Daisy Duck : portrait d’une cane en quête de place

Publié par Camille Esteve le 16 août 2022 | Maj le 16 août 2022

Elle fait partie intégrante de la célèbre et joyeuse « Bande à Mickey ». Et pourtant, elle est peut-être celle qui est la moins mise en avant, devancée par l’indétrônable Mickey, la douce Minnie, le caractériel Donald et l’hilarant Dingo. A l’instar de Minnie Mouse, Daisy Duck a dû s’émanciper du rôle de simple pendant féminin, pour trouver, bon gré mal gré, sa place et son identité. Voici le portrait d’une cane au caractère bien trempé que nous connaissons… sans la connaître.

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DR

Qui veut épouser mon canard ?

Au commencement, Walt Disney créa Mickey. Or, la souris eut rapidement besoin d’un compagnon de scène, un coéquipier. Pourquoi pas un canard, en costume marin, à la diction singulière et au tempérament grincheux ? C’est ainsi que naquit Donald Duck, en 1934, dans le court-métrage Une Petite Poule avisée. Pendant quelques années, Donald prit plus d’épaisseur et d’importance, avec la création d’une bande-dessinée qui lui fut entièrement dédiée.

Mais à l’instar de Mickey, il fallut trouver à Donald un pendant féminin. Un contrepoint, mais aussi un personnage qui incarnerait ses intrigues amoureuses. Une cane apparaît ainsi pour la première fois en 1937 sous le nom de… Donna Duck ! Dans les chauds décors du Mexique, la bande-dessinée (par la suite adaptée en court-métrage) Don Donald offre au canard anthropomorphique sa toute première histoire d’amour. Et, l’on s’en doute, celle-ci est loin de se passer de manière idyllique.

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Donna Duck, dans Don Donald – DR

Mais qui est cette fameuse Donna ? Pourvue d’une voix similaire à celle de son prétendant, Donna est une cane séductrice, prête à tout pour faire perdre la tête à Donald, mais qui se fâche facilement lorsque celui-ci se moque d’elle. Un tempérament légèrement capricieux et joueur, qui correspond plutôt bien à ce que nous connaissons de Daisy. Si les traits et la morphologie sont également semblables à ceux de Daisy Duck, son look vestimentaire diffère cependant, notamment avec l’absence de l’iconique nœud sur la tête (mais que l’on pourrait éventuellement attribuer au fait que l’action se déroule au Mexique et que Donna revêt des vêtements mexicains).

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Ce qui s’apparenterait à un simple jeu des sept différences donne cependant lieu à une controverse. Certains l’affirment : Donna Duck n’est pas Daisy. Cette dernière n’aurait donc été révélée officiellement au public qu’en 1940, soit six ans après Donald, dans le court-métrage L’Entreprenant M. Duck. Donald se prépare pour son rendez-vous galant avec Daisy, présentée comme sa fiancée.

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L’Entreprenant M. Duck – DR

Là encore, cette dernière use de ses charmes pour faire tourner notre canard préféré en bourrique. Leurs neveux, Riri, Fifi et Loulou sont également bien décidés à redoubler de malice pour conserver l’attention de leur tante pour eux seuls ! Toujours affublée d’une voix identique à celle de Donald (les deux ont été assurées par le doubleur Clarence Nash en version originale), elle prend pour la première fois son prénom et sa tenue caractéristique : gros nœud rose sur la tête, robe colorée, jonc doré au poignet et petits escarpins.

Mais avoir un look ne fait pas tout. Malheureusement pour elle, Daisy se contente pendant plusieurs années de n’être « que » la caution féminine de Donald. Elle ne fait que quelques apparitions en bandes-dessinées ou courts-métrages et reste cette cane inaccessible et capricieuse, voire superficielle, qui peut rendre Donald aussi furieux qu’amoureux en une seconde.

Dans les années 1940, Daisy réapparaît progressivement, ajoutant une nouvelle facette au couple qu’elle forme avec Donald : la jalousie. A l’inverse de Minnie qui se retrouve, généralement malgré elle, courtisée par les rivaux de Mickey, Daisy est une séductrice. Elle arrive même à attiser le désir de Gontran Bonheur, cousin de Donald, majoritairement présent dans les bandes-dessinées. L’on pourrait presque songer à une vision biblique, mettant en opposition une Marie Minnie, douce et chaste, et une Ève Daisy, tempétueuse et enjôleuse.

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Gontran Bonheur et Daisy : « Ohé, Daisy ! – Ignore-le, chérie ! Il vient tout droit de Nulville » – DR

Heureusement, à mesure que les productions animées et dessinées se multiplient, Daisy Duck finit par révéler d’autres traits de personnalité, nettement plus flatteurs. Car si elle aime taquiner Donald – pour ne pas dire « le rendre fou » – elle reste malgré tout prévenante et compatissante. En témoignent quelques courts-métrages, tels que Dodo Donald, où elle le sauve d’une crise de somnambulisme, ou du Dilemme de Donald, où elle l’aide à retrouver la mémoire après une amnésie, tous deux sortis en 1947. Il faudra néanmoins attendre les années 1970 pour que Daisy ait droit à sa carrière en solo.

