Les personnages Disney évoluent tous avec le temps, que ce soit à travers diverses réinterprétations ou grâce à la vision du public qui change aussi au fil des années. Radio Disney Club propose alors d’analyser l’évolution d’Hadès, dieu des Enfers et antagoniste de Hercule (1997) qui a parcouru bien du chemin depuis sa première apparition.
Les origines d’un méchant Disney haut en couleurs
Si tout le monde connaît Hadès sous les traits d’un dieu au caractère beau parleur, drôle et flamboyant, le personnage n’a pas toujours été imaginé de la sorte. En effet, la première version de Hadès devait être un méchant sombre et sinistre, intimidant et effrayant, avec un design qui se rapproche plus du Diable, à l’instar du Hadès du court-métrage Disney de 1934 « The Goddess of Spring », qui racontait le mythe de Perséphone.
Jack Nicholson était alors envisagé pour doubler le dieu à la flammèche. Lorsque Nicholson décline le rôle pour raisons financières, les réalisateurs de Hercule, Ron Clements et John Musker, ont toujours l’image d’un Hadès sombre en tête. Ils font alors passer un casting à plusieurs acteurs, dont James Wood, qui trouve cette version d’Hadès ennuyeuse et décide de s’amuser avec le rôle en lui donnant une attitude plus proche du vendeur d’assurances tchatcheur que du méchant sinistre. Surprise, Musker et Clements adorent sa performance et le prennent comme doubleur officiel pour ce nouvel Hadès, beaucoup plus drôle, et qui, au final, correspond mieux au ton décalé de Hercule.
Dans Hercule, Hadès rempli donc le rôle de méchant : fatigué de trimer seul aux Enfers, ce royaume sombre et isolé, il souhaite conquérir l’Olympe et se venger ainsi de son frère Zeus et des autres dieux qui l’ont toujours rejeté. Malheureusement, une prophétie le met en garde contre Hercule, nouveau-né de Zeus et Héra, seul être capable de contrecarrer ses plans. Hadès va donc user de sa ruse et de ses qualités d’élocution pour évincer le naïf Hercule. Il est épaulé de deux petits démons, Peine et Panique, et de Mégara, une mortelle qui lui a vendu son âme et qui est maintenant à son service.
La véritable arme de Hadès réside dans les mots, et non dans sa toute-puissance divine ou ses pouvoirs de feu. Malin, intuitif, perspicace et charismatique, il est capable d’embobiner n’importe qui, conformément à l’image collective du Diable dont il est inspiré (bien que le Hadès de la mythologie grecque n’ait rien à voir avec Satan : il se contente de garder les morts). Comme il le dit lui-même : tout le monde a une faiblesse, et Hadès est très doué pour les trouver et les exploiter à son avantage. Il réussit alors à triompher de ses adversaires en leur proposant des contrats alléchants… dont il respecte tout de même les clauses, même lorsqu’elles sont à son désavantage.
L’honnêteté d’Hadès n’est pas son unique « défaut » : il est aussi négligeant (il ne pense pas à vérifier que Peine et Panique ont bien tué Hercule lorsqu’il était bébé), colérique (ce qui le pousse à perdre rapidement patience et donc à parfois être trop impulsif), orgueilleux (il a tendance à sur-estimer sa capacité à marchander, ce qui le poussera à accepter une condition très désavantageuse lors de son pacte avec Hercule), et manque d’empathie (il ne pense pas une seconde que Meg pourrait être capable de se sacrifier pour Hercule, et ce même si elle s’était déjà sacrifiée par le passé pour son ancien petit ami). Son efficacité en temps que méchant et surtout sa motivation à mener son plan à bien sont alors à questionner. C’est un méchant intelligent, inventif et vif d’esprit qui a de bonnes idées, mais qui peine énormément à les concrétiser…
Malgré ses noirs dessins, Hadès n’en reste pas moins un personnage très apprécié par le public, qui a su même prendre le dessus sur le reste du film grâce à son caractère hilarant et à l’excellent travail de doublage de James Wood en VO (qui reprendra le rôle dans toutes ses apparitions) et Dominique Collignon-Maurin en VF (qui a aussi fait la voix de Luke Skywalker, Moustique dans Merlin l’Enchanteur et Léon Bogue dans Monstres et Cie).
