner vie à ce monde animé, le succès était forcément au rendez-vous, comme il le sera par la suite dans beaucoup de productions initiées par ces deux génies de l’animation.

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