Parmi les inspirations récurrentes de Discoveryland, Jules Verne en sera évidemment la principale des concepteurs jusqu’en 1995, année d’ouverture de Space Mountain : de la Terre à la Lune. Lors de l’inauguration officielle d’Eurodisney, retransmise en direct dans le monde, c’est Jules Verne « en personne » qui aura l’honneur d’inaugurer Discoveryland et ses attractions.
Les attractions originales de Discoveryland
Après Fantasyland, Discoveryland est le deuxième land de Disneyland Paris à proposer le plus d’attractions. À l’ouverture du parc, Discoveryland propose 5 attractions dont la plupart rendent hommage à un visionnaire européen. Certaines sont conçues spécialement pour Disneyland Paris afin de s’insérer dans sa thématique exclusive, et d’autres sont exportées des autres parcs Disney existants à l’époque, et sont principalement regroupées dans le fond de Discoveryland, car moins directement liées à sa thématique.
Tout comme dans les autres parcs Disney, Disneyland Paris assure la promotion de ses attractions grâce aux posters visibles dès l’entrée du parc et dont certains, comme le Visionarium, Vidépolis ou Orbitron, ont été dessinés par Tim Delaney lui-même, directeur artistique et prolifique de Discoveryland.
Orbitron, les machines volantes – L’attraction est un manège classique, mais qui s’inspire des travaux d’astronomie de Léonard De Vinci, dont on retrouve une citation dans l’attraction « Il sole non si muove » (le soleil ne bouge pas). Le concept existe déjà dans les Tomorrowland mais son esthétique est exclusive à Disneyland Paris, si bien réussie qu’elle sera dupliquée dans le parc Disneyland en Californie. En dehors de Léonard de Vinci, les Imaginieurs ont également trouvé l’inspiration en visitant le musée des Arts et Métiers de Paris en plus d’anciennes maquettes planétaires et autres objets scientifiques et astronomiques. On peut retrouver aussi sur les 12 nacelles de l’attraction, l’un des signes du zodiaque. Leur design s’inspire des premières bandes dessinées de science-fiction du début du XXe siècle. Par ailleurs, le mouvement des planètes, majoritairement inverse à celui des navettes, procure une sensation de vitesse supplémentaire aux navettes.
Autopia – Cette « automobile utopia » est un classique des autres parcs Disney qui consiste à conduire une voiture sur un circuit. Son lien avec la thématisation principale de Discoveryland est moins direct. L’attraction est identifiable par son style rétro des années 50. L’aspect art déco de son extérieur, l’esthétique des voitures, leurs couleurs, les panneaux publicitaires répandus dans l’attraction, … témoignent de ce style. Elle s’inspire légèrement du cartoon futuriste des années 50 Magic Highway, où l’autoroute représentait un ingrédient central du progrès. La thématique est un peu plus poussée que celle de ses homologues. Elle se base sur les autoroutes, innovation dans le domaine du transport développée entre les années 40 et 60, ainsi que sur la vision utopique du futur avec la symbiose entre nature et urbanisme en même temps que le progrès au service de l’homme. Sans oublier, un classique de l’imagerie du futur, la voiture volante, puisque le modèle des voitures d’Autopia sont des Astrocoupes 9000 capables de rouler mais aussi de voler. L’esthétique des voitures, dont chacune est unique de par ses couleurs, n’est pas sans rappeler des jouets. Si cela peut s’apparenter à la vision naïve du futur et rétro que présente Autopia, c’est aussi parce que le premier partenaire de l’attraction était le fabricant de jouets Mattel. La création des voitures a été supervisée par Steve Brooks qui souhaitait un design futuriste mais indémodable, les Imaginieurs ont donc composé avec plusieurs éléments d’anciennes voitures et ont également fait en sorte que les accessoires (ailerons, protèges roues, pare-chocs) soient interchangeables. La conception du circuit d’Autopia est, quant à elle, un mixte entre celui de Floride et de Californie, en termes de longueur et de complexité. L’attraction continue de s’inscrire dans une perspective d’avenir meilleur en devenant écologique, puisque toutes les voitures d’Autopia sont aujourd’hui équipées de moteurs hybrides afin de réduire la consommation de carburant et les émissions de CO2. Les voitures sont capables aussi de passer en mode électrique lors de l’embarquement/débarquement.
Star Tours – Presque 10 ans après la sortie du Retour du Jedi, un autre classique des parcs Disney voit le jour à Discoveryland, Star Tours. Quatrième et dernière version née de l’attraction, dont l’originale a été inaugurée 4 ans auparavant, elle est le fruit de la collaboration entre les équipes de George Lucas et de Walt Disney Imagineering. L’attraction assure une immersion totale dans l’univers de Star Wars, à travers une agence de voyage fictive invitant les visiteurs à la vitesse de la lumière vers la planète Endor, vue dans l’épisode VI, le tout orchestré par les célèbres personnages de la saga, dont plusieurs droïdes imaginés spécialement pour l’attraction, qui ne manquent pas une occasion de distraire les visiteurs, à commencer par REX, le pilote « novice » du Star Speeder 3000. L’attraction accueille les visiteurs sous un X-Wing grandeur nature et s’accompagne de la boutique Star Traders, spécialisée dans la vente de produits futuristes et Star Wars, abritée sous une antenne satellite dont la légende prétend qu’elle lui permet de recevoir les commandes de partout dans la galaxie.