Les autres apparitions de la version animée de Hadès
En dépit du succès mitigé d’Hercule, Disney décide tout de même de produire une série animée dérivée du film en 1998 qui raconte la vie au lycée du jeune demi-dieu pendant son entrainement. Il rencontre alors des figures connues de la mythologie grecque comme Icare et Cassandre, et vient même en aide à Aladdin lors d’un épisode cross-over. Impossible alors de faire une série Hercule sans Hadès, étant donné sa popularité. Malgré le fait que Hadès croit Hercule mort dans le film, le dieu des Enfers intervient régulièrement dans la série dans ses tentatives de conquêtes de l’Olympe. Pour avoir plus de Hadès, nous sommes prêts à pardonner cette grosse incohérence…
La série nous en dévoile alors plus sur Hadès, et surtout sur sa relation avec les autres dieux : rejeté car les dieux le trouvent « étrange », (il est vrai que ne serait-ce que physiquement, il dénote avec les autres), il apparaît vraiment comme le petit frère assoiffé de reconnaissance, qui s’ennuie fermement dans son travail et qui ne peut pas supporter le reste de sa famille qu’il juge souvent trop idiots et prétentieux. Par vengeance et aussi par ennui, il s’amuse à semer la zizanie. Zeus semble vouloir essayer de maintenir un semblant de relation avec son petit frère, même s’il n’apprécie pas beaucoup sa compagnie et qu’il doit souvent être motivé par sa femme Héra pour passer plus de temps avec lui. On peut alors comprendre que la rancœur d’Hadès, qui le poussera plus tard à s’en prendre à ses semblables, vient surtout d’un besoin d’être apprécié à sa juste valeur. Dans la série, on voit à plusieurs reprises à quel point il est fatigué de devoir faire bonne figure, supporter les autres dieux ou assister à toutes ces réunions de famille, et il n’est pas difficile d’imaginer une future rébellion…
Zeus, malgré ses difficultés à passer trop de temps avec Hadès, est dans le fond très protecteur envers son frère, et le défend auprès des autres dieux. Il lui trouve aussi beaucoup d’excuses pour justifier ses remarques sarcastiques et ses tentatives de prise de l’Olympe.
Hadès défend fièrement son statut de dieu des Enfers, et même s’il n’est pas spécialement un travailleur acharné, il prend son poste au sérieux. Il cherche d’ailleurs à augmenter ses bénéfices en améliorant la diffusion de certaines maladies. Il entretient aussi une relation très passive-agressive avec Hécate, déesse de la sorcellerie et employée aux Enfers qui complote contre lui.
Cette série nous permet donc d’explorer le passé de Hadès, son caractère, ses relations familiales et ses frustrations qui le conduiront plus tard à vouloir conquérir l’Olympe… ses motivations deviennent plus compréhensibles, ce qui lui ajoute un capital sympathie auprès du public.
En plus de la série animée, Hadès est aussi apparu dans le jeu vidéo Kingdom Hearts comme méchant secondaire, et dans le jeu interactif Sorcerers of the Magic Kingdom au parc Magic Kingdom en Floride, en tant que méchant principal.
Dans le Club de Mickey, une série qui mettait en scène tous les personnages Disney, plusieurs épisodes le mettaient en lumière, dont un épisode en particulier concernant ses tentatives de demander un rendez-vous à Maléfique... on découvre alors une nouvelle facette du personnage, plus tendre et maladroite (en contraste avec sa personnalité assurée et caustique habituelle). Ces détails auront de l’importance dans la suite de son développement !
