Le vendredi 17 juin 2016, lors de la 39ème édition du Festival International du Film d’Animation d’Annecy, le public a pu assister à la projection des premières images du Disney de Noël, Vaiana : La Légende du Bout du Monde (Moana) et du travail réalisé jusqu’à maintenant par les deux réalisateurs Ron Clements et John Musker. Les deux comparses renouvellent leur collaboration, 6 ans après La Princesse et la Grenouille, et nous promettent un nouveau long-métrage magistral à tous points de vue. Après la projection de ces images et la révélation d’une affiche exclusive française, Radio Disney Club a eu la chance de rencontrer l’équipe artistique pour une conférence de presse. Petit retour sur cet entretien particulièrement animé ! Rappelons que le Grand Classique sort le 30 novembre 2016 en France, accompagné en première partie du cartoon Inner Workings (retrouvez notre entretien avec ses créateurs à Annecy ici).
C’est depuis les îles océaniennes du Pacifique Sud que la jeune Moana, navigatrice émérite au caractère bien trempé, décide d’entamer ses recherches pour retrouver une île aussi mystérieuse que fabuleuse afin de sauver son peuple. Au cours de cette traversée au long cours, elle va faire équipe avec son idole, le légendaire demi-dieu Maui, qui l’aidera à sillonner les océans et accomplir un voyage épique empli d’énormes créatures marines, de mondes sous-marins à couper le souffle mais aussi de traditions fort anciennes…
John Musker et Ron Clements : deux grands pionniers du cinéma d’animation
John Musker est un réalisateur, animateur, scénariste et producteur américain né le 8 novembre 1953 à Chicago. Il est connu pour avoir réalisé plusieurs films considérés comme des grands classiques Disney en collaboration avec Ron Clements. Il commence à dessiner à l’école primaire et décide de devenir animateur dès l’âge de 8 ans. Inspiré par des classiques Disney tels que La Belle au Bois Dormant, Pinocchio ou encore par l’ouvrage de Bob Thomas The Art of Animation, il développe une connaissance très approfondie du processus de création d’un dessin animé. Sa fascination pour les comics, les cartoons et Mad Magazine stimule encore davantage son désir de dessiner.
Il fait ses classes à la Loyola Academy dans l’Illinois et devient dessinateur pour le journal de l’école. Son style particulier, son talent pour la caricature, qui n’épargne ni les professeurs ni les figures populaires de l’établissement, lui valent ses premiers fans. Il continue à développer son sens de la caricature et sa technique de dessin tout au long de ses études universitaires à Northwestern University, dont il sortira diplômé en anglais, tout en dessinant des cartoons pour le Daily Northwestern.
Après l’obtention de son diplôme universitaire en 1974, il se constitue un portfolio et se rend en Californie pour faire carrière. Sa candidature est rejetée par Disney. il décide alors de suivre les cours du California Institute of the Arts (CalArts), une école créée par Walt Disney en 1961, pour se perfectionner. À la suite de sa première année, le studio lui propose de l’embaucher à plein temps comme animateur mais il refuse. John Musker est engagé aux studios Disney en 1977. Pour son premier travail, il est assistant animateur pour Le Petit Âne de Bethléem (1978), un moyen court-métrage réalisé par Don Bluth. Il devient ensuite animateur pour Rox et Rouky (1981) et fait la connaissance de Ron Clements.
Leur première réalisation est Basil, Détective Privé (1986), mais c’est avec La Petite Sirène (1989) et Aladdin (1992) qu’ils connaissent un vif succès et permettent aux Studios Disney de vivre un second âge d’or. Pour Vaiana : La Légende du Bout du Monde, Musker est réalisateur et scénariste.