Une féministe avant l’heure !

Une carrière qui prendra vie sur des planches de bande-dessinée. En 1973, le scénariste italien Guido Martina crée Fantomialde, ou… Super Daisy ! Un an seulement après que le principe de l’égalité salariale entre hommes et femmes soit reconnu en France, Daisy s’impose en figure féministe plus qu’avant-gardiste.

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Fantomialde – DR

Dotée d’une tenue de super-héroïne presque futuriste et équipée de gadgets, elle n’hésite pas à littéralement rabattre le caquet de ceux qui, à l’instar de Picsou, qualifient les femmes d’« êtres inférieurs aux hommes ». Avec plus de 70 histoires recensées, dont 45 publiées en France, Super Daisy met à mal tous les machos et misogynes qui croisent sa route. Elle a d’ailleurs repris son costume en 2008 dans la saga Les Ultrahéros, puis en 2015 dans Le retour de Fantomialde.

Retour progressif à l’écran

Du côté de l’animation, Daisy reprend progressivement sa place dès les années 1980. En 1983, elle incarne Isabelle, malheureuse épouse d’Ebenezer Scrooge dans Le Noël de Mickey. Cette fois-ci, donc, elle n’est pas le grand amour de Donald (qui incarne Maître Fred), mais celui de Balthazar Picsou, qui endosse le rôle principal de cette excellente adaptation d’Un conte de Noël, écrit par Charles Dickens.

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Le Noël de Mickey – DR

En 1996, la jeune cane est sur le devant de la scène dans la série d’animation Couacs en vrac, où elle arbore un look assez moderne et joue le rôle d’une reporter-journaliste aux côtés de Donald et de ses neveux, devenus adolescents. Mais la série, diffusée en une seule saison de 39 épisodes, est loin d’offrir autant de place que la célèbre Bande à Picsou, dont elle est absente, et qui réunit 100 épisodes sur trois saisons entre 1987 et 1990.

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Couacs en Vrac – DR

Depuis les années 1990, Daisy est officiellement intégrée dans l’univers de Mickey et ses amis, avec des apparitions régulières dans des longs-métrages, comme Fantasia 2000, Mickey, il était une fois Noël, Mickey il était deux fois Noël ou Mickey, Donald, Dingo : les Trois Mousquetaires. Mais là encore, son rôle reste en arrière-plan : elle est, au choix, l’amoureuse de Donald ou l’amie de Minnie. Parfois les deux. C’est d’ailleurs à cette période qu’elle prend sa voix définitive, interprétée par Sybille Tureau en VF dès 1997 et par Tress MacNeille dès 1999.

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Mickey, Donald, Dingo : Les Trois Mousquetaires – DR

Néanmoins, elle est également présente dans les séries d’animation populaires des années 2000 : Disney’s tous en boîte, La Maison de Mickey ou Mickey Mania. De manière générale, Daisy est progressivement intégrée dans tous les contenus audiovisuels qui mettent en scène Mickey et ses amis, au point d’avoir même été rajoutée au reboot de La Bande à Picsou en 2020. Pour autant, ses rôles restent limités à ceux de l’amoureuse ou de la bonne copine, parfois peste et capricieuse.

Quelle place dans la généalogie Duck ?

Cette position relativement effacée contribue grandement à un autre mystère qui entoure Daisy Duck : quelle place occupe-t-elle dans l’arbre généalogique – extrêmement grand et complexe – de Donald ?

Tante de trois nièces, Lili, Lulu et Zizi (les contrepoints féminins de Riri, Fifi et Loulou), Daisy serait, selon certains, en dehors de la famille de Donald et ne serait liée à lui que par son statut de fiancée. Mais pour d’autres, Daisy serait la sœur du mari de Della Duck, sœur jumelle de Donald et mère de Riri, Fifi et Loulou. Donald et Daisy seraient donc, à titre individuel, oncle et tante des trois canetons.

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Lili, Lulu et Zizi Duck – DR

Un point qui pourrait peut-être faire l’objet d’éclaircissements dans une œuvre prochaine ? Ce qui est sûr, c’est que les animateurs et scénaristes peuvent encore développer et approfondir le personnage de Daisy, ne le reléguant pas ainsi systématiquement à un contrepoint sentimental ou amical.

Loin de se cantonner à un être superficiel et caractériel, Daisy Duck mérite toute notre attention et, surtout, une place bien à elle dans l’univers Disney.

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