Hadès version live-action : plus qu’un tchatcheur sans cœur
Il faudra 5 saisons à Hadès pour faire son apparition dans la série Once Upon a Time, sous les traits de l’acteur Greg Germann. Bien qu’il soit inspiré du Hadès de Hercule, notamment pour sa rivalité avec Zeus, son pacte avec Mégara et sa flammèche bleue, il n’en a pas tout à fait la personnalité. Ce Hadès-ci est plus calme, plus sinistre, moins volubile, moins comique. Il a aussi une toute autre histoire, puisque là où la version animée de Hadès a plus du petit frère blasé et rancunier qui décide de se rebeller, celui de Once Upon a Time est plus calculateur, ambitieux et cruel : il est sous-entendu qu’il tue son père Kronos pour lui voler le crystal olympien et ainsi prendre le pouvoir. Zeus l’en empêche et le condamne à ne jamais être capable d’éprouver aucune autre émotion que la colère. Le seul moyen pour briser la malédiction est, bien évidemment, un premier baiser d’amour… et l’amour, ce Hadès finit par le trouver en la personne de Zelena, la Méchante Sorcière de l’Ouest. La série reste longtemps ambiguë quant aux réels sentiments de Hadès envers Zelena : est-ce qu’il la manipule, ou est-il vraiment amoureux d’elle ? Il s’avère que ses sentiments sont sincères, puisque c’est bien son baiser qui va rompre le charme. Malheureusement, grand amour ou pas, l’ambition de Hadès l’emporte sur sa fidélité envers Zelena, que cette dernière sera donc contrainte de tuer.
Si le Hadès de Once Upon a Time est loin d’être du côté des gentils, sa romance avec Zelena dévoile définitivement une nouvelle facette de ce personnage. Il est capable de s’intéresser à quelqu’un d’autre que lui-même et à se montrer vraiment attentionné, doux et protecteur envers les personnes auxquelles il tient. C’est quelque chose qui sera développé avec la dernière apparition en date de Hadès, celle de Descendants 3 (2019).
Descendants 3 nous apprend que Hadès, interprété par Cheyenne Jackson, est en vérité de père de Mal. Bien qu’au début, on puisse penser qu’il est un père indigne pour avoir abandonné sa fille, on découvre qu’il a fui Maléfique mais qu’il regrette justement de ne jamais vraiment avoir connu Mal. Dès leur rencontre, on sent la complicité des deux personnages, surtout pendant la chanson « Do What You Gotta Do » : Mal et Hadès dansent ensemble, s’amusent ensemble, et Hadès lui demande même de passer du temps avec elle. Mal lui pardonne assez vite, secrètement enthousiasmée par l’idée d’avoir un parent qui l’aime sincèrement. Et c’est justement la particularité de cette version de Hadès : il a tout de la personnalité de celui du dessin animé, avec en plus un côté paternel et attentionné qui vient finalement ajouter une nouvelle épaisseur au personnage.
Le Hadès de Descendants est loin d’être aussi méchant que les autres vilains de l’île de l’oubli. Il précise que c’est son statut de dieu des Enfers qui lui vaut cette place sur l’île, plus que sa nature profonde (il dit que « voler des âmes » est son travail, et non quelque chose qu’il fait pour satisfaire une quelconque envie de faire le mal). Il donne très facilement son ambre à Mal pour qu’elle puisse réveiller les habitants d’Auradon (le royaume des gentils), et il ressuscite Audrey (fille de La Belle au Bois Dormant) sans trop rechigner. Il fait juste remarquer avec son cynisme habituel que lorsqu’un « méchant » fait une mauvaise action, on le bannit sur une île, alors que quand c’est un gentil, on lui pardonne immédiatement. Une remarque très juste, qui remet en question le système mis en place par la Belle et la Bête sur Auradon. A la fin du film, Hadès est définitivement pardonné et réintégré à la société, tout en faisant enfin partie de la vie de sa fille.
Une fin heureuse pour Hadès ?