Ron Clements est un animateur, scénariste, réalisateur et producteur américain né le 25 avril 1953 dans l’Iowa. Il est surtout connu pour ses activités aux Studios Disney, en collaboration avec John Musker. Ron Clements commence dès son adolescence à créer des films d’animation en Super 8. Après avoir travaillé quelques mois comme animateur pour Hanna-Barbera Productions — aujourd’hui Cartoon Network Studios—, il rentre chez Disney en 1976 et y fait son apprentissage aux côtés de Frank Thomas pendant deux ans. Il grimpe progressivement les échelons : animateur de personnages pour Les Aventures de Bernard et Bianca et Peter et Elliott le Dragon (1977), superviseur de l’animation pour Rox et Rouky (1981), co-scénariste de Taram et le Chaudron Magique (1985), il passe finalement à la mise en scène avec Basil, Détective Privé (1986), sa première collaboration avec John Musker, puis s’ensuivent les nombreux succès que nous avons mentionnés plus haut.
Le film Hercule en 1997 a un succès mitigé, puis La Planète au Trésor, Un Nouvel Univers (2002), adaptation mêlant animation traditionnelle et infographie dans un univers de science-fiction, est un échec commercial, entraînant la rupture de leur contrat. La Princesse et la Grenouille, réalisé en 2D en 2010, signe leur grand retour. Ron Clements est ensuite conseiller artistique pour Les Nouveaux Héros (2014) et en 2016 pour Zootopie. Il revient avec son acolyte de toujours sur le devant de la scène pour Noël 2016 en tant que co-réalisateur et co-scénariste de Vaiana : La Légende du Bout du Monde.
Entretien avec John Musker et Ron Clements
[Presse] Quelle est la différence entre l’animation traditionnelle et l’animation moderne ? Est-ce plus facile ou plus compliqué ?
[John Musker] Nous avons dû apprendre une nouvelle façon de réaliser, découvrir de nouvelles techniques, car l’animation moderne est complètement différente de ce qu’on a pu faire auparavant puisque nos productions étaient faites à partir de dessins réalisés à la main. Dans l’animation traditionnelle, le « story board » nécessite davantage de préparation. Tout ce qui a été fait, plus ou moins sous forme de brouillon, est « nettoyé ». Avec l’animation moderne, tout ce travail de fond disparaît.
[Ron Clements] Avec l’animation moderne, vous voyez moins toutes les étapes de la conception du film. En fait, nous devons, au préalable, imaginer tous les éléments du film, savoir où chaque chose prend place, avoir déjà une idée précise du produit final. Généralement, celui-ci est meilleur que ce qu’on avait imaginé.
[John Musker] : Dans l’animation traditionnelle, nous prenons une feuille de papier pour mettre nos idées sous forme de dessins et nous les faisons peu à peu évoluer jusqu’à ce que cela donne quelque chose de satisfaisant. Mais dans la CG [imagerie animée générée par ordinateur], vous devez déjà créer tout le design des personnages et tout l’univers.
[Ron Clements] – Nous avons commencé par dessiner, mais c’est un processus très lent, étalé sur plusieurs années.
[Presse] Quelle technique préférez-vous ?
[John Musker] J’aime l’animation traditionnelle. Les techniques modernes sont encore nouvelles pour nous. Il y a 30 ans, on faisait tout nous-mêmes de A à Z, ce n’est plus le cas maintenant.
[Ron Clements] Dans Vaiana, malgré tout, la CG est appropriée car l’océan, les personnages forment un univers très riche.
[John Musker] Nous avons fait beaucoup de recherches sur les traditions indigènes, nous avons parlé à des spécialistes. Il y a dans ces cultures toute une tradition picturale, sculpturale. Les tatouages sont omniprésents. Les indigènes ont une manière particulière de dessiner les silhouettes par exemple, de façon linéaire. La tradition indigène est très graphique. Donc, d’une certaine manière, l’utilisation de la CG pour ce film a du sens. Mais j’aime l’animation traditionnelle et dessiner alors on espère de tout cœur que les studios ne perdront pas de vue cette technique noble dans les années à venir. On sait que la CG requiert des coûts budgétaires bien moindres…
[Presse] Avez-vous élaboré le design des personnages avant d’avoir choisi le casting ou après ? Par exemple, pour le personnage de Maui ?
[Ron Clements] Comme nous l’avons dit juste avant, nous avons dû faire nos choix concernant l’esthétique des personnages et le monde que nous voulions représenter en amont. Maui ressemble étrangement, je pense, à un gentleman. Dwayne Johnson a sûrement été une inspiration à plus d’un aspect pour créer ce personnage. Nous ne cherchions pas à caster un acteur qui ressemble obligatoirement au personnage malgré tout.