Captain EO – Appelé aussi « Cinémagique » à l’origine, l’attraction était une copie des autres parcs Disney de l’époque. Elle consistait en un film 3D dont la réalisation réunit une impressionnante équipe : le réalisateur Francis Ford Coppola, le cinéaste George Lucas, le compositeur James Horner, l’actrice Angelica Huston et évidemment Michael Jackson, star du spectacle, le tout pour un budget impressionnant de 30 millions de dollars. Le film racontait l’histoire de Captain Eo (dont le nom s’inspire de la divinité grecque Eos, déesse de l’aurore) et de son équipage un peu farfelu, composé d’extraterrestres et de robots, chargé d’une mission à travers la galaxie qui les mènera à la rencontre de la maléfique « Supreme leader » à qui Captain Eo prouvera la puissance de la musique.
Mickael Jackson composera spécialement pour le film deux chansons mémorables : We Are Here to Change the World et Another Part of Me. Typiquement 80’s que ce soit dans le scénario, l’esthétique ou encore les chorégraphies, le film a déjà six ans quand il arrive à Disneyland Paris. Petit clin d’œil dans la file d’attente de l’attraction, celle-ci est décorée avec des zootropes, ancêtres de l’animation. Aujourd’hui, et avec l’arrivée récente de la saga Star Wars à Disneyland Paris, c’est désormais Path of the Jedi qui est joué dans ce théâtre.
Hypérion/Vidéopolis, cap sur le futur !
Autre élément incontournable de Discoveryland dès son ouverture : le bâtiment du Café Hypérion et de Vidéopolis. Clairement dans le style rétrofuturiste souhaité par les Imaginieurs avec son armature apparente couleur rouille, ses hélices de ventilation et surtout sa verrière, dont la structure métallique, les fenêtres de verre et la couleur vert-bleu ne sont pas sans rappeler certaines constructions révolutionnaires de la fin du XIXe siècle, comme le Crystal Palace de Londres ou le Grand Palais à Paris. C’est cette verrière qui abrite d’ailleurs l’impressionnant dirigeable Hypérion, qui marque l’entrée du café éponyme et qui était, à sa création, le plus grand accessoire statique utilisé dans un parc Disney.
On pourrait croire que lui aussi est tout droit sorti d’un des « Voyages Extraordinaires » de Jules Verne, et pourtant… Le dirigeable long de 30 mètres invite lui aussi le visiteur au voyage, car amarré et prêt au départ, notamment avec ses cages de pigeons voyageurs bruyants, il attend son nouveau capitaine car selon la légende, au matin de sa cinquantième expédition, l’unique capitaine de l’Hypérion a disparu mystérieusement sans laisser de traces. Ce qui n’est pas sans rappeler la disparition qui justifie l’expédition vers le grand nord polaire dans le film des studios Disney : l’Île sur le toit du monde (1974), dont le dirigeable de Discoveryland s’inspire fidèlement. Le nom du dirigeable Hyperion provient, lui, de l’adresse des premiers Studios Disney à Hollywood. Le Café Hypérion et son dirigeable sont eux aussi une exclusivité de Disneyland Paris, mais dont l’idée ne date pas de la conception du resort européen. En effet, elle avait déjà été étudiée pour un projet appelé Discovery Bay à Disneyland en Californie après la sortie du film l’Île sur le toit du monde.
Depuis son ouverture, le Café Hypérion est le plus grand restaurant de Disneyland Paris et a été longtemps le plus grand fast-food d’Europe. L’intérieur du restaurant rappelle celui d’un hall de départ avec les piles de valises, les destinations exposées au-dessus des comptoirs de vente et les costumes du personnel.
Le bâtiment abrite aussi Vidéopolis, textuellement la « cité de la vidéo ». À l’origine, le rôle de Vidéopolis était plus polyvalent que la salle de spectacle qu’on lui connaît aujourd’hui. C’était une aire de divertissements, où la scène servait à des spectacles divers et le soir se transformait en boîte de nuit. Deux salles, appelées « Espaces CD Interactif » et présentées par Philips, étaient consacrées aux nouvelles technologies à travers différentes vitrines et une troisième, « Fenêtre sur le monde », abritait 48 écrans de télévision pour raconter l’histoire de notre planète. Vidéopolis présentait à son ouverture un spectacle moderne appelé Rock Shock, mis en musique par David Hallyday. La salle connaîtra près d’une dizaine de spectacles, sur la Belle et la Bête, les Classiques Disney, Mulan, le Roi Lion… Et plus récemment la Jedi Training Academy !