Rares sont les méchants Disney qui ont droit à un arc de rédemption. Généralement, leur situation à la fin de leur film respectif (très souvent la mort) ne leur permet pas d’évoluer… mais Hadès est un cas à part, car en tant que Dieu, il est immortel. Personne ne sait donc combien de temps il est resté dans le Styx à la fin de Hercule, ni ce qui s’est passé lorsqu’il en est sorti. Cependant, si la série animée nous a appris quelque chose, c’est que Zeus pardonne très facilement son petit frère. Il n’est donc pas impossible que le clément Zeus ait décrété que sa petite virée dans le Styx fut une punition suffisante, et l’autorise à reprendre son travail (après tout, il faut bien quelqu’un pour veiller sur les morts).
Ses apparitions dans le Club de Mickey confirment cette idée, puisqu’au contraire de la majorité des autres méchants, il se montre plutôt cordial et ouvert au dialogue avec Mickey et les autres gentils, se contentant au pire d’une réplique cinglante. Il va jusqu’à demander des conseils à Mickey en drague… et à saluer amicalement Meg et Hercule à une table, comme si sa tentative de conquête de l’Olympe appartenait maintenant au passé.
De plus, en dépit de son plan et de son côté cynique, Hadès ne semble pas être d’une nature profondément malfaisante : son principal défaut en tant que méchant est, après tout, qu’il est trop honnête ! De même, Hadès traite plutôt bien ses « esclaves », la preuve en est, sa relation avec Meg. Comme il lui rappelle fréquemment, Meg lui appartient. Elle doit se plier à ses quatre volontés, et agit donc comme son esclave. Pourtant, elle n’hésite pas à contester ses ordres et à lui répondre sur le même ton chargé de sarcasme que lui… le tout sans jamais le craindre ! Il est vrai que Hadès ne punit pas vraiment Meg (à part lui ajouter des années de sentence en plus, mais même cet échange au début du film ressemble plus à de la taquinerie qu’à de la menace). Pour un dieu aussi colérique, on pourrait penser qu’il lui en faudrait moins que ça pour immédiatement carboniser l’impertinente Mégara sur place. Pourtant, lorsqu’elle lui dit qu’elle ne l’aidera pas à blesser Hercule, il la taquine dans un premier temps en lui disant qu’il ne lui rendra donc jamais sa liberté, et lorsqu’elle reste sur sa décision, son attitude change complètement : il discute avec elle, essaie de la raisonner, exprime son étonnement face à ses sentiments pour Hercule, et la met même en garde contre le demi-dieu qui, malgré ses airs naïfs et parfaits, « est comme tous les autres mecs ». Une conversation qu’on s’attend plus à trouver chez deux amis de longue date que chez un maître et sa chose !
Tout le long du film, ils passent leur temps à s’envoyer des piques, et finalement, leur relation a plus du patron et de l’employée que du maître et de l’esclave. Meg est agacée par Hadès et souhaite plus que tout retrouver sa liberté, mais elle ne semble pas non plus souffrir le martyr auprès d’un mégalomaniaque diabolique qui n’aurait aucune considération pour elle. Enfin, le marché que Meg avait passé avec Hadès stipulait qu’elle devait lui vendre son âme. Or, Hadès lui propose régulièrement de pouvoir retrouver sa liberté si elle travaille bien, chose qu’il n’est techniquement pas obligé de faire…
Tous ces éléments, ajoutés au fait que le Hadès de la mythologie grecque n’a rien de diabolique, peut justifier l’envie que semble avoir Disney de donner un arc de rédemption à Hadès. Au fur et à mesure de ses apparitions, surtout dans Le Club de Mickey et Descendants, il devient plus occupé par son travail et par son envie de nouer des liens avec d’autres personnes que par l’envie de lancer une nouvelle révolte. Plus qu’à attendre le remake live-action pour voir si le dieu des Enfers aura définitivement le droit à un happy ending…