[John Musker] Les acteurs sont là pour apporter leur voix, ils ne ressemblent pas forcément à leur personnage. Nous avons, il est vrai, lancé plusieurs sessions de casting pour dénicher la perle rare, assez mature pour camper ce rôle. Nous sommes partis à sa recherche en Nouvelle Zélande ou aux Samoa pour recruter la voix originale de Moana (Vaiana). Quand nous avons enfin trouvé la voix, Auli’i Carvalho, nous avons tout de suite été impressionnés par sa productivité, ce que nous avons rappelé à sa mère.
Pour l’autre rôle, nous avons fait un tas d’essais pour le design de Maui. Nous nous sommes inspirés de photos de personnes de type asiatique ou venant de Polynésie pour nous aider dans la conception du personnage. C’est là qu’est intervenu notre producteur, qui nous a par ailleurs beaucoup aidé pour concevoir les décors puisque nos voyages ont été multiples et variés en Océanie et au sud du Pacifique.
[Presse] A propos du rythme, lorsqu’on regarde les premières images, on a l’impression que le rythme est très lent alors que Moana se déplace très rapidement… Que pouvez-nous dire sur cet aspect-là du film ?
[John Musker] Nous avons beaucoup plus de prises que ce nous pensions faire au départ. Ce que vous dites me semble bizarre parce que nous avons des scènes longues dans le film. Je ne pense pas que cela a été fait de manière consciente en tout cas.
[Ron Clements] Je pense, qu’en règle générale, le rythme des films a changé au fil des années.
[John Musker] Je fais un parallèle avec Blanche Neige. Le film est très lent, on peut voir Blanche Neige parler avec les animaux plusieurs fois…
[Ron Clements] Nous aimons toutes nos productions. Oui, il y a des rythmes différents. Cela a toujours semblé être un problème dans nos productions. Vous savez, dans le cinéma d’animation, vous devez garder un certain style, le déroulement ne doit pas prendre trop de temps et tout doit s’enchaîner rapidement. C’est quelque chose d’habituel maintenant dans le cinéma d’animation, qui ne l’était pas à notre époque.
[Presse] Vous avez réalisé des films très différents les uns des autres… Êtes-vous conscients de l’héritage que vous avez apporté aux studios Disney et quels sont vos meilleurs souvenirs ?
[John Musker] Mes meilleurs souvenirs à Disney sont lorsque j’étais animateur, que je commençais tout simplement à faire mon métier, à créer, jusqu’à ce que cela ait quelque chose d’artistique… Les films qui m’ont marqué sont Pinocchio (1940) et La Belle et le Clochard (1955).
[Ron Clements] J’ai aimé toutes les productions que nous avons réalisé mais je garde un souvenir particulier de La Petite Sirène. Nous travaillions, à l’époque, dans un entrepôt en dehors des studios. Nous faisions vraiment un travail d’équipe. Alan Menken écrivait les chansons pendant que nous mettions au point le scénario de l’histoire. Cela faisait également longtemps qu’un conte de fées n’avait pas été réalisé par les studios. Il y avait une ambiance, une atmosphère particulière lors de la création de ce film. Nous étions jeunes à cette époque, croyez-le ou non. Nous étions des jeunes gens, créatifs, inspirés, passionnés, qui collaboraient tous ensemble. C’était une période un peu spéciale, différente et très enrichissante.
[John Musker] Vous connaissez notre boss ? [John Lasseter]. Il fait les choses avec passion, avec beaucoup de sensibilité. C’est une personne qui aime vraiment l’animation. Il aime faire des choses pour divertir le public.
[Ron Clements] Nous avons eu énormément de directeurs au fil des années. Certains étaient mieux que d’autres mais John est certainement l’un des meilleurs. C’est vraiment très agréable de travailler avec lui. Il a tellement apporté aux studios Disney. Il est arrivé justement au moment où Disney avait besoin d’un renouveau !