Le Visionarium, l’esprit de Discoveryland
En plus d’Orbitron, Discoveryland dispose à son ouverture d’une seconde attraction exclusivement conçue pour Disneyland Paris : le Visionarium. La thématisation du land se basant aussi sur le voyage, cette attraction proposait une excursion plus particulière, un voyage dans le temps, inspiré du célèbre roman de H. G. Wells, la « Machine à remonter le temps ». L’essence de Discoveryland est on ne peut plus concrète avec le Visionarium. Avant l’arrivée de Space Mountain, si Orbitron servait de repère pour Discoveryland, le Visionarium était quant à lui son attraction phare. Il était abrité sous le bâtiment représentant une sorte de dôme, où on peut retrouver aujourd’hui l’attraction Buzz Lightyear’s Laser Blast. Il était possible de retrouver à l’entrée de l’attraction quelques vers du poète français Alphonse de Lamartine, « Ô temps! Suspens ton vol ».
Après avoir traversé une pièce rendant hommage aux plus grandes inventions et réalisations humaines, sorte de musée des inventions décoré d’artefacts, de tubes incandescents et de stroboscopes, Timekeeper (le « gardien du temps » en français dans le texte), un sympathique robot audio-animatronic aux allures de scientifiques fou à qui l’humoriste Michel Leeb prêtait sa voix, invitait les visiteurs à découvrir sa toute nouvelle invention capable de voyager dans le temps. La démonstration se faisait dans sa « salle d’expérimentation », une salle de projection à 360° composée de 9 écrans, en présence d’un duo qui ne manque pas d’humour, à savoir Timekeeper et son acolyte peu confiante, Nine-Eye (doublée par Myriam Boyer), une caméra voyageuse qui testait l’invention et était envoyée à travers les époques, un voyage auquel le visiteur assistait grâce aux 9 caméras qui équipent le robot.
Ce voyage emmenait les hôtes de la préhistoire à la fin du XIXe siècle, en passant par l’ère glacière, le Moyen Âge en guerre, la Renaissance de Léonard De Vinci mais aussi le XVIIIe siècle en présence du jeune Mozart, Louis XV et sa favorite pour enfin assister à la construction accélérée de la Tour Eiffel. Un détour par l’Exposition Universelle de 1900 permettait de faire la rencontre de H. G. Wells et Jules Verne, convaincu que le voyage dans le temps est impossible, et qui, grâce à Nine-Eye, fait la découverte mouvementée de l’époque contemporaine à bord d’un TGV, d’une formule 1, d’un bobsleigh, d’un hélicoptère et même jusque dans l’espace. Un Jules Verne émerveillé de voir que les inventions de ses livres se sont concrétisées aujourd’hui, comme les voyages sous-marins ou dans l’espace. L’expédition se terminait par un survol du Paris du XXIIème siècle, où la Tour Eiffel fête son tricentenaire, rejoint par les deux visionnaires rencontrés plus tôt. Cette dernière scène faisait entre autre référence au partenaire de l’attraction, l’entreprise automobile Renault, qui a conçu le véhicule futuriste qu’on pouvait voir dans la scène finale et dont un modèle fictif était exposé à l’entrée de l’attraction, la Reinastella, disposant d’une commande vocale, capable de voler jusqu’à 150m au-dessus du sol et d’atteindre 300 km/h.
Le film de l’attraction, intitulé De Temps en Temps (From Time to Time), a été filmé en Circlevision (procédé inventé par Disney dans les années 50) pour être projeté à 360° et est très européen lui aussi, puisqu’il a fait appel à certains des plus grands acteurs français comme Gérard Depardieu, Jean Rochefort, Nathalie Baye et « Fenêtre sur le monde » qui fait revivre Jules Verne à l’écran sans oublier Jeremy Irons (britannique) qui campe le rôle de H. G. Wells, et qu’on peut retrouver aujourd’hui dans l’attraction Studio Tram Tour. L’équipe du film a employé également Rémy Julienne comme cascadeur, et qu’on retrouve aux Walt Disney Studios, derrière la conception de Moteurs, Action!. En outre, les lieux de tournage ont été choisis en France, en Angleterre, en Allemagne, en Autriche et en Italie. Le tournage de certaines scènes de l’arrivée de Jules Verne dans le futur a d’ailleurs relevé du défi. Enfin, le film est servi par une superbe musique, digne du compositeur John Williams, composée par Bruce Broughton et très proche de l’esprit de Discoveryland.
Le succès de l’attraction européenne provoquera sa duplication dans d’autres parcs Disney étrangers, où notamment Robin Williams prêtera sa voix à Timekeeper dans la version américaine.
https://www.youtube.com/watch?v=ZdHWI9XVFbA
À découvrir dans la prochaine partie : Comme une impression d’inachevé – les projets abandonnés de Discoveryland et Space Mountain : de la Terre à la Lune